Débat sur la situation financière des départements

Mercredi 2 mars 2016, à la demande du groupe Les Républicains, le Sénat a débattu en séance publique de la situation financière des départements.

 Le groupe Les Républicains du Sénat estime en effet que, compte tenu de l’“explosion des dépenses sociales, de la diminution des dotations et de l’augmentation des normes, les départements sont aux abois. Pour boucler leur budget, la plupart d’entre eux n’ont pas eu d’autre choix que d’augmenter la fiscalité. Plus d’une trentaine de départements pourraient se déclarer en faillite d’ici la fin de l’année”. Les Sénateurs Les Républicains attendaient de ce débat “des réponses de l’exécutif pour éviter l’asphyxie financière des collectivités en charge de la mise en œuvre sur le terrain de la solidarité nationale auprès des populations les plus fragiles”.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les dotations de l’État aux collectivités locales baisseront de 3,5 milliards d’euros en 2016, après avoir diminué de 1,5 milliard d’euros en 2014. Les possibles répercussions négatives sur la qualité des services rendus à la population sont préoccupantes, notamment en termes de solidarité.

Sans perdre de vue l’équilibre des comptes de la Nation, les écologistes s’opposent à la baisse de ces dotations, car nous n’acceptons pas que la résorption de la dette publique se fasse au détriment des services publics territoriaux. Nous considérons que cette forte baisse met en péril la capacité d’animation des collectivités locales et donc le dynamisme des territoires, ainsi que la capacité d’assurer les nécessaires solidarités, cœur des politiques des départements.

Dans bien des cas, même si les différences entre collectivités sont fortes, la baisse des dépenses de fonctionnement ne suffira pas à équilibrer les budgets locaux ; dès lors, ce sont les investissements qui devront également être revus à la baisse. Or réduire la capacité d’investissement des collectivités nous semble particulièrement périlleux en période de crise, lorsque l’investissement des collectivités est central pour l’emploi local.

La lisibilité, la prédictibilité, évidemment la solidarité territoriale ainsi que les péréquations, doivent être au cœur d’une réforme de la DGF. Les modifications que nous avons apportées à celle-ci dans le projet de loi de finances pour 2016 vont commencer à produire leurs effets. Espérons que les quatre objectifs que je viens de citer trouveront leur pleine effectivité. Je sais, monsieur le ministre, que vous y serez attentif, notamment concernant les territoires ruraux, que nous défendons ardemment dans cet hémicycle.

Les départements connaissent une augmentation de leurs dépenses de fonctionnement, essentiellement due à celle des dépenses sociales de près de 3,7 % au titre des allocations individuelles de solidarité, prestations que les départements versent au nom de la solidarité nationale : l’allocation personnalisée d’autonomie, la prestation de compensation du handicap, le revenu de solidarité active. C’est volontairement que je cite le nom de ces prestations, car les sigles APA, PCH ou RSA parlent de moins en moins à nos concitoyens. La Cour des comptes observe d’ailleurs, à juste titre, que les départements n’ont pas la maîtrise de ces dépenses et ne peuvent donc engager aucun réel plan d’économies. Les nouvelles ressources accordées par l’État ne suffisent absolument pas à assumer ces charges croissantes.

La gravité de la situation est telle que 80 départements sur 101 risquent de ne pas pouvoir boucler leur budget en 2017, et ce malgré les efforts d’économies drastiques réalisés par la plupart des conseils départementaux. Le Gouvernement a finalement accepté, à la fin du mois de février, que l’État prenne en charge le financement du RSA, sans pour autant ponctionner les ressources dynamiques des départements, à savoir les droits de mutation à titre onéreux et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Toutefois, la prise en charge du RSA doit être financée par un prélèvement sur la dotation globale de fonctionnement des départements, un prélèvement qui prendra en compte la situation de chaque département et l’efficacité de leurs politiques d’insertion. Cela semble être un compromis équilibré.

Nous sommes pour la décentralisation, mais les règles à respecter doivent être claires : on ne peut demander à un département devenu un guichet de l’État pour ses missions nationales d’assumer l’explosion des dépenses en lieu et place de ce dernier. Dans ce cas, la recentralisation de la distribution du RSA peut être une mesure nécessaire, dans un souci d’égalité de traitement de l’ensemble de nos concitoyens lorsqu’ils sont dans une situation de précarité avancée.

Cela ne doit pas nous exonérer d’une réflexion de fond sur la réforme des aides sociales. Nous aurons l’occasion d’en reparler la semaine prochaine puisque nous examinerons le texte de notre cher collègue du groupe écologiste Jean Desessard sur l’opportunité d’instaurer un revenu de base inconditionnel, comme cela est en train de se mettre en place dans plusieurs pays européens.

Plusieurs pistes sont à explorer, et je voudrais en souligner une dernière, particulièrement d’actualité. Il s’agit des investissements publics liés à la transition énergétique. Pour les départements, il s’agirait de la résorption de la précarité énergétique, de la rénovation thermique de leur parc immobilier, notamment des collèges. On peut aussi imaginer des investissements innovants concernant les routes. Ainsi, des projets de voirie productrice d’énergie sont déjà testés. Tous ces investissements bénéficient de retours potentiellement importants et peuvent participer d’une bonne gestion des collectivités, avec des baisses de charges à la clé, voire même de potentiels revenus.

Monsieur le ministre, compte tenu de l’urgence climatique et de la menace planant sur les investissements publics, ne pourrait-on faire bénéficier ces investissements de transition énergétique d’une prise en compte différenciée dans l’endettement des collectivités, afin que celles-ci puissent mobiliser des investissements dans ce secteur sans faire exploser le taux d’endettement ?

Le chantier est vaste, mais les enjeux sont essentiels puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de remettre la solidarité et l’équilibre des territoires au cœur de l’action publique, sur fond de nécessaire et urgente transition énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

 

> Pour accéder au compte rendu intégral complet de la séance

> En images – Vidéo de l’intervention de Joël Labbé

 

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