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Huître triploïde : si on continue on va droit « dans le mur » avertit Joël Labbé

PUBLIC SÉNAT – Par Natacha Gorwitz / 12.05.2015

Depuis son introduction en 2008, l’huître triploïde a envahi le marché. Les conséquences ne sont pas simplement écologiques puisqu’aujourd’hui, c’est l’ensemble de la filière ostréicole qui est menacée.

En tant qu’élu du Morbihan où l’activité ostréicole est bien installée, Joël Labbé, est directement concerné et le bilan qu’il dresse est sévère. « On est allé trop loin » insiste le sénateur écologiste, alors que dans son département « 40 chantiers ostréicoles ont fermé en six ans ». A son initiative, un débat en séance publique aura lieu cet après-midi au Sénat. Y participera Alain Vidalies, secrétaire d’Etat auprès de la ministre de l’Ecologie, chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche.

« Tout le monde a cru que c’était une aubaine » malgré des signes « préoccupants »

A l’origine, « beaucoup ont trouvé ça intéressant », commente Joël Labbé, et ce pour deux raisons principales. Non seulement, elles sont « consommables toutes l’année », mais sont commercialisables en seulement « deux ans », au lieu de trois pour les huîtres naturelles [Voir Encadré]. « Tout le monde a cru que c’était une aubaine » à quelques ostréiculteurs près qui sont restés fidèles aux modes de production traditionnels, raconte Joël Labbé. De son côté l’élu écologiste admet que dès l’origine, il avait « beaucoup de doutes ».

En fait, dès le départ, on a pu observer de façon « préoccupante » des taux de mortalité très élevés chez les ‘naissains’ – les larves des huîtres toutes confondues, triploïdes ou naturelles. En cause, la présence d’un herpèsvirus (appelé OsHV-1). Quatre ans plus tard, dès 2012, c’est au tour des huîtres ‘adultes’ d’être frappées par une forte mortalité, cette fois du fait de la présence d’une bactérie. Prétendues plus ‘résistantes’ –les huîtres triploïdes sont finalement les plus touchées. En fait, la bactérie existait déjà dans le milieu avant l’arrivée de la triploïde, explique Joël Labbé. Mais, l’arrivée en masse d’une huître plus fragile dans le milieu naturel a exacerbé la prolifération de cette bactérie.

Actuellement, le « paradoxe » signale l’élu écologiste, c’est qu’on est quasiment en situation de « surproduction ». En anticipant des taux de mortalité élevés sur leur production, les ostréiculteurs ont fortement augmenté leur nombre de naissains. Non seulement cela a entraîné « une plus grande pression sur le milieu », mais il s’en est suivi une chute importante des cours en cette fin de printemps. Sur les étales des marchés, les ostréiculteurs ont dû vendre leurs huîtres triploïdes à prix bradé pour écouler leurs stocks. Or, l’histoire ne s’arrête pas là car « il y a très peu de temps » on a découvert que « 13,5% des huîtres triploïdes sont laiteuses » informe le sénateur écologiste.

« Le minimum du minimum, c’est d’informer le consommateur »

Pour Joël Labbé, c’est clair. Si on continue, on va droit « dans le mur ». Le problème est connu depuis plusieurs années mais « on en parle sans prendre de vraies décision ». En fait, l’huître triploïde a été introduite sans qu’il y ait d’étude d’impact, pointe du doigt le sénateur écologiste. D’ailleurs, une procédure est actuellement en cours en cours dans laquelle l’association des ostréiculteurs traditionnels met en cause Ifremer qui possède le brevet pour défaut de prévention. Jusqu’ici, l’établissement qui dépend du ministère de l’Ecologie dément tout lien entre l’introduction de la triploïde et les déséquilibres observés.

Pour le sénateur du Morbihan, « le minimum du minimum » serait d’informer le consommateur en rendant obligatoire « l’étiquetage des produits ». De plus, l’élu écologiste demande qu’on impose la sanctuarisation des bassins naissains afin de séparer les huîtres triploïdes de celles qui sont naturelles.

Ceci dit, Joël Labbé va plus loin. Il défend tout bonnement et simplement l’adoption d’un moratoire sur les huîtres triploïdes, au moins le temps qui soit nécessaire à l’étude de ses conséquences sur le milieu. L’élu écologiste en est conscient, « on s’attaque à une grosse machine » admet-il de ses vœux. Le 10 juin prochain, à son initiative « tous les éléments de la chaîne» se retrouveront autour de la table pour en débattre, à l’occasion d’un colloque au Sénat. L’enjeu c’est de « sauver la filière ostréicole » et « d’assurer l’équilibre du milieu naturel » souligne Joël Labbé.

S’il n’exclut pas la soumission d’une proposition de loi, de nouvelles dispositions pourraient être introduites par amendement au projet de loi biodiversité. Adopté en première lecture par les députés au mois de mars, le texte présenté par la ministre de l’Ecologie débutera au mois de juin au Sénat.

 


Huître naturelle, huître triploïde, quelle différence ?
Mise au point en 2000 par l’Ifremer, l’huître triploïde a été produite et commercialisée massivement à partir de 2008. Les huîtres triploïdes sont des « organismes vivants modifiés ». Au lieu des 10 paires de chromosomes qui composent l’appareil génétique d’une huître naturelle, les huîtres triploïdes possèdent des triplets. Concrètement, cela signifie que les larves triploïdes ne peuvent être produites qu’en écloserie alors que traditionnellement, les naissains se récoltent en mer. Comme elles sont stériles, les huîtres triploïdes sont consommables toute l’année, y compris l’été, c’est pourquoi on les appelle aussi « huîtres des quatre saisons ». En fait, elles ne sont jamais laiteuses comme le deviennent les huîtres naturelles au moment de la reproduction. L’énergie qu’elles n’utilisent pas en période de reproduction, elles la mettent à profit pour grossir plus vite. Il suffit donc de deux ans au lieu de trois pour les commercialiser.


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