Pesticides agricoles : comment les communes peuvent-elles protéger leurs habitants ?

La gazette des communes

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LA GAZETTE DES COMMUNES
Publié le 27/04/2016 • Par Sylvie Luneau • Dans : actus experts technique, France

Générations futures vient de publier une carte des victimes des pesticides. Alors que le zéro phyto s’appliquera aux collectivités au 1er janvier prochain, celles-ci doivent aussi répondre aux craintes de leurs habitants, en particulier près des écoles. De quels moyens disposent-elles pour faire face à ces risques extérieurs ?

Sur la carte de Générations futures, 400 petits points symbolisent soit des collectifs, soit des professionnels ou des riverains victimes des pesticides. Sans surprise, les terres viticoles comme celles de Gironde sont particulièrement touchées : 112 communes ont une école située à proximité de vignes. On se rappelle des élèves de l’école de Villeneuve-de-Blaye, intoxiqués en 2014 suite au traitement de vignes situées à proximité.

Face à ces enjeux de santé publique, quelques collectivités commencent à installer des dispositifs de protection près des écoles. Les démarches collaboratives comme celle de Génération futures peuvent également permettre d’entamer un dialogue avec les agriculteurs et d’orienter leurs actions publiques en faveur de la protection de l’environnement.

Des protections physiques symboliques

Les arrêtés préfectoraux, comme celui de la Gironde pris ce mois-ci, encouragent le recours à des matériels de pulvérisation limitant la dérive et la mise en place de protections physiques près des écoles. « Les filets n’ont jamais arrêté l’air. Cela ne va servir à rien, à part à rassurer quelques personnes » estime Jean-François Deleume, médecin et conseiller scientifique de Générations futures.

Maigre protection, ces haies et filets semblent surtout symboliques. « Cette mobilisation citoyenne est le signe d’une vraie prise de conscience collective, tant de la part des citoyens que des politiques. Je suis convaincu que les pratiques agricoles vont évoluer car la situation économique montre aussi qu’il faut changer de modèle. L’agriculture biologique est d’ailleurs en forte évolution » optimise Joël Labbe, sénateur (EELV) du Morbihan et auteur de la loi de 2014 sur l’encadrement de l’utilisation des produits phytosanitaires.

Une réglementation peu contraignante et peu respectée

Aujourd’hui, le code rural dispose qu’une protection adaptée (haies, dispositifs anti-dérive ou dates et horaires de traitement) doit être mise en place autour des « bâtiments d’accueil des personnes vulnérables ». Ce n’est qu’à défaut qu’il interdit l’épandage de produits phyto à proximité immédiate. Mais cette mesure ne s’applique pas aux habitations individuelles.

La distance de sécurité maximale est fixée au maximum à 50 m depuis 2011. Une distance de 200 m avait été évoquée en 2014, mais la loi d’avenir pour l’agriculture ne l’a pas retenue. En 2015, un amendement à la loi transition énergétique avait également été proposé dans ce sens, mais sans succès.

Depuis longtemps déjà, plusieurs arrêtés réglementent l’épandage de pesticides en fonction des conditions de vent notamment. Problème : ils sont rarement respectés et personne ne fait de contrôle sur le terrain.

Communes : un rôle de médiation important

Au plan local, les collectivités disposent de plusieurs leviers, tout d’abord par exemple en s’appuyant sur les démarches collaboratives. « L’important est d’instaurer un dialogue avec les agriculteurs qui sont les premières victimes des pesticides. Là, les collectivités ont un vrai rôle de médiation à jouer, à condition qu’elles ne soient pas juges et parties » estime Jean-François Deleume, membre du nouveau collectif de soutiens aux victimes de pesticides créé récemment à Rennes.

Ce collectif envisage de proposer une cartographie collaborative avec le grand public et les agriculteurs au niveau local pour recenser des zones d’exposition et cibler les parcelles sensibles. Il est possible par exemple de faire des analyses régulières sur des personnes ou des végétaux hors des parcelles agricoles. Comme dans d’autres régions, une médiation pourrait ensuite s’opérer pour faire évoluer les pratiques.

Promouvoir une agriculture durable

A plus long terme, les collectivités peuvent aussi développer une politique d’acquisition foncière à proximité des lieux sensibles pour pouvoir établir des espaces tampons dans leurs PLU. Elles peuvent ensuite conventionner avec la SAFER pour installer des projets agricoles durables sur ces espaces. Elles peuvent aussi inciter à la contractualisation de MAEC (mesures agro-environnementales et climatiques) et accompagner les syndicats de bassins versants pour promouvoir des pratiques agronomiques alternatives. Les aides duFEADER, désormais gérées par les régions, peuvent être orientées vers des systèmes agricoles durables.

Autre levier possible : préciser dans le cahier des charges d’achat pour la restauration collective d’avoir des produits issus d’une agriculture durable, sans utilisation de pesticides.

Ecophyto 2, entre défi et lobby

Quant au plan Ecophyto 2, officiellement lancé le 19 avril, il doit faire ses preuves. « Il faut rapidement baisser la pression globale des pesticides agricoles et le plan nous donne de nouveaux leviers » affirme Dominique Potier, député (PS) de Meurthe-et-Moselle, auteur du rapport sur le premier plan. Ce nouveau plan dispose d’un budget de 71 millions d’euros par an (contre 40 millions pour le premier). Il reporte l’objectif global de réduction de 50 % de 2018 à 2025. Mais comment y croire après l’échec cuisant du 1er plan Ecophyto ?

En effet, les pesticides ne se sont jamais aussi bien portés en France, pays où le président du syndicat agricole majoritaire est également PDG d’une holding agro-industrielle. Le lobby phytosanitaire est si puissant que la Commission européenne envisage même d’autoriser de nouveau le glyphosate pour dix ans. Le rapport de force est en tout cas bien engagé et devra compter avec la mobilisation citoyenne.

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