Le Parisien

Interdiction des pesticides : «On remplace la chimie par la binette»

LE PARISIEN – 10/01/2020 – Par Emilie Torgemen

Alors que la ministre a annoncé ce vendredi l’interdiction des pesticides de synthèse pour des usages non agricoles, certains bailleurs ont pris les devants.

L’addiction aux pesticides, une maladie bien française ? « Je souhaite qu’on aille plus loin et qu’on interdise les usages non agricoles [de ces produits chimiques] avant cet été », a déclaré ce vendredi Elisabeth Borne, la ministre de la Transition écologique sur France info. Selon un bilan publié ce mardi par le gouvernement, les ventes ont explosé dans l’Hexagone en dix ans : + 21 % entre 2009 et 2018.

Des chiffres en forme d’échec alors que la France essaie de se sevrer aussi bien dans l’agriculture, qui reste de loin le secteur où l’on utilise le plus de produits phytosanitaires, que dans les espaces verts, les jardins des particuliers… La loi interdit depuis 2017 aux communes de traiter chimiquement les plantes. Depuis 2019, c’est le cas aussi pour les particuliers. Alors, de quoi parle Elisabeth Borne quand elle dit vouloir interdire les usages non agricoles ?

« Les professionnels qui agissent sur des terrains privés, (jardins, copropriétés…) ont, eux, le droit d’utiliser des pesticides chimiques, pointe Claudine Joly, de l’association France nature environnement (FNE). Il y a quelque chose d’aberrant à se dire qu’on a le droit d’en vaporiser dans nos jardins, dans les parcs de nos HLM ou de nos bureaux alors qu’on s’inquiète de la proximité entre les zones d’épandage agricoles et les habitations. »

Ventes de produits phytosanitaries

Une série d’exceptions

Concrètement, si vous traitez seuls vos rosiers, l’utilisation de produits chimiques est strictement interdite. Si en revanche vous employez un jardinier professionnel, lui aura le droit de vaporiser des herbicides ou fongicides de synthèse en toute légalité. Et ce n’est pas la seule exception : les cimetières, les terrains de foot, les golfs, les campings sont passés entre les mailles du filet et peuvent encore être traités au glyphosate ou avec tout autre produit chimique.

Le sénateur EELV du Morbihan Joël Labbé, à l’initiative du texte interdisant les pesticides, est bien conscient des limites de sa loi. « C’était déjà une performance de la faire passer en 2014, estime-t-il. On a mis le pied dans la porte. La stratégie est de montrer aux agriculteurs que les mêmes substances qu’ils utilisent sont interdites dans les espaces verts et les jardins pour des raisons de santé et d’environnement… »

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Plusieurs villes ont décidé de se passer complètement de ces produits chimiques, sans attendre qu’une loi les y oblige : Grenoble, Clermont-Ferrand, Nantes… C’est aussi le cas de Paris. L’Hôtel de Ville a annoncé ce vendredi l’interdiction totale des pesticides de synthèse. Au moins 600 ha appartenant à des copropriétés ou des entreprises privées sont potentiellement concernés. « La semaine prochaine, nous enverrons un courrier à la SNCF, la RATP, mais aussi aux opérateurs de réseaux comme GRDF pour qu’ils respectent cet arrêté », indique Pénélope Komitès, adjointe (PS) à la mairie de Paris chargée des espaces verts, de la nature et de la biodiversité.

Depuis le 1er janvier, le bailleur social lillois Notre Logis s’est, lui, engagé dans une démarche volontariste. « On remplace la chimie par la binette », résume Arnaud Delannay, son directeur général. Le dirigeant a eu un électrochoc en recevant un e-mail d’un locataire. « L’image montrait un de nos jardiniers en combinaison blanche de protection, du type NBC (nucléaire, bactériologique, chimique), décrit-il. J’ai eu un coup au cœur en le voyant. » D’où sa décision d’embarquer sa société d’HLM dans une politique zéro phyto. Au passage, se passer de chimie crée de l’emploi, car le désherbage « mécanique » nécessite plus de main-d’œuvre. Effet positif supplémentaire, le bailleur social a choisi de miser sur une entreprise d’insertion pour effectuer ses travaux.

Le Parisien, partenaire de la consultation «Comment agir ensemble dès maintenant pour l’environnement ?», initiée par Make.org, vous invite à proposer vos idées et voter sur celles des autres participants dans le module ci-dessous. Vous serez informés des résultats en février 2020.

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