Débat sur les concessions autoroutières

« C’est un comble que la puissance publique se trouve en situation de faiblesse face à des sociétés d’autoroutes surpuissantes ! »

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat s’inscrit dans le cadre d’une réflexion très large : deux missions parlementaires ont été mises en place à la suite de la suspension de la taxe sur les poids lourds ; un groupe de travail a été constitué au sein de la commission du développement durable du Sénat ; un autre a été instauré par le Premier ministre ; enfin, la Cour des comptes et l’Autorité de la concurrence ont publié des rapports.

Nous saluons l’ensemble de ces travaux. En effet, toute la lumière doit être faite sur les profits des sociétés d’autoroutes et sur l’état des relations contractuelles entre l’État et ces sociétés. Cette transparence est nécessaire compte tenu des enjeux budgétaires et écologiques.

Le débat est donc toujours ouvert. De multiples propositions ont été faites et nous attendons la remise des conclusions du groupe de travail mis en place par le Premier ministre au début de l’année sur les concessions d’autoroutes. Dans cette attente, je ne disserterai pas sur les chiffres. Le groupe écologiste considère toutefois d’ores et déjà qu’il ne faut exclure aucune hypothèse : reprise des concessions, renégociation des contrats, contribution fiscale supplémentaire, etc.

J’évoquerai aujourd’hui deux éléments : d’une part, le plan de relance autoroutier, et, d’autre part, la prise en compte de la dimension environnementale et l’application du principe pollueur-payeur.

Le groupe écologiste s’oppose clairement au plan de relance autoroutier, qui prévoit de prolonger de trois ans, et cela sans appel d’offres, les concessions attribuées à trois sociétés en échange de 3,5 milliards d’euros d’investissements par les sociétés d’autoroutes pour une vingtaine d’opérations.

Ce montage financier, qui est en passe d’être scellé, est d’ores et déjà validé par Bruxelles. Or il est selon nous injustifié, d’une part, parce qu’il privera l’État de ressources pérennes très élevées liées à l’exploitation des autoroutes pendant trois années supplémentaires, et, d’autre part, parce qu’il vise très concrètement à réaliser des extensions du réseau autoroutier.

La privatisation des sociétés d’autoroutes par le gouvernement de droite en 2005 a été un véritable scandale. L’exploitation des sociétés d’autoroutes aurait en effet pu rapporter à l’État plus de 37 milliards d’euros de dividendes d’ici à 2032, date d’échéance médiane des contrats de concession, à comparer aux 14,8 milliards d’euros obtenus du fait de la privatisation. Prolonger les concessions revient selon nous à persévérer dans cette lourde erreur.

La reprise en main par l’État de ses relations contractuelles avec les sociétés d’autoroutes est en tout cas une absolue nécessité. Les difficultés de contrôle par l’État de l’activité des concessionnaires ont été pointées par la Cour des comptes. Nous devons donc trouver un moyen de rééquilibrer les contrats entre l’État et les sociétés d’autoroutes, car c’est de notre patrimoine routier national qu’il s’agit, lequel est un bien commun, relevant du domaine public. C’est un comble que la puissance publique se trouve en situation de faiblesse face à des sociétés d’autoroutes surpuissantes !

Le groupe écologiste demande a minima et en priorité la prise en compte par les sociétés d’autoroutes de l’impact du trafic routier sur l’environnement.

Le transport est, en France, le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre. Il représente 27,8 % des émissions nationales. Les dommages en matière de santé publique sont également lourds : en France, la pollution de l’air par les particules fines d’origine anthropique serait la cause d’environ 42 000 décès prématurés chaque année, soit une perte moyenne d’espérance de vie de l’ordre de huit mois.

Le groupe écologiste appelle à la modulation environnementale des tarifs des péages. Il s’agit de contraindre les concessions autoroutières à instaurer des variations de péage en fonction des normes Euro de pollution des poids lourds. La directive Eurovignette nous le permet.

Or, jusqu’à présent, le Gouvernement a choisi une transposition minimaliste de cette directive, en utilisant tous les moyens possibles pour y déroger et repousser ses modulations environnementales, qui ne sont pourtant que des applications du principe constitutionnel pollueur-payeur.

Compte tenu de l’impact environnemental et sanitaire du transport routier et en application du principe pollueur-payeur, il est en effet logique que le transport routier soit mis à contribution et que l’argent des routes finance les solutions de substitution au« tout routier », qu’il s’agisse du ferroviaire, du fluvial ou du maritime, le développement de ces solutions de substitution étant le seul moyen de diminuer les dommages environnementaux et sanitaires dus aux transports.

Je terminerai par une question, monsieur le ministre : après le renoncement à la taxe sur les poids lourds, qui avait pourtant fait consensus lors du Grenelle de l’environnement, le Gouvernement saura-t-il être « sans concessions » avec les sociétés d’autoroutes ? (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)

 

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