Débat sur la politique commune de la pêche

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues,

Nous évoquons aujourd’hui la politique commune de la pêche à l’échelle européenne. Rentrant de Rio de Janeiro, je vous en dirai quelques mots, en lien avec le sujet qui nous occupe aujourd’hui.
Si la déclaration finale du sommet de la Terre à Rio de Janeiro a été décevante, témoignant d’un manque d’ambition notoire eu égard aux enjeux, elle a néanmoins, enfin, intégré le rôle des océans, lesquels recouvrent les quatre cinquièmes de la planète. C’est une première étape, même si les intentions restent, pour le moment, au stade de simples « bonnes intentions ».
Cependant, les États signataires se sont engagés à traiter en urgence, avant 2014, le problème de la préservation et de l’usage durable de la diversité biologique marine dans les zones situées au delta des juridictions nationales.
Ils se sont également engagés à « intensifier les efforts pour atteindre l’objectif de 2015 visant à maintenir ou à restaurer les stocks de poissons à des niveaux de protection durable maximum et à réduire de façon significative d’ici à 2025 la quantité de déchets en mer », et ce à l’échelle mondiale.
Alors que l’on peine déjà à trouver des accords à l’échelle européenne, il faudra pourtant en venir rapidement à une régulation mondiale, à une gouvernance mondiale, tout comme dans d’autres domaines où l’intérêt planétaire est en jeu.
Dans le cadre du programme international sur l’état des océans, les scientifiques spécialistes de la biodiversité marine ont dressé, dans leur dernier rapport, un constat particulièrement alarmant de l’état des océans, si l’on considère l’effet cumulatif de ce que l’humanité fait subir à ce milieu, qui est à la fois immense et fragile : « Surpêche, destruction des habitats, pollution durable des eaux par des substances chimiques toxiques, notamment pesticides et antibiotiques, par des milliards de micro-déchets en plastique, algues toxiques, développement d’espèces invasives. »
Devant ce constat extrêmement préoccupant, les experts scientifiques en appellent à l’adoption urgente d’un meilleur système de gouvernance des eaux internationales, qui ne sont encore que très peu protégées alors qu’elles représentent la majeure partie des océans du monde.
Je tenais à faire ces remarques préalables pour souligner que le principe de lucidité doit guider nos propositions, un principe qui conduit au principe de responsabilité qui est le nôtre.
Aux jeunes générations, aux générations futures, nous n’aurons pas le droit de dire que nous ne savions pas !
Le texte qui a été adopté par la commission des affaires économiques est équilibré. Il prend la mesure de certains enjeux, celui du refus des concessions de pêche transférables, celui de la nécessité de financer la recherche scientifique ou encore celui de lutter contre la disparition de la pêche artisanale.
Cependant, même si l’on retrouve dans de nombreux discours l’objectif d’aller vers une pêche durable, on ignore encore ce que contiendra le référentiel « pêche durable » dans le futur « paquet législatif » sur lequel le Parlement européen devra se prononcer. Or c’est bien là un enjeu fondamental de la réforme de la politique commune de la pêche.
Dans le cadre de ces négociations, les écologistes défendent un certain nombre de positions.
Tout d’abord, l’Union Européenne doit amorcer dès maintenant les mesures visant à lutter contre la surpêche et la pêche illégale afin de parvenir, au plus tard en 2020, à un niveau de rendement maximal durable pour les espèces pour lesquelles des données scientifiques existent. Cela implique que les recherches scientifiques soient financées à la hauteur des enjeux.
Ensuite, nous demandons que soient mis en place des plans de gestion de la ressource à long terme et que soient fixées des règles de contrôle claires afin de rendre la surpêche illégale et d’empêcher que les quotas soient supérieurs à ceux qui sont conseillés par les scientifiques. Nous avons besoin de données scientifiques plus précises, notamment quant à l’âge et à la taille du début de reproduction par espèce.
À ce titre, je citerai les pêcheurs de Boulogne-sur-Mer, une ville que vous connaissez bien, monsieur le ministre. Ceux-ci regrettent qu’il soit actuellement autorisé de pêcher des cabillauds dès 36 centimètres, alors que les fileyeurs ont les moyens de ne retenir que ceux qui mesurent au moins 50 centimètres.
L’Union européenne doit également faire de la protection environnementale une condition préalable. Davantage de ressources halieutiques est synonyme d’emplois socialement et économiquement durables pour les pêcheurs. On doit privilégier les objectifs à long terme et non pas les gains économiques à court terme. Aussi faut-il mettre en place une politique volontariste pour réduire autant que faire se peut les rejets en mer. Ce terrible gaspillage doit cesser ou, à tout le moins, diminuer de manière drastique.
Cela implique que les financements publics aident à la reconversion des flottes de pêche. II faut mettre un terme aux subventions qui conduisent à la surpêche. Les aides doivent donc en premier lieu permettre d’assurer la nécessaire transition vers une activité de la pêche durable. Il convient de financer des mesures d’intérêt commun, comme le contrôle et la collecte de données scientifiques, de contribuer au financement d’engins de pêche sélectifs ou encore d’adopter des pratiques de pêche moins destructrices de l’environnement, en interdisant l’utilisation de dragues à dents, qui endommagent gravement les fonds ainsi raclés et l’écosystème qui y vit ou en dépend.
II est également impératif de donner un accès prioritaire aux bateaux qui pêchent en causant le moins de dégâts à l’environnement et qui sont créateurs d’emplois. Cela veut dire que les quotas ne devraient pas être accordés sur la base des captures antérieures, qui ne font que récompenser ceux qui ont déjà contribué à la surpêche. Les stocks de poissons sont des ressources publiques, des biens publics, inaliénables, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre. Leur exploitation doit profiter à la société dans son ensemble.
N’oublions pas que la pêche artisanale regroupe encore – c’est une chance ! – 50 % des marins et représente 80 % de la flotte française.
En ce sens, nous soutenons la déclaration constructive proposée par la petite pêche artisanale française, conjointement avec les associations Greenpeace et WWF, que nous considérons comme des partenaires et non comme des adversaires : « Nous sommes favorables à la construction d’une alternative à la politique commune de la pêche par la mise en place d’un régime d’accès à la ressource basée prioritairement sur des critères environnementaux, sociaux et territoriaux. L’attribution des droits de pêche doit se faire préférentiellement aux pêcheurs ayant des pratiques à faible impact sur les écosystèmes, un faible taux de rejet, un taux maximum d’emploi généré par kilos de poissons débarqués. »
J’achèverai mon propos en affirmant la nécessité de décentraliser la prise de décision. D’autres acteurs se sont mobilisés sur cet enjeu de la politique commune de la pêche ; je pense notamment aux régions, qui prônent une gouvernance à plusieurs niveaux, car un tel système serait mieux adapté aux spécificités des divers territoires. La région Bretagne s’est fortement impliquée en faisant intervenir des acteurs essentiels : les pêcheurs eux-mêmes, cela va de soi, mais aussi les scientifiques ou encore les élus locaux. Le message envoyé est clair : l’avenir de la pêche bretonne nécessite le maintien de toutes ses composantes, de la petite pêche à la pêche hauturière, mais il passe également par un soutien privilégié à la pêche artisanale, ce qui implique de cesser d’encourager la concentration capitalistique par des aides diverses.
Pourquoi parler de la Bretagne ? Parce que cette région, comme d’autres, a ses spécificités et que c’est en croisant les savoir-faire locaux et les connaissances des différentes parties prenantes, en étant au plus près des réalités de ces territoires, que l’on pourra décliner efficacement, sur chacun d’entre eux, cette politique commune européenne qui sera d’autant plus légitime que tous les acteurs concernés auront pu contribuer à son élaboration.
Quant aux aspects ultramarins de la question, que je ne néglige pas, c’est ma collègue Aline Archimbaud qui les évoquera dans la suite de la discussion générale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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