Retour de RIO+20

Ni optimisme, ni pessimisme : détermination.

Le premier Sommet de la Terre, Rio 1992, avait été pour moi un événement déclencheur de mon engagement politique en faveur du développement durable. Vingt ans plus tard, devenu Sénateur écologiste, c’est en tant que Membre élu au Congrès des Peuples, que je me suis rendu à Rio+20 dans le cadre de l’Association des Citoyens du Monde (World Citizen Association), organisation accréditée par l’ONU, pour prendre part aux débats du sommet officiel. Mon intervention majeure concernait l’accaparement des terres agricoles au niveau mondial (227 millions d’hectares ces 10 dernières années !)
Pour moi, il y aura eu l’avant 2012, et il y aura l’après 2012, avec un autre regard posé sur la Terre, et avec la conviction profonde, plus affirmée que jamais, que le concept du « penser global pour agir local » est aujourd’hui une impérieuse et urgente nécessité. Cela en cette même période où les grandes incertitudes quant à l’avenir déclenchent un peu partout des réflexes de repli sur soi.
« The futur we want », l’intitulé de ce Sommet, traduit toute l’importance des enjeux planétaires : ou bien nous laissons faire un développement sauvage, obéissant aux seules lois du marché, un développement qui nous conduit à des catastrophes en cascade, ou bien collectivement, nous prenons les engagements qui conviennent, et nous réinventons ainsi un avenir dans lequel l’être humain retrouve sa place au cœur des équilibres planétaires.
En marge du sommet officiel se tient également le Sommet des Peuples au Flamengo Park de Rio de Janeiro, largement moins médiatisé. Ce Sommet des peuples pour la vie et les biens communs, la justice sociale et environnementale, contre la marchandisation de la nature et l’économie verte, est organisé par près de 400 organisations de la société civile brésilienne, avec le concours des réseaux, mouvements et organisations internationales.
J’ai eu la chance de pouvoir participer aux divers événements des deux sommets. Cela malgré les difficultés liées à la distance : un choix sûrement pas anodin de la part des autorités organisatrices, l’un et l’autre sont distants d’environ 40 km -1h30 à minima de trajet en bus-. On voit là toute une symbolique du fossé qui sépare deux mondes : le monde des décideurs politiques et des acteurs du monde économique, très présents à proximité du Sommet officiel. Si le monde de la finance n’était pas visuellement présent, il n’était sûrement pas bien loin… et le monde des gens des peuples, organisé ou pas, associations, ONG, syndicats, regroupements internationaux tels que La Via Campesina, plus grande organisation mondiale des petits paysans et des paysans sans terre. Forte présence également dans l’ambiance colorée du Parc Flamengo des tribus amérindiennes, qui se sont déplacées en nombre pour clamer au monde entier qu’elles existent encore, et demander la légitimité du droit de vivre dignement sur leurs terres ancestrales.
Ma première impression : quel décalage entre les décideurs politiques et les aspirations des peuples !
L’ONU, grande organisatrice du sommet officiel, ne joue pas le rôle qu’elle devrait jouer en cette période d’urgence planétaire. Seule une gouvernance démocratique mondiale avec un vrai pouvoir législatif, que nous appelons de nos vœux depuis longtemps, nous, Citoyens du Monde, sera à même de faire respecter les équilibres planétaires : « A tout problème mondial, il ne peut qu’y avoir une solution mondiale ».
Tout le monde s’accorde pour dire que le document final adopté à Rio+20 est sans ambition au regard des objectifs attendus. Je déplore notamment le rejet de la proposition d’une Organisation Mondiale de l’Environnement, qui aurait été un premier pas en matière de gouvernance mondiale. Cependant, je ne veux pas me limiter à ce constat. Le Sommet Rio+20 est à considérer comme une étape. C’est cette même analyse qui nous a été présentée par François Hollande, lors de la rencontre qui a suivi sa déclaration solennelle : beaucoup de déception certes, mais des perspectives à court terme qui restent ouvertes. En effet, de nouvelles négociations vont se poursuivre pendant 3 ans, afin d’aboutir à un nouveau texte d’engagement en 2015. Cette fois, les simples bonnes intentions actuelles devront être transformées en engagements contraignants, collectivement acceptés, dans l’intérêt supérieur de la planète et de l’humanité toute entière.
La France, pays des Droits de l’Homme, est attendue avec l’Europe comme force de proposition et d’exemplarité. Cette Europe représentée en tant que telle, a tenu son rang dans les négociations en cohérence avec les positions françaises. Autant de points d’encouragement qui atténuent le sentiment d’échec total. Pour moi, pour nous écologistes, parvenir à un accord exigeant à court terme ne pourra se faire qu’en tissant des liens étroits et permanents entre les représentants de la société civile et les décideurs politiques. Cette nécessité a été reconnue ici à Rio, le texte adopté affichant la volonté d’associer les représentants de la société civile non plus comme de simples observateurs mais comme des partenaires à part entière des négociations futures. Cet aspect est une réelle avancée, tout comme la place réservée désormais aux collectivités locales, qui ont démontré leur capacité d’exemplarité en matière d’application et d’expérimentation du développement durable.
Aujourd’hui, la société civile toute entière, citoyens, ONG, syndicats, associations, doit plus que jamais poursuivre la mobilisation pour faire bouger les lignes politiques. Les gouvernements sont encore très majoritairement beaucoup trop préoccupés par la défense d’intérêts économiques nationaux.
Une résistance pacifique organisée peut et doit faire barrage aux lois criminelles de la marchandisation organisée de la planète. Si le pilier économique est essentiel, le grand marché mondial insuffisamment régulé, la bulle financière internationale, sont les ennemis à combattre. Ne les laissons pas s’emparer de nos biens communs, restons déterminés.

Joël Labbé / Communiqué / 22-06-2012

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