Ouest-France

Pesticides : l’urgence de règles claires

OUEST-FRANCE – 20/12/2016

Point de vue. Par Joël Labbé, sénateur écologiste du Morbihan.

L’arrêté de 2006 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits pesticides a été abrogé le 6 juillet dernier. Le Conseil l’a jugé illégal sur le plan procédural pour absence de notification à la Commission européenne.
La bataille médiatique et politique relancée, associations environnementales et syndicats agricoles ont largement fait entendre leur voix sur le nouveau projet d’arrêté. Afin de calmer la polémique, le gouvernement a finalement choisi de ne pas modifier le décret en profondeur et d’en rester au compromis de 2006, tout en le notifiant à l’Europe afin de garantir sa validité juridique.

C’est une occasion ratée. Celle de renforcer la prévention de la pollution des eaux par les pesticides (92 % des cours d’eau français sont impactés) et de mieux protéger les riverains des épandages. Depuis 2006, de nombreux rapports officiels de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), de l’Inserm et du Sénat ont établi les risques importants que fait peser l’usage des pesticides sur la qualité des eaux et de l’air, ainsi que sur la santé publique.

Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a cependant précisé, lors d’une audition au Sénat le 2 novembre, que si les règles de l’arrêté de 2006 étaient reconduites, «les autorisations de mise sur le marché des produits concernés devront naturellement être respectées.»

Sur ce point particulier, la firme Syngenta, leader mondial des pesticides, dote ses produits contenant du prosulfocarbe d’une notice de précaution. Ce document précise notamment que l’exploitant doit s’assurer, avant d’épandre l’herbicide sur ses cultures de céréales, qu’aucun exploitant arboricole se situant à moins d’un kilomètre ne prévoit de récolte postérieurement à l’épandage.

La notice d’utilisation qui dédouane…

En effet, le produit semble pouvoir facilement migrer d’une parcelle à l’autre sur des distances considérables. Or, en Bretagne comme dans de nombreuses régions, la récolte des pommes peut être tardive, parfois jusqu’à fin novembre, alors même que les épandages sur les céréales doivent intervenir au plus tard courant octobre.

C’est ici que l’on comprend le cynisme des géants de l’agrochimie. La multinationale, à travers sa notice de précaution, se dédouane de sa responsabilité en la transférant aux agriculteurs. Au cas un exploitant arboricole détecte une pollution au prosulfocarbe sur son exploitation, Syngenta peut se prévaloir de sa notice d’utilisation pour s’exonérer de sa responsabilité qui repose alors entièrement sur l’exploitant céréalier.

Quant à la FNSEA, syndicat agricole majoritaire, en refusant que pose des conditions claires sur l’utilisation des produits phytosanitaires, elle joue le jeu de Syngenta en laissant les exploitants seuls responsables des contaminations et de leurs effets.

Il est urgent de poser des règles claires et ambitieuses pour encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires. Et surtout de fixer les conditions de leur remplacement rapide et efficace par les solutions alternatives déjà existantes. Il s’agit d’une urgence pour la santé publique et l’environnement.
Il y va aussi de l’intérêt de nos agriculteurs, de plus en plus nombreux à souhaiter une conversion de leurs exploitations afin de sortir de ce modèle basé sur l’agrochimie. Ce nouveau modèle, respectueux des équilibres environnementaux, de la biodiversité et de la santé humaine, doit pouvoir s’appuyer sur la relocalisation de l’alimentation.

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