Le quotidien du Médecin

Au Sénat, le cannabis thérapeutique fait débat

LE QUOTIDIEN DU MEDECIN.FR – 03/06/2019 – Par Damien Coulomb

À la demande de la sénatrice de Paris Esther Benbassa (Europe Ecologie-Les Verts), un débat parlementaire a eu lieu mercredi sur le thème « le cannabis, un enjeu majeur de santé publique ». En introduction des débats, Esther Benbassa insiste sur le fait que 300 000 et 1 millions de français porraient être concernés par le cannabis thérapeutique. « Le cannabis thérapeutique doit être disponible sous toutes ses formes et, si possible, remboursable », a-t-elle affirmé, après avoir lister les différentes entraves qui oblige certains malades a agir dans l’illégalité pour soulager leurs douleurs. Au cours des échanges qui ont suvi, un relatif consensus est apparu autour de l’intérêt de la légalisation et de l’encadrement du cannabis thérapeutique, malgré les voies opposées issues des rangs du groupe majoritaire Les Républicains (LR).

Au cours du débat, de nombreux sénateurs situés à gauche de l’échiquier politique ont apporté leur soutien à une autorisation du cannabis thérapeutique, à l’image de la sénatrice communiste du Val-de-Marne Laurence Cohen ou de Laurence Rossignol, du groupe Socialiste et Républicain. Pour cette dernière « la loi actuelle transforme des bons citoyens et leur famille en délinquant pour lutter contre leurs douleurs. De plus, les produits qu’ils se procurent par eux-mêmes sont parfois vraiment toxiques », contrairement à ce qui serait fourni via une filière contrôlée par l’État.

Le sénateur du Morbihan Joël Labbé, rattaché au groupe du Rassemblement démocratique et social européen, a, lui, plaidé pour la levée des obstacles réglementaires à la création d’une filière française de producteurs de chanvre thérapeutique : « Il ne faudrait pas que le cannabis thérapeutique devienne un monopole de l’industrie pharmaceutique », a-t-il prévenu.

Les Républicains frileux sur la question

« Le cannabis thérapeutique est un enjeu de santé publique, mais il faut être très prudent », a estimé en revanche la sénatrice LR d’Eure-et-Loire Chantal Deseyne. Si elle ne s’oppose pas au cannabis thérapeutique dans l’absolu, elle insiste sur le fait que « 2 questions se posent désormais : à quels malades et sous quelle forme peut-il être dispensé ? Le cannabis n’est pas un produit anodin et il ne faut pas que ce débat soit un cheval de Troie pour la légalisation du cannabis récréatif. » Cette crainte est partagée par Pascale Gruny, sénatrice LR de l’Aisne, plus radicale, pour qui autoriser le cannabis thérapeutique, devient à « prendre le risque d’ouvrir la porte à l’autorisation du cannabis récréatif. »

Une confusion entretenue entre cannabis thérapeutique et récréatif

Un discours que déplore le Pr Amine Benyamina, président de la Fédération française d’addictologie, « le cannabis thérapeutique a du mal à percer en France parce que les prohibitionnistes maintiennent cette confusion entre cannabis médical et cannabis récréatif, accuse le psychiatre. On n’essaye pas de vendre du shit ! On veut pouvoir prescrire des molécules qui seront passées par toutes les étapes d’évaluation d’un médicament. Il faut que les neurologues et les cancérologues s’emparent de la question », insiste-t-il.
Lors des auditions menées sur le sujet par le comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) rassemblé par l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), de nombreuses sociétés savantes (Société française d’étude et de traitement de la douleur, Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, Société française de neurologie, Société française de pharmacie clinique, etc.) s’étaient déjà exprimées sur les modalités de dispensations. L’ANSM s’est en outre prononcée en faveur d’une dispensation du cannabis sous forme inhalée ou orale, mais pas fumée, uniquement dans les indications suivantes : douleurs réfractaires, épilepsies sévères et pharmacorésistantes, soins de support en oncologie, situations palliatives et spasticité douloureuse de la sclérose en plaques.

Le CSST doit rendre son rapport final sur les modalités de la mise à disposition du cannabis thérapeutique le 26 juin.

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