Zéro-phyto


PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
présentée en application de l’article 73 quinquies du Règlement, visant à limiter l’utilisation des produits phytosanitaires au sein de l’Union européenne,

Enregistrée à la Présidence du Sénat le 23 mars 2017


Présentée
Par M. Joël LABBÉ et les membres du groupe écologiste, Sénateurs

Devenue résolution du Sénat le 19 mai 2017

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le Parlement français a adopté dans sa loi n° 2014-110 du 6 février 2014 visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national. Ainsi, depuis le 1er janvier 2017, les personnes publiques – État, collectivités territoriales et établissement publics – ne peuvent plus les utiliser pour l’entretien des espaces verts, des forêts ou encore de la voirie. Certaines s’étaient déjà engagées depuis de nombreuses années dans cette démarche, comme en témoigne le rapport d’information de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation intitulé « les collectivités territoriales s’engagent pour le climat » (n° 108, 2015-2016).

Cette loi interdira également la vente des produits phytosanitaires au 1er janvier 2019 pour les particuliers.

Ces usages non-agricoles représentaient avant le 1er janvier 2017 environ 10% des volumes de produits phytosanitaires épandus en France.

Or, la réduction de l’utilisation non agricole des produits phytosanitaires représente un triple enjeu :

– un enjeu sanitaire tout d’abord, car les dangers dermatologiques et respiratoires d’une exposition aiguë à ces produits sont aujourd’hui connus. Leurs utilisateurs, souvent mal informés, se protègent mal contre les dangers de ces produits chimiques et ont tendance à procéder à un surdosage. Le rapport de notre collègue Ronan DANTEC1(*) sur la proposition de loi visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national rappelait que « sur le long terme, une expertise collective de l’INSERM parue en juin 2013 soulign[ait] l’existence d’une association entre exposition professionnelle à des pesticides et certaines pathologies chez l’adulte, dont la maladie de Parkinson, le cancer de la prostate et certains cancers comme le lymphome non hodgkinien et les myélomes multiples » ;

– un enjeu environnemental ensuite, puisque bien souvent, ces produits participent dans des dimensions non négligeables à la contamination des eaux. L’eau ne connaissant pas les frontières, ces problématiques sont donc transnationales et communes à l’ensemble des pays ayant recours aux produits phytosanitaires ;

– un enjeu économique enfin, puisque les services écosystémiques rendus par la biodiversité sont considérables. Pour les seuls pollinisateurs, domestiques et sauvages, on estime la valeur économique de la pollinisation à 153 milliards d’euros par an2(*). L’érosion de la biodiversité coûte entre 1350 et 3100 milliards d’euros par an3(*).

Aussi, profitant de la dynamique de protection de l’environnement générée par la COP 21 de Paris, il faut agir pour que cette initiative française soit étendue à l’ensemble de l’Union européenne, dans le cadre des compétences de celle-ci en matière de protection de l’environnement et de la santé. Par ailleurs, l’action de l’Union européenne ne doit pas se limiter à ses frontières mais aussi s’inscrire dans une dynamique internationale afin de généraliser l’encadrement de l’usage des produits phytosanitaires.

Tel est l’objet de la présente proposition de résolution européenne.

 

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Le Sénat,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 4 paragraphe 2, 11 et 191 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable,

Vu le règlement 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques,

Vu la communication de la Commission européenne du 3 mai 2011 intitulée « La biodiversité, notre assurance-vie et notre capital naturel – stratégie de l’UE à l’horizon 2020 » (COM(2011) 0244),

Vu les conclusions du Conseil, réuni le 17 décembre 2012, sur le Plan d’action pour la sauvegarde des ressources en eau de l’Europe,

Vu la loi n° 2014-110 du 6 février 2014 visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national,

Vu la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages

Vu l’article L. 414-9 du code de l’environnement,

Vu le Plan de développement durable de l’apiculture du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt de 2013,

Vu le plan Ecophyto II publié le 20 octobre 2015 conjointement par le ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt et le ministère de l’environnement de l’énergie et de la mer,

Vu le plan national d’action « France, terre de pollinisateurs » pour la préservation des abeilles et des insectes pollinisateurs sauvages pour 2016-2020, publié le 9 octobre 2016 par le ministère de l’environnement de l’énergie et de la mer,

Vu son rapport d’information n°616 (2015-2016) intitulé : « Eau : Urgence Déclarée » déposé le 19 mai 2016,

Vu son rapport d’information n°42 (2012-2013) intitulé : « Pesticides : vers le risque zéro » déposé le 10 octobre 2012,

Considérant les objectifs de l’Union européenne de préservation, de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement ainsi que de protection de la santé des personnes,

Considérant le souhait de l’Union européenne de sensibiliser le public et la volonté de veiller à la bonne utilisation des pesticides et autres produits phytosanitaires,

Considérant l’engagement de l’État français pour la protection de la santé des populations humaines, la préservation de la ressource en eau, le maintien en bonne santé des populations de pollinisateurs aussi bien domestiques que sauvages,

Considérant les dangers liés à une utilisation importante des produits phytosanitaires et le caractère transfrontalier des pollutions entraînées par ces produits,

Soulignant la dynamique engagée par la COP 21 et l’accord de Paris, ainsi que la nécessité d’en tirer profit afin de développer les actions visant à protéger l’environnement,

Selon les principes retenus par la loi n°2014-110 du 6 février 2014,

Demande à l’Union d’étudier dans quelle mesure la législation européenne pourrait interdire :

– l’utilisation des produits phytosanitaires par les personnes publiques, à l’exception des stades et des cimetières, ainsi que des voiries pour lesquels un non recours à ces produits pourrait s’avérer dangereux ;

– la vente aux particuliers des produits phytosanitaires.

Ces interdictions ne s’appliquant pas aux produits utilisables en agriculture biologique, aux produits de biocontrôle, aux préparations naturelles peu préoccupantes, aux usages professionnels et agricoles, ainsi qu’aux traitements et mesures nécessaires à la destruction et à la prévention de la propagation des organismes nuisibles.

Invite le gouvernement français à agir en ce sens auprès des institutions de l’Union européenne.

 

* 1 Rapport n° 124 (2013-2014) de M.  Ronan DANTEC, fait au nom de la commission du développement durable, déposé le 6 novembre 2013

* 2 Gallai et al., 2008.

* 3 Sukhdev, 2010.

 

 

> Voir la proposition de résolution

> Voir le Rapport n° 500 (2016-2017) de Mmes Pascale GRUNY et Patricia SCHILLINGER, fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 5 avril 2017

> Voir le Texte de la commission à la date du 12 avril 2017

 

Devenue résolution du Sénat le 19 mai 2017.

> Voir la Petite loi

 

 

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