Débat sur le thème « La forêt française en questions »

Lors de sa séance publique du 12 janvier 2016, le Sénat a débattu, à la demande du groupe Les Républicains, du thème « La forêt française en questions ».
Les groupes politiques du Sénat se sont exprimés sur ce sujet, en présence de M. Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt et porte-parole du gouvernement
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Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d’abord, permettez-moi présenter tous mes vœux à ceux d’entre vous que je n’aurais pas encore salués.

Notre collègue Philippe Leroy a évoqué la prise en compte des aménités apportées par les massifs forestiers. Je partage parfaitement son analyse, qui rejoint la proposition que j’ai déjà faite devant le Sénat de prendre en compte les aménités apportées en matière d’agriculture par l’agriculture biologique.

La forêt française est un atout considérable. Elle représente 16 millions d’hectares, soit 30 % de la superficie du territoire. Ce chiffre atteint 96 % de la superficie de la Guyane, avec environ 8 millions d’hectares. C’est le plus grand massif forestier, ainsi que le seul grand massif tropical de l’Union européenne. Plus de 1 500 espèces d’arbres prospèrent dans la forêt guyanaise. Cette biodiversité, autant en termes de flore que de faune, qui compte parmi les plus riches au monde, doit être préservée et protégée.

Sans compter que la forêt guyanaise abrite six ethnies amérindiennes qui, vivant en symbiose avec le milieu naturel, contribuent à la préservation de la biodiversité et à la richesse de ce que l’on doit appeler la « biodiversité humaine ».

Ces populations sont aujourd’hui en danger ; je vous invite à ce sujet à consulter le rapport parlementaire de notre collègue Aline Archimbaud sur le suicide des jeunes amérindiens en Guyane française, une situation dramatique.

De nombreux enjeux sont directement liés à celui de la gestion forestière, qu’il s’agisse du bois d’œuvre ou du bois pour l’énergie, notamment pour le chauffage individuel ou collectif, de la préservation des sols et des espaces naturels, de la gestion des eaux pluviales, de l’érosion, du stockage du carbone atmosphérique, de la biodiversité ou encore de la chasse régulatrice.

Nous devons également penser aux enjeux de la production agricole avec le développement – heureux ! – de l’agroforesterie et le maintien du bocage, notamment autour des prairies permanentes.

Le changement climatique va apporter son lot de transformations. Les essences aujourd’hui adaptées à chaque territoire vont migrer – c’est drôle pour un arbre, mais c’est une réalité ! Avec ou sans l’intervention humaine, les paysages forestiers français, et principalement métropolitains, vont être profondément transformés. L’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, suit de près ces sujets. On envisage même la migration assistée. « La biodiversité s’est déjà adaptée à de grands changements climatiques par le passé. Mais cette fois, l’évolution est trop rapide, et les arbres risquent de dépérir avant d’avoir eu le temps de migrer. » Une question de rythme donc « quand on sait que les chênes ont mis près de 2 000 ans à traverser la France à l’ère postglaciaire », précise l’INRA.

Pour l’instant, certains forestiers commencent à anticiper ces changements, en privilégiant des espèces plus méridionales.

Les épisodes de sécheresse et le stress hydrique auquel beaucoup de massifs sont déjà confrontés vont s’accentuer.

Les peuplements de Méditerranée et du Sud-Ouest s’étendront vers le Nord, tandis que ceux de l’Est et des montagnes s’amenuiseront.

Le changement climatique risque de provoquer l’émergence ou le déplacement de maladies, de champignons et d’insectes ravageurs. En témoigne la chenille processionnaire du pin, qui ne dépassait pas le Massif central et qui atteint, depuis quelques années, la région parisienne. La principale cause de ce phénomène est que les hivers sont de plus en plus doux.

Selon l’INRA, la conservation de la biodiversité des essences forestières offre des perspectives intéressantes pour la régulation des insectes ravageurs par le développement de leurs prédateurs naturels. Il va falloir réfléchir sérieusement à nos forêts en termes évolutifs, dynamiques, et trouver la manière de les rendre résilientes aux assauts des modifications climatiques.

Je vous en ai déjà parlé lors du débat sur la proposition de loi relative à la protection des forêts contre l’incendie dans les départements sensibles présentée par le groupe du RDSE : il s’agit dans beaucoup de domaines forestiers de passer d’une monosylviculture à une futaie irrégulière jardinée. Cette méthode permet de varier les espèces, les âges, les tailles, et combine les zones d’éclaircie, de vieillissement et de sénescence. Cela permet de retrouver les xylophages, mais également leurs prédateurs, et l’ensemble de la faune et de la flore associée.

Cette biodiversité mélangée permet d’offrir plusieurs cartes au jeu des forestiers, pour peu que les espèces soient complémentaires : le chêne sessile aux racines profondes et le hêtre aux racines superficielles, par exemple.

Le changement climatique peut avoir des effets retors. Ainsi, selon l’INRA, « les arbres les plus performants en termes de croissance seraient les plus fragiles en cas de sécheresse », ce qui va à l’encontre de la préférence de la sylviculture pour les espèces les plus productives.

Je conclurai en citant un proverbe chinois, qui illustre bien notre situation : « Le meilleur moment pour planter un arbre, c’était il y a vingt ans. Le deuxième meilleur moment, c’est aujourd’hui. » (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – M. Michel Delebarre applaudit également.)

> Voir le compte-rendu intégral de la séance

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