15e législature / Question d’actualité au gouvernement
> Publiée le 21/10/2021
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Joël Labbé. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Hier, le Parlement européen a voté la stratégie dite « de la ferme à la fourchette » et entériné ainsi l’objectif de réduction de 50 % des pesticides à l’horizon de 2030. Il s’agit là d’un signal extrêmement fort, qui nous montre que nous pouvons et devons aller plus loin et plus vite sur cette question. Au sujet des pesticides, on apprenait également hier que la Commission supérieure des maladies professionnelles en agriculture (Cosmap) avait rendu un avis favorable – enfin ! – à la reconnaissance du cancer de la prostate lié aux pesticides comme maladie professionnelle chez les agriculteurs. Cela constitue une avancée indispensable pour les agriculteurs et salariés victimes, alors que les études scientifiques alertent depuis longtemps sur ce lien entre cancer et pesticides, en métropole, mais aussi aux Antilles, où le scandale du chlordécone pèse lourd sur la santé des populations.
Cet avis appelle une réponse forte et urgente du Gouvernement. Aussi, monsieur le ministre, quand allez-vous publier le décret qui permettrait une telle inscription ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Réponse du Ministère de l’agriculture et de l’alimentation
> Publiée le 21/10/2021
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, à la question précise de la reconnaissance du cancer de la prostate comme maladie professionnelle, la réponse est oui : la Cosmap a statué récemment, le 12 octobre dernier, et rendu un avis reconnaissant cette maladie pour ceux qui utilisent des pesticides à des fins professionnelles. Le Gouvernement vient de recevoir cet avis, qui émane d’une commission où siègent les partenaires sociaux et des experts. À l’unanimité, les partenaires sociaux ont voté en faveur de la reconnaissance de cette maladie professionnelle.
Je vous l’annonce : oui, conformément à l’avis de la Cosmap je prendrai le décret, permettant d’inscrire ce cancer au tableau des maladies professionnelles.
Ce faisant, nous allons dans le sens des indications d’ores et déjà données par le Président de la République afin de mieux reconnaître les maladies professionnelles, ainsi que dans le sens de la politique menée par le Gouvernement à ce sujet.
Vous avez commencé votre question en mentionnant la fameuse stratégie Farm to Fork, que vous avez abordée sous un certain angle ; c’est d’ailleurs votre droit. Je me permets néanmoins d’appeler l’attention de la Haute Assemblée, avec la sagesse qui la caractérise, sur un point : dans tous les débats relatifs à l’agriculture, il manque une approche nourricière.
Aujourd’hui, y compris à la Commission européenne, plus personne ne met d’abord sur la table le fait que le rôle premier de l’agriculture est nourricier.
Alors que plusieurs études indiquent que la production agricole européenne diminuera probablement de 12 % à 13 %, l’énorme sujet du rôle nourricier de l’agriculture européenne et, singulièrement, de l’agriculture française est posé. Il est temps que chacun puisse être impliqué dans cette question de l’agriculture nourricière. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.
M. Joël Labbé. S’agissant de l’agriculture nourricière, monsieur le ministre, une étude de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) réalisée en 2018 montre que l’Union européenne peut nourrir la population européenne, mais à certaines conditions.
En ce qui concerne le décret, je vous remercie de votre réponse claire et précise. Il faut que ce texte permette une indemnisation incluant l’ensemble des victimes. Il serait en effet inadmissible de proposer des conditions d’accès trop restrictives aux indemnisations – nous le savons, il faut parfois suivre un véritable parcours du combattant pour être reconnu comme victime d’une maladie professionnelle.
Nous serons vigilants et veillerons à ce que le tableau adopté ne soit pas un tableau au rabais : les associations de victimes demandent notamment qu’un délai d’exposition de cinq ans soit retenu et que le délai de prise en charge soit allongé à quarante ans.
Il nous faudra également prendre en compte plus largement l’impact des pesticides sur l’ensemble de la population, car c’est aussi de notre santé et de notre environnement à tous qu’il est question.
Monsieur le ministre, je voulais vous interroger également sur le prosulfocarbe, qui est extrêmement volatil et qui pose des problèmes, mais je garde cette question pour une prochaine fois, tout en la mentionnant tout de même ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)