Débat sur l’avenir de l’industrie ferroviaire

« L’industrie ferroviaire est probablement, de toutes les industries, la plus structurante pour la société. »

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens d’abord, au nom du groupe écologiste, à remercier la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, dont je salue le président, ainsi que celui qui s’est exprimé au nom de cette commission, d’avoir pris l’initiative d’organiser ce débat sur un sujet qui est à la croisée d’enjeux majeurs, aussi bien économiques, écologiques que d’aménagement du territoire.

Commençons par un constat : notre pays dispose d’une filière complète dans le domaine de l’industrie ferroviaire.

Ce tissu industriel est une richesse, et ce à plusieurs titres. En effet, l’industrie ferroviaire est probablement, de toutes les industries, la plus structurante pour la société. Il s’agit d’une activité productive à haut niveau de compétences, pourvoyeuse d’emplois qualifiés, comprenant une grande diversité de métiers. Le secteur est constitué d’un large réseau d’entreprises de taille et de métiers très divers, allant des leaders mondiaux jusqu’aux PME.

C’est aussi un vecteur d’aménagement du territoire. Or nous savons, tout particulièrement au Sénat, que des politiques de mobilité réussies contribuent au dynamisme des territoires et réduisent cette fracture territoriale et sociale dont on parle tant.

Le ferroviaire, c’est également un moyen de transport décarboné. Quand on a à l’esprit qu’un quart des émissions de gaz à effet de serre est dû aux transports, et que le transport routier est à lui seul responsable de 92 % d’entre elles, la nécessité de développer les alternatives à la route, notamment le transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises, apparaît comme une urgence écologique et de santé publique.

Au regard de l’importance de ces enjeux, ce serait une grave erreur que de laisser l’industrie ferroviaire se déliter. C’est pourtant ce qu’il est en train de se passer.

En effet, des menaces pèsent sur ce secteur, qui devient très concurrentiel, faisant perdre des parts de marché aux entreprises de notre pays. Entre 2002 et 2013, les trois constructeurs historiques que sont Alstom, Bombardier et Siemens ont vu leurs parts de marché mondial passer de 53 % à 24 %, tandis que celles des deux constructeurs chinois, désormais réunis, qui étaient globalement de 6 % en 2002, atteignaient 32 % en 2013.

Nous ne pouvons que nous réjouir que ce moyen de transport et cette industrie se développent partout à travers le monde. Notre industrie, pour survivre, doit s’adapter à cette évolution de la concurrence, tant dans le secteur de la construction que dans celui de l’exploitation.

L’industrie française doit-elle, de plus, s’adapter aux besoins des autres marchés pour s’y développer ? Bien entendu ! À cet égard, il faudrait davantage de coopérations industrielles à l’échelle européenne. Ces coopérations devraient d’ailleurs se déployer sur l’ensemble de la filière, des rails aux trains, puisque, pour s’exporter, surtout dans les pays où le réseau est en cours de développement, le matériel roulant doit évidemment être accordé à l’infrastructure.

Cela étant, le développement à l’international ne peut être la panacée. Nous devons nous intéresser en priorité au marché intérieur, qui a vocation à soutenir le développement de nos constructeurs.

J’ajoute que notre modèle de TGV est fondé sur du matériel roulant conçu pour fonctionner trente ans, là où, par exemple, le TGV japonais est prévu pour être renouvelé au bout de quinze ans. Nous, les écologistes, soutenons davantage la logique industrielle française, préférant du matériel robuste, d’une longue durée de vie. Par définition, cette industrie a un caractère cyclique. Si Alstom a bénéficié en 2013 d’une commande de TGV émanant de la SCNF pour un montant de 1,2 milliard d’euros, ses carnets de commandes sont désormais bien moins remplis.

Dès lors, l’externalisation de la maintenance de la SNCF, qui commence à être évoquée, est-elle une solution pour maintenir le niveau d’activité de l’industrie ? Selon nous, c’est une fausse bonne idée.

En réalité, ce qui menace surtout l’industrie ferroviaire, c’est le manque de vision, le défaut dramatique de pilotage du système, et donc de maîtrise des coûts, aboutissant à des analyses et à des décisions purement comptables, qui alimentent une spirale du déclin.

Au regard des enjeux économiques, écologiques et d’aménagement du territoire que j’ai signalés, les autorités organisatrices, dont l’État, doivent jouer pleinement leur rôle : par l’investissement, elles doivent soutenir cette industrie, extrêmement dépendante de la commande publique.

Toutefois, pour tracer des perspectives pour le secteur ferroviaire, encore faudrait-il établir des priorités claires, une véritable stratégie s’agissant des politiques de mobilité.

Or, alors qu’on a construit 110 000 kilomètres de routes en France entre 1995 et 2013, ce qui correspond à une extension de 11,4 % du réseau routier en moins de vingt ans, que, dans le même temps, le réseau ferré en service s’est contracté de 6 %, soit une perte de 2 000 kilomètres de lignes, et que le potentiel d’autres modes de transport, tels que le transport fluvial ou maritime, est clairement sous-exploité, force est de constater qu’il n’existe toujours pas de priorité claire accordée au rail, ou plus généralement aux modes de déplacement décarbonés.

Puisque la menace du changement climatique se fait de plus en plus précise, que la désindustrialisation est déjà une catastrophe pour l’emploi et une erreur stratégique pour le développement de notre pays, les écologistes demandent que les pouvoirs publics changent réellement les règles du jeu et favorisent le ferroviaire ainsi que les autres moyens de transport à faible empreinte carbone, aux dépens de la route.

 

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