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Dérogations aux distances d’épandage retoquées : « Une grande victoire contre les pesticides » pour les sénateurs écologistes

« C’est une victoire à petits pas avant les grands pas ». La sénatrice écologiste de Paris Esther Benbassa est ravie : « On grignote pas à pas et on arrive à faire valoir nos exigences environnementales qui vont dans le bon sens et qui sont majoritaires chez les Français ».

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) par le Conseil d’Etat, le Conseil constitutionnel vient tout juste de rendre son verdict sur la méthode d’élaboration des chartes locales permettant de réduire les distances de sécurité entre les habitations et les zones d’épandage de pesticides. Et il est sans appel : elle est anticonstitutionnelle.

3 mètres pour les cultures dites hautes, 5 pour les basses

Ces chartes d’engagement conclues à l’échelon départemental « après concertation avec les personnes ou leurs représentants » résidant à proximité des zones concernées, ne respectent pas les règles de la Charte de l’Environnement inclue dans le préambule de la Constitution, estime le Conseil des sages. Ces règles prévoient en effet une consultation générale du public pour toute décision qui peut avoir un impact significatif sur l’environnement.

Fin 2019, le ministère de l’Agriculture avait fixé les distances minimales à respecter entre les zones d’épandage de pesticides et les habitations : 5 mètres pour les cultures dites basses (légumes et céréales), et 10 mètres pour l’arboriculture (arbres fruitiers ou vignes). Mais le gouvernement avait aussi pris un décret pour mettre en place des dérogations ramenant ces distances à 3 mètres pour les cultures hautes et 5 pour les basses, dans le cadre de ces fameuses chartes d’engagement départementales.

En les retoquant, le Conseil constitutionnel donne donc raison aux associations environnementales qui avaient déposé de nombreux recours contre ce décret gouvernemental, et met un sérieux coup derrière la tête du ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie.

« C’était du grand foutage de gueule »

Une « très bonne nouvelle » dont se réjouit Guillaume Gontard, le président du groupe écologiste au Sénat. « Ces chartes étaient vraiment du grand foutage de gueule. Je le vois chez moi dans l’Isère sur la culture de la noix où aucune association environnementale n’avait été consultée, alors que cela avait été le cas pour une association de chasseurs. Je veux bien que les chasseurs soient considérés comme les premiers écologistes de France, mais bon là franchement, je ne vois pas le rapport avec l’épandage », tacle le sénateur.

Guillaume Gontard va même plus loin et reproche au gouvernement d’avoir voulu faire plaisir avec ces chartes départementales au syndicat départemental qu’est le FNSEA. « Quand vous vous rendez compte que seulement 1 % du budget du ministère de l’Agriculture est consacré à la politique de réduction de ces produits dangereux pour la santé, ça en dit long. Nous avons un ministre qui va totalement à rebours de ce que souhaite la population, et surtout les agriculteurs », râle l’élu isérois.

Un combat mené par le Sénat depuis longtemps

Un combat qui ne date pas d’hier pour les sénateurs. Fin 2018 avant l’adoption par le Parlement de la loi Egalim favorisant l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, le Sénat avait en effet fait passer de nombreux amendements notamment par la voix du sénateur EELV Joël Labbé.

Il y a quelques semaines, des sénateurs socialistes, écologistes ou encore communistes ont également interpellé Julien Denormandie sur le sujet lors des questions d’actualité au gouvernement du mercredi, et 27 d’entre eux avaient aussi cosigné un courrier à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) pour dénoncer le système d’évaluation de formulants toxiques dans 14 produits pesticides.

Et les sénateurs engagés sur ces sujets comptent bien continuer à s’investir dans cette lutte. « Je réaffirme mon plein soutien aux courageux élus locaux qui ont pris des arrêtés anti-pesticides et j’invite du gouvernement à revoir sa copie en la matière », promet la sénatrice écologiste Sophie Taillé-Polian. « Nous allons continuer pour faire connaître nos revendications, vous pouvez en avoir l’assurance », confirme Esther Benbassa.

Interrogés, la FNSEA et les sénateurs de la majorité gouvernementale n’ont pas donné suite à nos sollicitations.

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