Harcèlement sexuel


PROPOSITION DE LOI RELATIVE À LA DÉFINITION ET À LA RÉPRESSION DU HARCÈLEMENT SEXUEL
Enregistrée à la Présidence du Sénat le 5 juin 2012


Présentée par Esther BENBASSA, Jean-Vincent PLACÉ, Corinne BOUCHOUX, Aline ARCHIMBAUD, Jean DESESSARD, Leila AÏCHI, Marie-Christine BLANDIN, Ronan DANTEC, André GATTOLIN et Joël LABBÉ

Par une décision (2012-240 QPC) du 4 mai 2012, le Conseil constitutionnel a censuré l’article 222-33 du code pénal, qui définissait et réprimait ainsi le délit de harcèlement sexuel : « Le fait de harceler autrui, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende ».
Cet article, dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, méconnaissait, selon le Conseil, le principe de légalité des délits et des peines.
Face au vide juridique qui résulte de cette décision, il appartient au législateur de définir à nouveau le délit de harcèlement sexuel, en déterminant de façon suffisamment précise les éléments constitutifs de l’infraction1(*), et en veillant à ne pas pour autant opter pour une définition trop restrictive, afin de garantir au mieux les droits des victimes.
L’abrogation de l’article 222-33 du code pénal, depuis le 5 mai 2012,2(*) a conduit à l’annulation des affaires en cours sur le fondement de cet article, privant ainsi les plaignants de recours pénal effectif3(*).
Les affaires de harcèlement sexuel dans le cadre des relations professionnelles ne sont toutefois pas concernées par cette abrogation, la décision du Conseil constitutionnel ne concernant ni la définition issue du code du travail, ni la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Il convient cependant d’éviter qu’une nouvelle inconstitutionnalité ne soit encourue dans ce domaine, et donc de veiller également à ce que soit davantage précisée la définition du harcèlement sexuel aussi bien dans le cadre professionnel que dans le secteur privé ou public.
En effet, concernant les salariés relevant du droit privé, l’article L. 1153-1 du code du travail dispose :« Les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers sont interdits ».4(*) L’article L. 1155-2 du même code réprime, quant à lui, le harcèlement, prévoyant une sanction d’un an d’emprisonnement et une amende de 15 000 €.
S’agissant des fonctionnaires, l’article 6 ter de la loi de 1983 précitée prévoit qu’aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être engagée à l’égard d’un fonctionnaire en prenant en considération «1° Le fait qu’il a subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement de toute personne dont le but est d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers».
Ces deux définitions, relativement imprécises, risquent donc, à leur tour, d’être sanctionnées par le Conseil constitutionnel pour méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines, s’il avait à en être saisi par voie de question prioritaire de constitutionnalité. Il appartient, dès lors, au législateur de s’en préoccuper également en adoptant de nouvelles définitions du harcèlement sexuel dans le cadre professionnel.
L’objet de la présente proposition de loi est de remédier à ces diverses lacunes. Elle vise ainsi à définir et réprimer le harcèlement sexuel, à la fois dans le code pénal, le code du travail et dans le droit applicable aux fonctionnaires.
Son article 1er propose de rétablir l’article 222-33 du code pénal dans une rédaction définissant les éléments constitutifs du harcèlement sexuel, tendant à se vouloir la plus protectrice possible des droits des victimes, tout en respectant nos exigences constitutionnelles. Cet article se veut également respectueux de l’échelle des peines, en intégrant les divers comportements répréhensibles dont peuvent être victimes les plaignants. Il prévoit deux définitions du harcèlement sexuel selon la nature et le but des actes commis. Les auditions d’associations de défense des droits des victimes et de professionnels du droit ont, en effet, permis de souligner l’existence de deux types de comportements pouvant être englobés sous la qualification pénale de harcèlement sexuel.
Une première catégorie de comportements consiste à imposer de façon répétée des agissements à caractère sexuel, qui ont pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne ou de créer une situation humiliante.5(*) L’article 1erde la proposition de loi définit, et réprime d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende ce type de harcèlement sexuel (alinéa 1er du nouvel article 222-33 du code pénal). Il prévoit également quatre circonstances aggravantes tenant à l’auteur de l’infraction ou à la victime (alinéa 2 de l’article 222-33). Ainsi, lorsque l’infraction est commise par une personne abusant de son autorité, ou en réunion, ou envers une personne particulièrement vulnérable, ou encore lorsqu’elle est commise en raison de facteurs discriminants, les peines sont portées à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende.
Un second type d’agissements correspond à une autre conception du harcèlement sexuel. Ces comportements peuvent avoir pour finalité d’obtenir des actes de nature sexuelle, ou peuvent également être commis sous la contrainte ou la menace. Il en va notamment ainsi de certaines formes de « chantages » sexuels. Ils sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende, y compris lorsque l’acte n’a pas été réitéré(alinéa 3 de l’article 222-33). La Commission européenne, dans sa recommandation n° 92/131 du 27 novembre 1991, précise qu’ « un seul incident de harcèlement peut constituer à lui seul le harcèlement sexuel, s’il est suffisamment grave ». L’article 1er de la proposition de loi prévoit également d’insérer (à l’alinéa 4 de l’article 222-33) les quatre circonstances aggravantes, précédemment évoquées, tenant à l’auteur de l’infraction ou à la victime. Si l’une de ces circonstances est réalisée, les peines encourues pour le délit défini à l’alinéa 3 de l’article 222-33 sont alors portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.
L’article 2 permet d’élargir la liste des associations pouvant se porter partie civile en matière de violences sexuelles à celles dont l’objet statutaire comporte la lutte contre le harcèlement sexuel.
L’article 3 étend les deux nouvelles définitions pénales aux dispositions du code du travail relatives au harcèlement sexuel, afin de prévenir le risque d’insécurité juridique et d’éviter qu’elles ne soient également, à terme, abrogées par voie de QPC.
Il intègre, également, les stagiaires et apprentis à la liste des personnes protégées de sanctions disciplinaires pour avoir subi ou refusé de subir des agissements relevant du harcèlement sexuel (article L. 1153-2 du code du travail). Ce texte étend aussi, à ces derniers, la protection accordée aux témoins de faits de harcèlement sexuel (article L. 1153-3). Enfin, cet article 3 reprend, dans le code du travail, les peines prévues par le code pénal.
L’article 4 procède de la même logique quant aux dispositions du statut général des fonctionnaires, et incorpore ainsi les nouvelles définitions pénales du harcèlement sexuel au 1° de l’article 6ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983.

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