Madame Figaro

Le Sénat opposé aux quotas de bio dans les cantines

MADAME FIGARO – Par Charlotte Herrero – 06/10/2016

Le Sénat a refusé de débattre d’un projet de loi visant à introduire 20% d’aliments bio et une obligation de 40% de produits locaux dans la restauration collective.

Le contexte

Revenons là où tout a commencé, et déroulons le fil de cette histoire… Justement anachronique. Une proposition de loi pour l’introduction d’aliments issus de l’agriculture biologique et de produits locaux dans la restauration collective publique et privée (écoles, maisons de retraite, hôpitaux…), respectivement à hauteur de 20 et 40 % d’ici à 2020, avait été déposée au début de l’année 2016 par les sénateurs écologistes Joël Labbé (Morbihan) et Brigitte Allain (Dordogne). Mais c’était sans compter sur l’avis de leurs pairs, qui, pour une fois, se sont montrés bien prompts.

Le bio qui ne passe pas

Alors que 76% des Français sont favorables « au vote d’une loi imposant l’introduction d’aliments issus de l’agriculture biologique, locaux et de saisons dans la restauration collective publique » (1), ce texte, pourtant adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 1er juillet, vient d’être rejeté par le Sénat, ce mercredi 5 octobre. Cette proposition devait s’insérer dans le projet de loi « Égalité et citoyenneté dans la restauration collective » en tant que « disposition relative à un égal accès à une alimentation saine et de qualité pour les citoyens sur les territoires ». Les hôtes du Palais du Luxembourg n’ont même pas pris la peine de débattre de cette proposition puisque l’amendement déposé à ce sujet a été jugé « irrecevable » par la commission spéciale des affaires économiques, dont Joël Labbé lui-même est le vice-président.

Et pourtant, lors de ses vœux à la presse en janvier dernier, Manuel Valls avait parlé d’un « apartheid territorial, social et ethnique », au sein duquel la nourriture jouait un rôle majeur. « L’apartheid » n’est pas prêt de s’arrêter.

Les raisons invoquées à ce refus ? Officiellement, une surface agricole cultivée en bio trop faible et un manque d’approvisionnement à l’échelle nationale en circuits courts et en produits de saisons. Un recours a été déposé auprès du président du Sénat (Gérard Larcher, LR) afin qu’il revienne sur une censure qui ne dit pas son nom.

Une pétition adressée à Gérard Larcher

« Je m’interroge sur les motivations réelles de cette irrecevabilité », a déclaré Joël Labbé dans un communiqué. Car, pour le sénateur, « la qualité de l’alimentation est un enjeu majeur en termes d’égalité ».

Pourtant manger bio n’est pas qu’un enjeu économique : c’est également encourager une agriculture qui n’utilise que des engrais naturels et qui adopte la rotation des cultures pour ne pas appauvrir la terre. Une pétition en ligne signée par près de 57.000 personnes a été déposée auprès de Gérard Larcher pour revenir sur cette décision, alors même que l’engouement de la population française vis-à-vis des produits issus de l’agriculture biologique ne cesse de se confirmer. Mais cette pétition suffira-t-elle face à la pression de certains lobbies ?

(1) Sondage de l’Institut français d’opinion publique (Ifop) du 13 janvier 2016.

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