Rémunération des agriculteurs: coup d’envoi des débats au Sénat

COURRIER PICARD – 21/09/2021

En phase sur l’objectif mais sceptique sur les modalités, le Sénat dominé par l’opposition de droite a entamé mardi 21 septembre 2021 l’examen en première lecture d’un texte visant à protéger la rémunération des agriculteurs, une « loi de régulation », selon le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie.

La proposition de loi du député LREM Grégory Besson-Moreau, adoptée à l’unanimité en première lecture fin juin par l’Assemblée nationale, entend redonner aux agriculteurs des marges de manœuvre dans la négociation des prix qui leur sont payés pour la vente de leur production.

Opérationnel pour le bras de fer sur les prix alimentaires

Le ministère de l’Agriculture vise une promulgation du texte fin octobre, de sorte qu’il soit opérationnel pour le bras de fer annuel sur les prix alimentaires.

L’objectif est de compléter la loi Alimentation ou « Egalim », votée en 2018, qui a notamment encadré les promotions et relevé le seuil de revente à perte afin d’enrayer la course aux prix bas dans les supermarchés. Mais elle n’a pas tenu ses promesses en termes de rémunération pour les agriculteurs.

« Si elle était nécessaire, cette loi n’était pas suffisante », a reconnu Julien Denormandie.

« Il faut sortir de ce jeu de dupes »

Pour lui, l’objectif du nouveau texte « est clair : pour redonner une meilleure rémunération dans les cours de ferme, il faut passer de la guerre des prix à la transparence des marges, il faut sortir de ce jeu de dupes », au détriment de l’agriculteur auquel conduit le « ménage à trois » avec les industriels et les distributeurs.

 Le texte prévoit de généraliser les contrats écrits entre l’agriculteur et l’entreprise qui va transformer ses produits, sur trois ans minimum, en tenant compte des coûts de production. Et de rendre « non négociable », entre l’industriel et le distributeur, la part du prix correspondant au coût des matières premières agricoles.

« Nous souscrivons à l’objectif de transparence mais ce qu’on veut c’est de l’efficacité », a expliqué la rapporteure du texte au Sénat, Anne-Catherine Loisier (centriste).

Daniel Gremillet, président LR du groupe de suivi de la loi Egalim, craint que «    ne soit, comme le dispositif Egalim 1, une belle désillusion ».

« Nouvelle désillusion »

Les sénateurs ont revu en commission les modalités de mise en oeuvre, « à l’aune des enseignements d’Egalim 1 », selon la rapporteure, pour qui il est « essentiel de rééquilibrer le rapport de force ».

Les sénateurs ont réécrit entièrement l’article 2 qui vise à accroître, entre fournisseurs et distributeurs, la transparence quant à la façon dont le prix payé en amont pour les matières premières agricoles est pris en compte lors des négociations commerciales.

Le dispositif proposé par les députés a été jugé par la commission déséquilibré « puisqu’il conduisait les industriels à dévoiler leurs marges aux distributeurs ». La réécriture élargit en outre le périmètre « à toutes les matières premières agricoles ».

Autre modification majeure, les sénateurs ont renforcé l’encadrement des produits alimentaires vendus sous marque de distributeur (MDD), « aujourd’hui point de fuite de la réglementation » qui représentent selon la sénatrice « 30 % des denrées ».

La FNSEA réagit

La FNSEA a salué dans un communiqué cette « initiative attendue ». Mais la première organisation agricole demande néanmoins au Sénat de « corriger certains reculs sur la proposition initiale », en réintégrant en particulier à l’article 2 « une option de transparence totale ».

La FNSEA souligne, par ailleurs, « la nécessité absolue de rétablir le dispositif d’encadrement de l’utilisation du drapeau français ou de tout autre symbole représentatif de la France » sur les produits. Les sénateurs ont en effet supprimé ces dispositions en commission, les jugeant « contraires au droit européen », une modification qui fait débat.

« On s’achemine vers une nouvelle désillusion », a prédit à gauche le socialiste Franck Montaugé, anticipant « un effet trop modeste » du texte sur la rémunération du travail agricole.

Le groupe écologiste « votera ce texte mais avec beaucoup de réserves », a d’ores et déjà annoncé Joël Labbé, pour qui « tant que les industriels et les grandes surfaces pourront se tourner vers des produits d’importation (…) le rapport de force restera en faveur de l’aval ».

 

 

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