Référendum sur ADP : les parlementaires opposés à la privatisation vont « se payer » des spots radio

PUBLIC SÉNAT – 12/11/2019 – Par François Vignal

A l’approche du premier million de signatures pour le référendum sur la privatisation d’Aéroports de Paris, les parlementaires de gauche veulent prendre Emmanuel Macron aux mots, et lui demandent d’organiser cette consultation. Ils accusent le gouvernement de « tout faire pour que l’information ne circule pas ». Ils vont donc « se payer » des spots qui seront diffusés à la radio.

La gauche n’a pas beaucoup d’occasions de se rassembler. La procédure en cours pour un référendum d’initiative partagée sur la privatisation d’Aéroports de Paris (ADP) en est une. En réunissant en avril dernier pas moins de 248 parlementaires, de gauche, mais aussi de droite avec plusieurs LR, les pourfendeurs de la privatisation voulue par le gouvernement n’étaient pas mécontents de leur coup. En mai dernier, le Conseil constitutionnel validait le processus et les anti-privatisations voyaient déjà des lendemains qui chantent, à condition quand même de recueillir les quelques 4,7 millions de signatures nécessaires.

Depuis, leurs espoirs ont été en partie douchés. Après un bon départ, le recueil des signatures semble patiner et marquer le pas. Il faut dire que le site Internet du ministère de l’Intérieur pour les signatures, digne des années 90 et très peu pratique, ne les a pas aidés. Bon an mal an, le compteur approche aujourd’hui le million de paraphes numériques. D’après le dernier décompte officiel du Conseil constitutionnel, qui fait un point tous les quinze jours, 924.000 personnes souhaitent le référendum. Le chiffre réel est aujourd’hui un peu plus élevé.

« Puisque Macron lui-même propose qu’un million de signatures soit un seuil de déclenchement, qu’on y aille »

Pour relancer la collecte, la gauche s’est donc réunie, ce mardi 12 octobre, au Sénat. « L’objectif des 4,7 millions sera difficile » reconnaît Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat, en partie à l’origine de l’initiative, « mais nous restons mobilisés ». En atteignant le cap symbolique du million, les parlementaires comptent bien relancer la machine. De quoi « remettre le booster, l’accélérateur » dit le député LFI Eric Coquerel, « redonner un coup de projecteur », espère le sénateur écologiste Joël Labbé. Et prendre Emmanuel Macron aux mots.

Car dans le projet de réforme constitutionnelle, qui ne verra peut-être jamais le jour, le chef de l’Etat proposait d’abaisser le seuil nécessaire de signatures à un million. « Puisque lui-même propose que ce soit un seuil de déclenchement, qu’on y aille » lance Patrick Kanner, qui rêve que le Président décide d’organiser un référendum, via l’article 11 de la Constitution, une fois ce seuil atteint (voir la première vidéo, images de Jérôme Rabier).

« Le gouvernement a tout fait pour que l’information ne circule pas »

Malgré les difficultés, les anti-privatisations se félicitent du quasi-million. « Ce n’est pas rien, plus de 900.000 », « c’est un chiffre gigantesque en réalité » apprécie Olivier Faure, premier secrétaire du PS. Il espère atteindre le million d’ici la fin de l’année. Selon le député de Seine-et-Marne, « Le gouvernement a tout fait pour que l’information ne circule pas et que l’acte de signer soit rendu compliqué ». Regardez :

Patrick Kanner y voit un « deux poids deux mesures depuis le début. Quand vous comparez les moyens mis en place pour le grand débat, qui n’a aucune valeur constitutionnelle et a coûté plus de 12 millions d’euros officiellement, sans compter tous les moyens de l’Etat, quand vous voyez ce qui se passe pour la privatisation de la FDJ (Française des jeux), sans doute des millions d’euros pour la campagne d’information, pourquoi on n’informe pas les Français pour leur dire qu’il y a cette procédure sur ADP ? » fait mine de s’interroger le patron des sénateurs PS.

Le sénateur PCF de Paris, Pierre Laurent, y voit avant tout un problème démocratique. « Il y a trop de sujets où les Français ont l’impression d’être cantonnés à un rôle de spectateur » regrette l’ancien numéro un du PCF. « On a un gouvernement qui n’entend que le rapport de force » plutôt qu’un « débat pacifique », constate le député La France insoumise, Eric Coquerel.

« On va demander à chacun des parlementaires signataires de mettre la main à la poche »

Les parlementaires, qui réunissent ce mardi soir leur comité où les parlementaires de droite, comme le LR Gilles Carrez, sont toujours présents, préparent d’autres actions : une série d’initiatives le week-end prochain, ou encore « une rencontre avec les maires lors du Congrès de l’Association des maires de France, le 19 novembre » détaille Eliane Assassi, présidente du groupe CRCE (à majorité communiste) du Sénat. Les opposants ont même décidé de se cotiser pour diffuser des spots.

« Face au manque d’information voulue par le gouvernement, mais aussi certaines chaînes télé et radio, nous avons décidé tous ensemble de nous payer, sur nos deniers personnels, des spots d’information qui seront diffusés sur les radios publiques, peut-être aussi les télévisions » annonce la sénatrice PCF de Seine-Saint-Denis, qui parle de « France Bleue et de France Info ». Mais « tout cela a un coût. Un spot de 30 secondes, c’est 6.000 euros ». Pour y arriver, « on va demander à chacun des parlementaires signataires de mettre la main à la poche » explique Eliane Assassi. Une cagnotte pour un spot, mais aussi pourquoi pas « des affiches, des tracts ». Regardez la sénatrice PCF :

« Aberration économique »

Sur le fond, Patrick Kanner rappelle que « la privatisation est une aberration économique », « car ADP rapporte de l’argent : près de 200 millions d’euros de dividendes pour l’Etat ». Le sénateur PS Victorin Lurel, membre de la commission des finances, pense avoir soulevé une autre limite. Le fond d’innovation de 10 milliards d’euros, qui doit en partie être alimenté par la privatisation d’ADP, doit, espère le gouvernement, être placé et rapporter chaque année entre 200 et 300 millions d’euros. « Soit un placement à 2,5%. Or les OAT (les obligations assimilables du Trésor, c’est-à-dire les emprunts d’Etat, ndlr) à 50 ans n’ont jamais dépassé 1,8 % » pointe le sénateur PS de la Guadeloupe. Selon Victorin Lurel, cela reviendra au final à un coût de 400 millions d’euros pour le budget de l’Etat. Autrement dit, pas le meilleur des placements. Pour le député LFI Eric Coquerel, le temps justement leur donnera raison, si le gouvernement va au bout : « Dans 20 ans, ce sera la même conclusion qu’ aujourd’hui sur la privatisation des autoroutes, que plus personne n’ose défendre ».

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