Proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs

Adoption définitive des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Le 14 octobre 2021, le Sénat a adopté les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs.

 Ce texte tend à renforcer la construction du prix « en marche avant », c’est-à-dire de l’amont vers l’aval, en garantissant que les matières premières agricoles ne fassent pas l’objet de négociations aux différents stades de la chaîne de production. Complété par la commission des affaires économiques du Sénat, pour en simplifier le fonctionnement, rééquilibrer le rapport de force dans les négociations commerciales et en améliorer l’efficacité au profit des agriculteurs, ce texte a été élargi en séance publique au Sénat pour améliorer la rémunération des agriculteurs en s’assurant qu’ils ne soient pas les victimes collatérales des négociations entre industriels et distributeurs.

 Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire (CMP), qui est parvenue à un accord, reprend une grande majorité des apports du Sénat, notamment :

  • la volonté constante qu’un maximum de matières premières agricoles soient couvertes par le principe de non‑négociabilité qui s’appliquera donc à tous les produits alimentaires, indépendamment du volume des différents ingrédients ;
  • l’encadrement inédit des produits alimentaires vendus sous marque de distributeur (MDD), qui permet d’associer l’ensemble du secteur agroalimentaire à la poursuite de l’objectif d’une meilleure rémunération des agriculteurs ;
  • l’expérimentation de l’exclusion de certaines filières de fruits et légumes du relèvement du seuil de revente à perte mis en œuvre depuis Egalim 1 dont l’impact négatif en matière de rémunération agricole a été démontré par un rapport de la commission des affaires économiques ;
  • la forte simplification du mécanisme pour sanctuariser les matières premières agricoles dans la négociation commerciale ;
  • le rééquilibrage du rapport de force entre l’industrie agroalimentaire et la grande distribution.

Après le vote de l’Assemblée nationale le 6 octobre, le Sénat a adopté le 14 octobre les conclusions de la CMP avec 5 amendements gouvernementaux de coordination juridique.

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Intervention de Joël Labbé en séance publique

Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela a été dit à de nombreuses reprises, ce texte ne permettra malheureusement pas à lui seul de régler la problématique essentielle du revenu des agriculteurs.

Certes, il comporte quelques avancées, comme le rémunérascore, l’expérimentation du « tunnel de prix », la lutte contre les pratiques industrielles déloyales concernant le made in France. Le Sénat a également permis d’aller plus loin sur les marques de distributeurs. L’étiquetage des miels est un combat de longue date pour les apiculteurs, et nous serons vigilants sur son application.

Si l’on peut espérer que ces mesures aient un impact, ce dernier sera, nous le savons, bien trop limité.

Tant que nous continuerons à soumettre notre agriculture à la course au moins-disant social et environnemental sur le marché mondial, il est illusoire de croire que nous pourrons relever les défis de la transition écologique, de la souveraineté alimentaire et du revenu agricole. Le rapport de force restera favorable au secteur de la grande distribution, toujours plus concentré et engagé dans la guerre des prix.

Ainsi, les principaux leviers qui permettraient de « protéger la rémunération des agriculteurs » ne sont pas abordés dans la loi, qui n’enclenchera pas la construction de circuits de proximité, vecteurs de commerce équitable pour nos agriculteurs et de relocalisation de l’alimentation.

Ce texte ne permettra pas le travail pourtant nécessaire sur l’accès à une alimentation de qualité pour toutes et tous, via la construction d’une sécurité sociale de l’alimentation.

Il ne mettra pas fin à la concurrence déloyale des produits importés ne respectant pas nos normes sociales et environnementales.

Il ne permettra pas non plus de rémunérer les services environnementaux que les agriculteurs engagés dans la transition fournissent aujourd’hui gratuitement. Il ne permettra donc pas de soutenir les pratiques qui, comme l’agriculture paysanne biologique, sont source de résilience et de valeur ajoutée.

Je dois vous dire, monsieur le ministre, que j’ai été dérangé, voire agacé, à la lecture de la tribune que vous avez fait paraître hier dans la presse. Vous nous proposez de délaisser l’agroécologie, jugée trop coûteuse…

Julien Denormandie, ministre. Je n’ai pas dit cela !

Joël Labbé . Je vous cite : « Mais force est de constater que ces transitions, bien trop souvent, se font au détriment du compte de résultat des agriculteurs, et donc de la pérennité de leurs exploitations. »

Vous savez bien, monsieur le ministre, que les exploitations qui travaillent en produisant le moins possible d’externalités négatives ont des comptes de résultat intéressants.

À vous lire, nous avons l’impression qu’il n’y aurait plus qu’un seul modèle agricole à suivre, vers lequel vous assumez vouloir mettre le paquet. Il est fondé sur l’innovation dirigée vers la robotique, le numérique et la génétique – lorsque l’on parle de génétique, les organismes génétiquement modifiés (OGM) ne sont pour nous jamais loin, ce que nous ne pouvons pas accepter.

Une agriculture où des drones et des satellites distribueraient une « juste dose » d’engrais chimiques ou de pesticides ne correspond pas à ce qu’attendent nombre de nos concitoyens, qui plaident en faveur d’une agriculture paysanne, biologique, très demandée sur le territoire.

Cette agriculture où les robots remplaceraient les agriculteurs correspond à un modèle soumis au jeu destructeur de la concurrence mondialisée, placé entre les mains de multinationales de la semence et de la chimie, et qui nous est proposé au motif de rémunérer décemment les agriculteurs. Cela ne nous convient pas, pas plus qu’à une partie importante de la population française, les paysans compris !

Plutôt que de travailler sur la valeur ajoutée, la résilience, l’autonomie des paysans via des solutions agronomiques qui se développent déjà partout dans les territoires, vous nous proposez de participer à une course mondiale vers ce que votre logique présente comme la nécessaire concentration d’exploitations hyper-technologiques, validant de fait un plan social agricole synonyme de perte de revenus pour une majorité d’agriculteurs, qui d’ailleurs ne pourront pas continuer à travailler.

Monsieur le ministre, vous parlez de la recherche, mais les moyens attribués à la recherche en information et technologie pour les agroprocédés (ITAP) sont complètement insuffisants. Vous dites ne pas opposer les agricultures, ne les opposez donc pas ! Une autre agriculture, paysanne, demande à vivre dans ce pays.

La dernière fois, au nom du groupe écologiste, j’avais voté ce texte avec beaucoup de réserves. Je vais encore le voter en raison des avancées qu’il permet, mais cette fois ce sera à reculons.

le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, l’ensemble de la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

 

> Voir le dossier législatif

> Voir le compte-rendu intégral de la séance

 

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