Proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire

Au cours de sa séance du 9 décembre 2015, deux mois après avoir tenu un débat sur la situation et l’avenir de l’agriculture, le Sénat a examiné, en première lecture, la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire, de M. Jean-Claude LENOIR (Les Républicains – Orne).

Cette proposition de loi comprend quatre chapitres :
•  le chapitre Ier vise à améliorer la transparence et mieux partager la valeur ajoutée tout au long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, du producteur au consommateur ;
•  le chapitre II vise à faciliter l’investissement et la gestion des risques financiers en agriculture ;
•  le chapitre III vise à alléger les charges de toute nature qui pèsent sur la compétitivité des entreprises agricoles ;
•  le chapitre IV gage les pertes de recettes pour l’État et les organismes de sécurité sociale résultant des différentes dispositions de la proposition de loi, par un relèvement de la taxe sur la valeur ajoutée et de la contribution sociale généralisée.

Le Sénat a adopté la proposition de loi par 201 voix contre 19 (voir les résultats du scrutin public). Les écologistes se sont abstenus.

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Monsieur le ministre, alors que la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt commence à peine à produire ses premiers effets et que vous avez dû gérer, ces derniers temps, les crises successives du secteur agricole, en enchaînant les plans d’urgence, lesquels étaient nécessaires, le groupe Les Républicains choisit de présenter une proposition de loi pour soutenir le secteur agricole précisément entre les deux tours des élections régionales. (MM. Jean Bizet et Bruno Sido s’exclament.)
Il a été dit tout à l’heure qu’il ne fallait pas mélanger agriculture et politique, mais tout de même…
Je le sais, le texte qui nous est aujourd’hui soumis a été élaboré en étroite relation avec la FNSEA, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, qui s’est autoproclamée « la profession agricole ». (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Pas vous !

M. André Trillard. Vous vous autoproclamez bien porte-parole des lanceurs d’alerte !

M. Joël Labbé. La Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles du Morbihan vient de diffuser un communiqué intitulé Le ministère de l’agriculture se moque de l’agriculture, dans lequel il est écrit : « L’État nous berne, l’État n’a toujours pas conscience de ce qui se passe dans ses campagnes, l’État promet des milliards dans le cadre de la COP 21, mais n’est pas capable de soutenir un pan de son économie qui a contribué à placer la France parmi les grandes puissances mondiales. » (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Gérard Bailly. C’est vrai !

M. Joël Labbé. Vous niez la nécessité de la COP 21, je l’ai compris.

MM. Gérard Bailly et Jean-François Husson. Mais non !

M. Joël Labbé. La fédération poursuit : « La France serait-elle partie pour sacrifier son agriculture ? La question se pose, sachant que l’État dispose de tous les outils pour la sauver. » Ces propos sont scandaleux ! Je tiens à le dire, c’est scandaleux de la part d’un partenaire de l’État et du Parlement dans l’élaboration des politiques agricoles. De grâce, oui, ne mélangeons pas politique et agriculture !

M. Jean-François Husson. Demandez à Le Drian !

M. André Trillard. Et Notre-Dame-des-Landes ?

M. Jean-Louis Carrère. Arrêtez !

M. Joël Labbé. Cette proposition de loi suscite un certain nombre de questions quant à l’absence de chiffrages précis des exonérations fiscales patronales pour les entreprises agricoles, mais également du relèvement des seuils d’enregistrement des installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE, sous prétexte de mettre fin à une prétendue sur-transposition de directives européennes, ce qui est faux ces derniers temps.

M. Jean Bizet. Ah ?

M. Bruno Sido. C’est nouveau !

M. Joël Labbé. Encore une fois, je ne partage pas votre point de vue. Ce n’est pas en industrialisant davantage nos élevages, toujours au mépris de la qualité, des impacts sanitaires et environnementaux, que l’agriculture sortira de la crise profonde dans laquelle elle se trouve. (Mme Sophie Primas s’exclame.)
Nous devons transformer nos productions, non pas en accroissant les volumes, mais en nous orientant vers la qualité environnementale, sociale et économique, vers la valeur ajoutée au bénéfice prioritaire de la production.
Exporter n’est jamais une bonne chose lorsqu’on le fait à perte ou avec des marges inférieures à celles du marché intérieur, surtout si, en plus, cela rapporte moins à l’État, quand il ne perd pas de l’argent en subventionnant les exportations.
Ce texte étant soumis à notre jugement collectif, j’ai tenu, au nom du groupe écologiste, à défendre quatre amendements.
Nous devons permettre au consommateur de choisir ce qu’il achète et ce qu’il mange en pleine connaissance de cause. C’est pourquoi je vous propose d’améliorer l’étiquetage des viandes, afin d’y faire figurer, en plus de l’origine géographique, le fait que les animaux ont été nourris avec des OGM.
Pour l’essentiel, les OGM sont du soja importé d’Amérique du Sud, dont 80 % sont transgéniques. Alors que le prix du soja va encore croître, que les coûts du transport vont, eux aussi, augmenter, il est grand temps de remettre en question ce mode d’alimentation animale, en vue de permettre aux terres sud-américaines de nourrir leurs populations et de préserver, par la même occasion, la forêt équatoriale, dont le rôle en matière de régulation climatique est essentiel.
Nous devons également tenir le consommateur informé des conditions d’élevage des animaux dont il achète la viande. Pour cela, nous vous proposons d’instaurer un système proche de celui qui existe pour les œufs, soit un classement de zéro à trois : zéro désignerait l’élevage biologique, un l’élevage en plein air, deux l’élevage extensif en bâtiment, trois le système intensif.

M. Jean Bizet. Et quatre l’abattage !

M. Joël Labbé. Par ailleurs, nous devons prendre en compte les difficultés de certains agriculteurs. Comme moi, vous avez certainement été interpellés, mes chers collègues, par des agriculteurs qui, pour différentes raisons, ont le statut de cotisant solidaire, soit parce qu’ils s’installent sur de petites surfaces dont ils tirent de faibles revenus, soit parce que l’agriculture est, pour eux, une activité complémentaire. Toutefois, leur couverture sociale est limitée aux accidents du travail et à la formation professionnelle. Ils ne sont donc pas couverts en cas de maladie, de chômage, de même qu’ils n’ont pas de droits à la retraite.
Pour éviter que l’article 40 de la Constitution ne nous soit opposé, nous avons choisi de demander au Gouvernement un rapport sur la protection sociale des cotisants solidaires. À cet égard, je remercie la commission d’avoir émis un avis de sagesse sur cet amendement ; nous espérons qu’il sera adopté.

M. Jean Bizet. Ce n’est pas sûr !

M. Joël Labbé. Je fais en ce moment de fréquents aller-retour à la COP 21, où je prends de bonnes bouffées d’oxygène compte tenu de la qualité et du niveau des débats qui y ont lieu.

M. Jean Bizet. Comme ici ! (Sourires.)

M. Joël Labbé. En conclusion, permettez-moi de citer Vandana Shiva, auteur indienne, dont la parole est respectée partout dans le monde : « Le système agro-industriel, contributeur massif au réchauffement climatique, se montre aussi incapable de résoudre les problèmes environnementaux et alimentaires de la planète. » Selon elle, la solution est à chercher « du côté des systèmes d’alimentation locale, contrôlés par les communautés et gérés par les citoyens ».
Alors qu’elle contribue fortement au dérèglement climatique, l’agriculture industrielle ne produit que 30 % des aliments consommés dans le monde, 70 % d’entre eux provenant encore de l’agriculture paysanne. Il est bon de rappeler que, dans le monde, un travailleur sur deux est un agriculteur.
Une grande partie de la réponse chez nous consistera à mettre en œuvre des projets alimentaires territoriaux et à maintenir une agriculture familiale et paysanne mixant dans les territoires les systèmes de polyculture et d’élevage.

Cette proposition de loi étant à l’opposé de nos aspirations, nous ne la voterons pas. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

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