Débat sur les nouveaux défis du monde rural

« Le productivisme agricole qui s’appuie sur l’agrochimie, la financiarisation des matières premières et la transformation nous mène droit dans le mur. »

Monsieur le président, Monsieur le ministre, mes chers collègues,

La succession va être difficile à assurer… Mon prédécesseur ayant cité, au titre des territoires français, des espaces ruraux, la Bretagne, je songe aux espaces maritimes, lesquels, bien que n’entrant pas dans le cadre du présent débat, font partie de la ruralité au sens large.

M. Christian Bourquin. Il faut penser à la Méditerranée !

M. Joël Labbé. La France demeure un espace essentiellement rural, maillé par près de 30 000 communes rurales. Elles en font la richesse et représentent 78 % du territoire métropolitain et 22 % de la population.
Comme le dit la prospectiviste Édith Heurgon dans le récent rapport d’information sur l’avenir des campagnes : « On ne peut dissocier l’avenir des campagnes de l’avenir des villes. L’un des défis du monde contemporain est justement de réinventer nos territoires vers des devenirs souhaitables – des devenirs plutôt que des avenirs, d’ailleurs. Et si l’avenir est ce que nous prévoyons, le devenir est ce que nous construisons ensemble. »
Construire ensemble implique de partager certains constats. Je partage celui qui est établi dans le rapport, au demeurant fort complet– je salue à cette occasion le remarquable travail réalisé –, selon lequel les profils économiques de l’espace rural et de l’espace urbain ne sont pas si différents.
Il apparaît que les services, suivis par l’industrie, sont les premiers pourvoyeurs d’emploi dans ces deux catégories d’espaces. Sans surprise, l’agriculture tient une place particulière à la croisée de ces espaces. Sans surprise une fois de plus, l’emploi agricole subit, hélas ! une érosion continue, qui doit être rapprochée de l’augmentation de la taille des exploitations. Pour ce qui concerne l’industrie, en dépit de la tendance générale, les implantations rurales résistent à la désindustrialisation, notamment en raison de délocalisations d’établissements en provenance des villes. C’est une chance. Mais ce sont les activités tertiaires qui progressent le plus, avec une croissance annuelle de 2 % dans l’espace à dominante rurale. Or, à la différence de l’espace urbain, les services y sont presque exclusivement tournés vers la population locale : petit commerce, santé, administration…
La nécessaire redynamisation des espaces ruraux doit pouvoir s’appuyer sur le réseau des petites et moyennes villes et des bourgs dotés d’équipements structurants et de l’ensemble des services rendus à la population. De ce point de vue, la généralisation du haut débit est attendue avec impatience. Les territoires ruraux doivent rester, comme actuellement, une chance pour la France.
Ce sont des espaces où l’expérimentation de terrain, l’innovation, le besoin d’interactivité et d’une logique de recherche, qui ne soit pas que descendante, sont très importants. Et ce constat vaut pour toutes les activités économiques. Mais j’aborderai plus particulièrement le développement agricole de ces territoires.
Tout d’abord, les attentes environnementales sont au cœur des demandes de la société. Elles pourraient et devraient de ce fait constituer un moteur économique fondamental, les activités agricoles devant être réorientées afin d’y répondre.
Un nouveau modèle agricole est nécessaire. Il devrait s’appuyer, notamment, sur une agriculture nouvelle – que vous appelez, monsieur le ministre, agro-écologie –, qui doit prendre en compte l’environnement et reposer sur une protection des espaces multifonctionnels, en premier lieu de ceux qui remplissent une fonction dans le maintien durable des ressources naturelles que sont, en particulier, la reproduction de la fertilité et la lutte contre les ravageurs. Les espaces agricoles gagneraient ainsi en fonctionnalité écologique et permettraient une restauration des espèces communes et remarquables qui en dépendent. Il s’agit de rendre possible le développement d’une agriculture qui ne subit pas les nécessaires normes environnementales comme autant de contraintes mais qui, au contraire, tout en produisant, devient une activité essentielle pour la préservation des équilibres et de la biodiversité. Il s’agit également de favoriser une agriculture de proximité qui répond à la demande de produits alimentaires locaux, sains et de qualité.
Or l’un des freins au développement de ce type d’agriculture est constitué par la pression urbaine, qui entraîne notamment une surévaluation du prix du foncier. Aujourd’hui, il devient urgent d’adopter une stratégie d’aménagement du territoire dans laquelle mondes urbain, rural et agricole se rencontrent davantage afin, en particulier, de favoriser le développement d’une agriculture de proximité par la mise en œuvre de projets viables, cohérents et concertés.
Réformer la politique foncière agricole est certes un défi lourd, mais c’est aussi un formidable levier pour faire évoluer notre modèle agricole et de production afin qu’il soit plus acceptable socialement, économiquement viable et durable.
Le productivisme agricole qui s’appuie sur l’agrochimie, la financiarisation des matières premières et la transformation nous mène droit dans le mur. Aujourd’hui, les éleveurs sont acculés. Les abattoirs de proximité ferment. Tel est le cas en Bretagne.
Les écologistes le réaffirment : la sécurité alimentaire et la traçabilité des produits sont une priorité de santé publique. Et notre législation doit être améliorée sur ce point. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste – MM. Jean Boyer et Henri Tandonnet applaudissent également.)

 

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