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Parlementaires du Morbihan, Joël Labbé et Paul Molac : à chacun sa loi !

LA GAZETTE – 01/06/2021

L’un est sénateur du Morbihan, Joël Labbé et demeure à Saint-Nolff. L’autre est député sur la 4è circonscription et vit à Ploermel.

L’un est sénateur, Joël Labbé, l’autre est député Paul Molac. Tous les deux demeurent à quelques encablures l’un de l’autre : Saint-Nolff et Ploermel. Tous les deux marquent le paysage politique breton mais aussi français, le premier avec sa loi sur les pesticides, l’autre avec sa loi relative aux langues régionales. Rencontre avec deux parlementaires différents, aux idées bien arrêtées qui se livrent sans faux-fuyant.

Joël Labbé est un homme politique atypique. Cheveux longs ébouriffés, bagues aux doigts, on le prendrait volontiers pour un rocker, prêt à enfourcher une Harley. Après avoir abandonné ses études de lettres à 20 ans pour cause de motif familial impérieux : il devient papa, Joël Labbé exerce la profession de technicien dans un laboratoire d’analyses. Il s’intéresse alors aux denrées alimentaires, à la qualité de l’eau, la santé des abeilles et ce, au travers de différents boulots.

« Contre le cumul des mandats »

En 1977, il est nommé adjoint au maire de Saint-Nolff. Il en devient maire en 1995 (deux mandats jusqu’en 2014). Parallèlement, il exerce la fonction de conseiller général du canton d’Elven, mais décide d’arrêter en 2011, lorsqu’il est élu sénateur du Morbihan.

Joël Labbé est à l’origine de la loi visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires dite « Loi Labbé ». Fin décembre 2016, Joël Labbé quitte Europe Ecologie Les Verts. En septembre 2017, il est réélu sénateur du Morbihan.

« J’ai obtenu une totale légitimité, certainement liée à la confiance, au travail réalisé, et à une indéfectible présence sur le terrain, en gardant contact et proximité avec les acteurs du terrain et cela, en toute simplicité. »

Il choisit de siéger au sein du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, comme rattaché administratif.

« En situation d’urgence »

En septembre 2020, il rejoint toutefois le groupe écologiste, solidarité et territoires. Au moment de son intronisation au Sénat, Joël Labbé est déjà branché milieu agricole, biodiversité.

« A la suite d’une mission sur les pesticides et leur impact, j’ai eu l’audace d’annoncer que j’allais travailler sur une proposition de loi qui ne concernerait que les zones non agricoles. J’ai mis un pied dans l’étrier, et on s’est lancé dans cette voie : structurer la loi, définir des dates d’application pour les communes le 1er janvier 2017 et pour les jardins domestiques, le 1er janvier 2019. »

La loi Labbé fut promulguée en juin 2014, avec application différée. Plus que jamais, en terme d’environnement, « nous sommes en situation d’urgence : tout ce qui est retour en arrière se caractérise forcément comme un échec, » indique Joël Labbé, n’hésitant pas à taper du poing sur la table pour faire avancer les choses.

Le sénateur se heurte toutefois au lobbying de certains syndicats agricoles, coopératives, fabricants de produits chimiques. S’arc-boutant contre les pressions, en lutte permanente contre les retours, il réussit finalement à gagner certaines avancées. « Mais combien de fois me suis-je dit : « qu’est ce que je suis faire là ! »

« Au sein de mon entourage politique, on m’avait prévenu, mais je me suis accroché. Lorsque je crois à une idée, je vais jusqu’au bout. Je ne mets pas en roue libre. Ça s’est montré bénéfique, pour l’intérêt général et surtout pour celui des générations futures. »

Alors qu’il annonce ne pas se représenter aux sénatoriales,  » – j’aurai 71 ans- « , Joël Labbé prévient qu’il se préoccupe néanmoins de sa succession.

 » Je ne rempilerai pas mais ne partirai pas en me disant : advienne que pourra ! J’espère trouver quelqu’un qui aura de la personnalité, mais qui pourra surtout, s’affranchir des partis politiques, tout en étant écologiste. »

Protéger les haies bocagères

Mais le départ, ce n’est pas pour demain ! Le sénateur sait qu’il a encore du pain sur la planche : loi Climat.

« Je souhaite déposer des amendements allant dans le sens de la protection des haies bocagères (il y aurait encore 10 000 km linéaires abattus chaque année), lutter contre les engrais azotés sur tous les espaces communaux, jardins domestiques (2025) : des sujets qui dépassent les batailles politiques. Et peut être proposer une nouvelle loi : sur la reconnaissance du vivant végétal dans le système de soins, liée à la reconnaissance du métier d’herboriste. »

« L’habitat léger réversible »

Autre préoccupation du sénateur Labbé :  » l’habitat léger réversible, alternatif. Il y a quelque chose à faire dans ce domaine, » poursuit-il, mettant en exergue un engagement sans faille.

« J’aime me fixer des défis, les mettre en œuvre et les faire aboutir. C’est ainsi, j’aime le travail bien fait. Mon leitmotiv, c’est l’intérêt général. Cela me guide et m’a toujours guidé ! « 

Ancré sur son terroir comme une bernique au rocher, Paul Molac, député de la 4ème circonscription du Morbihan est une personnalité du milieu rural, comme l’était son prédécesseur disparu : Loïc Bouvard.

 » Paris décide, sur le terrain, nous on galère ! »

Ancien professeur d’histoire, militant engagé pour la défense de la culture, des langues et du patrimoine de la Bretagne, Paul Molac se définit comme un indépendant. Proche de l’Union démocratique bretonne (UDB), il a toutefois été élu député en 2012, avec le soutien du Parti socialiste (PS) et d’Europe Écologie Les Verts (EELV), il est aussi depuis 2015, conseiller régional, élu à l’époque sur la liste de Jean-Yves Le Drian.

« Sans avoir fait de politique »

Réélu député en 2017 dès le premier tour (LREM), Paul Molac, homme de dossier quitte finalement ce mouvement politique pour créer son groupe  : Libertés et territoires en 2018.

 » Je suis devenu député à l’âge de 50 ans, sans avoir jamais fait de politique, ni même joué des coudes pour obtenir une quelconque place. Mais pendant plus de quinze ans, j’ai été membre d’une association de défense de la culture bretonne ».

Le député pointe d’ailleurs du doigt « une décentralisation politico-administrative qui ne s’est jamais remise en question. Paris a toujours voulu décider de tout et continue à le faire. Après, nous on galère sur le terrain. »

« A son propre service ! »

 » Nous avions déjà l’habitude, mais cela s’est amplifié depuis 2017, avec une logique des territoires qui se heurte à la recentralisation de l’Etat. La haute administration n’est pas au service du citoyen mais à son propre service ! « 

Paul MolacDéputé de la 4è circonscription du Morbihan

« En Marche a favorisé cette logique descendante mais nous élus, ne sommes pas là pour appliquer bêtement ce qui est programmé en haut. Il est temps qu’on nous laisse nous occuper de nos propres affaires, comme cela se fait dans bien des pays d’Europe. Mais voilà, en France ce n’est pas possible ! »

« Pour la décentralisation, pas son contraire ! »

Pour Paul Molac, l’Etat n’a eu de cesse d’éloigner élus locaux, représentants de syndicats.

» Je me souviens même d’un communiqué dans lequel à la fois, CGT et Medef étaient co-signataires. Cela m’avait mis la puce à l’oreille, ça tenait de l’improbable mais pourtant les uns comme les autres avaient compris qu’après les douces paroles, l’Etat centralisateur ne lâcherait rien ! J’ai alors dit aux Marcheurs que j’avais adhéré pour la décentralisation pas son contraire. »

« Pas des élèves du XVIème  arrondissement »

Bien ancré sur son terroir de la 4ème circonscription du Morbihan, Paul Molac connaît bien la population, ayant eu au titre de sa fonction d’enseignant, l’occasion de rencontrer bien des élèves, leurs parents etc.

» Des élèves de tous les milieux, pas ceux du XVIème arrondissement de Paris ! » lance-t-il, insistant sur le fait qu’en tant que : « le travail sur le terrain s’entend davantage en termes de prise en compte de problèmes de désertification médicale, commerciale, de développement économique, agricole,  » et qu’à ce titre, il convient de ne pas rester les deux pieds dans le même sabot !

Pour le député, il est temps de laisser les territoires s’organiser.

 » C’est la seule voie pour réaliser toutes les transitions dont nous avons besoin. La France est un beau pays, dommage que les fonctionnaires qui nous gouvernent ne s’en soient pas aperçus ».

Spécificité des langues régionales

La loi Molac sur les langues régionales a pour objectif de protéger et de promouvoir le patrimoine immatériel et la diversité culturelle, en lien avec les langues régionales, nombreuses (une vingtaine, sans oublier la cinquantaine en outre-mer) dans notre pays.

« La volonté de promulguer une loi sur les langues régionales est partie de demandes de terrain, explique Paul Molac. Je connaissais bien diverses associations de défense de langues régionales. »

« Après avoir identifié les problèmes qui pouvaient se poser, je me suis décidé à travailler sur cette loi. Si toutes les langues minoritaires de France se mettaient ensemble, elles deviendraient majoritaires. Les opposants à cette loi de reconnaissance des langues régionales sont essentiellement ceux qui n’en ont plus, et quelques juristes ! »

Mettre en place une telle loi, c’était dans l’ADN de Paul Molac. « C’est mon parcours. A partir du moment où j’ai été élu, j’ai décidé de mettre une partie de mon énergie pour faire admettre l’importance de reconnaître la spécificité des langues régionales. En 2015, j’avais déjà déposé une telle loi mais elle avait déjà été rejetée. «

 

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