Débat sur la lutte contre l’obsolescence programmée et l’augmentation de la durée de vie des produits.

Suite au dépôt d’une proposition de loi portant sur la lutte contre l’obsolescence programmée, Jean-Vincent Placé, Sénateur de l’Essonne et Président du Groupe, a obtenu au nom du Groupe écologiste un débat sur le sujet au Sénat, une première dans une assemblée parlementaire en France.

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues,

Je me réjouis de l’organisation de ce débat sur l’initiative de notre groupe, et plus précisément de son président, Jean-Vincent Placé. En effet, l’obsolescence programmée est un réel problème. Les machines à laver en panne au bout de cinq ans d’utilisation, les téléviseurs, les ordinateurs, les téléphones ne fonctionnant plus au bout de trois ans, pour ne citer que quelques exemples : ces réalités bien tangibles pèsent lourdement sur les budgets des familles, en particulier celles qui sont le plus en difficulté.
Le problème est également environnemental, car la surproduction de ces appareils conduit à la surexploitation des ressources naturelles et à l’augmentation du volume de déchets, dont certains sont extrêmement toxiques.
La durée de vie des biens s’est manifestement réduite. Le temps où un équipement électroménager fonctionnait pendant vingt ans est révolu, mais il ne s’agit pas là d’une fatalité à laquelle il faudrait se résigner, au prétexte que la plus grande fragilité des produits et leur caractère non réparable seraient la contrepartie de l’amélioration des performances. Nous sommes bien confrontés à une stratégie délibérément mise en œuvre dans plusieurs secteurs industriels pour habituer le consommateur aux produits jetables à usage unique et créer une demande toujours croissante. Une telle démarche est révélatrice d’une société de consommation, d’une société capitaliste qui atteint ses limites.
Nous avons laissé faire, ces dernières décennies, et nous constatons aujourd’hui des dérives : produits indémontables, irréparables, la réparation devenant même un non-sens économique, car il revient souvent plus cher de faire réparer un appareil que d’en acheter un neuf, ce qui est évidemment aussi un non-sens social.
Le Centre européen de la consommation vient de publier une étude intitulée « L’obsolescence programmée, dérive de la société de consommation ». Cette étude plaide pour que le consommateur ait accès à l’information sur la durée de vie des appareils, mais aussi et surtout pour que la durée de la garantie légale de conformité soit allongée en fonction de la durée de vie moyenne des produits. Nous faisons nôtres ces préconisations, qui sont d’ailleurs contenues dans la proposition de loi déposée par Jean-Vincent Placé, président de notre groupe.
En proposant l’extension progressive de la durée de la garantie légale de conformité – il s’agit de préparer une transition, et non d’asphyxier des entreprises, même si la plupart de celles qui pratiquent l’obsolescence programmée n’ont ni leur siège ni l’essentiel de leurs établissements en France, Samsung employant par exemple 190 000 salariés à travers le monde, dont seulement un peu plus de 1 000 en France –, comme je l’avais fait par voie d’amendement lors de l’examen du projet de loi de M. Lefebvre en décembre 2011, on incitera les fabricants à produire des biens plus durables.
Porter cette durée, aujourd’hui de deux ans, à trois ans au 1er janvier 2014, puis à quatre ans au 1er janvier 2015 et à cinq ans au 1er janvier 2016 ouvrira la voie à un nécessaire changement des modes de production pour y intégrer des critères de durabilité et de réparabilité des produits.
L’autre mesure essentielle de cette proposition de loi consiste à favoriser la réparation des appareils en demandant aux constructeurs de tenir à disposition des consommateurs des pièces détachées et des notices de réparation. Par ailleurs, il s’agit également d’inciter les éco-organismes à prélever des pièces détachées sur des équipements usagés qu’ils collectent lorsque la réparation n’est pas possible, en vue de la réparation d’autres produits de même type. Cela permettrait de constituer des stocks de pièces détachées d’occasion.
En effet, la réparation, outre qu’elle permet d’allonger la durée de vie de nos biens, est une réponse sociale concrète. Elle permet de conserver des emplois locaux, des savoir-faire et des compétences dans notre pays. Soutenir les réseaux de réparation français est donc un moyen de maintenir des services dans les territoires, voire de les développer.
Enfin, cette proposition de loi comporte une définition de l’obsolescence programmée et prévoit d’inscrire ce concept dans le code de la consommation en tant que pratique commerciale trompeuse, pour en faire ainsi un délit. Cela est fondamental, car la polémique actuelle est alimentée par cette absence de définition juridique.
Ce texte, tout comme votre projet de loi sur la consommation à venir, monsieur le ministre, doit être un outil destiné à faire cesser des pratiques qui contribuent à la surexploitation des ressources naturelles, mènent à une production excessive de déchets et pèsent gravement, je le répète, sur le budget des ménages.
L’obsolescence programmée va à l’encontre du sens de l’histoire et, pour reprendre l’expression employée tout à l’heure par Jean-Vincent Placé, d’un progrès au service d’un développement durable et soutenable.
Sans une volonté politique forte, il sera impossible d’engager des changements structurels de nos modes de production et de consommation. Cette volonté, nous l’avons et nous devrons l’avoir collectivement. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Yves Détraigne applaudit également.)

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