Crise agricole

14e législature / Question d’actualité au gouvernement
> publiée dans le JO Sénat du 03/02/2016

M. Joël Labbé. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture.

Elle s’en passerait bien, mais notre agriculture fait encore l’actualité, car elle va mal : il faut le rappeler, elle a perdu plus de 350 000 emplois en dix ans. Et si la logique infernale actuelle se poursuit, ce n’est pas fini.

On entend encore et toujours la même rengaine : modernisation, concentration des exploitations, investissements, surinvestissements et donc endettement. Ce modèle de développement, pourtant extrêmement subventionné, est à bout de souffle.

Dans le contexte actuel d’une agriculture productiviste et exportatrice, on observe la succession des plans de sauvetage, qui répondent aux urgences, aux aléas, aux manifestations, à la grogne, souvent légitime, des agriculteurs, qui se sentent abandonnés, floués…

Les agriculteurs réclament une juste rémunération de leur travail plutôt que des subventions. Si celles-ci sont nécessaires dans l’urgence, il convient d’en faire l’évaluation, de vérifier leur efficacité et leur pertinence. Il faut également vérifier à qui ces aides profitent !

Selon une récente note du Conseil d’analyse économique : « Préserver le capital naturel doit devenir un axe central de la politique agricole : c’est tant un enjeu environnemental qu’une condition de la réussite économique de l’agriculture elle-même. »

L’exploitation familiale de taille moyenne organisée sur un territoire en polyculture-élevage est à même de répondre à cet enjeu, et elle le prouve.

Aussi, il est urgent de prendre le temps de la réflexion, car on a aujourd’hui du mal à entrevoir une stratégie pour l’avenir !

En écho à la détresse paysanne, les frémissements d’une rébellion des consciences commencent à se faire entendre dans une partie grandissante de la population.

Ma question est simple, sérieuse et ambitieuse : monsieur le ministre, pouvez-vous vous engager, avec le Gouvernement, à organiser en 2016 un grand débat national, en lien avec les agriculteurs et l’ensemble des acteurs directement concernés, mais aussi avec les chercheurs, les experts, les sociologues, les ONG, …

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Joël Labbé. … les associations de citoyens et de consommateurs pour que nous puissions – enfin ! – tracer ensemble un horizon clair pour notre agriculture et notre alimentation ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur quelques travées du groupe CRC.)

Réponse du Ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

> publiée dans le JO Sénat du 03/02/2016

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous avez souvent évoqué, dans le cadre des débats qui se sont déroulés ici, au Sénat, les grands choix stratégiques de l’agriculture, avec, d’un côté, ce que vous appelez « le modèle productiviste et exportateur » et, de l’autre, le modèle familial, qui serait lié à la production locale et au marché local.

Je veux vous répéter ce que j’ai dit à chaque fois : l’agriculture française a, bien sûr, vocation à aller chercher tous les marchés et toutes les niches disponibles à tous les niveaux, local, national, européen et international.

Pour prendre l’exemple de la viticulture, qui oserait dire qu’il ne faut pas exporter certains produits ? Au contraire, d’autres produits ont vocation à être dans les circuits courts, car ils contribuent à la structuration d’un réseau de production et de consommation local.

Tous ces produits composent la diversité de notre agriculture.

Après, vient le choix stratégique. On en a débattu, ici, au Sénat. Prenez l’agroécologie, et cette idée qui consiste à dire que l’on doit aujourd’hui combiner trois types de performance : la performance économique – les agriculteurs ne peuvent pas assurer la pérennité de leur activité agricole s’ils ne dégagent pas un revenu ; la performance environnementale, souvent liée aussi à la performance économique – moins de consommations intermédiaires, moins de gains de productivité distribués ou à l’amont ou à l’aval – et enfin la performance sociale. En effet, compte tenu des innovations en cours, si vous n’avez pas une organisation sociale sur le terrain capable de les mettre en œuvre, d’assurer les innovations de demain, de prendre en compte les nouvelles connaissances, d’assurer le lien avec la recherche, vous n’aurez pas la capacité de créer cette mutation qui prendra plusieurs années.

C’est ce projet dont nous avons discuté et que nous portons. D’ailleurs, il trouve aujourd’hui sa concrétisation. Toutefois, entre cette mutation, qui prendra du temps, et la conjoncture actuelle, nous sommes obligés – c’est notre devoir ! – de venir en aide aux agriculteurs qui connaissent des difficultés.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Les deux sont nécessaires et indispensables pour construire un avenir à notre agriculture. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)

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