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Elevage industriel : «C’est exactement ce dont les gens ne veulent plus»

LIBÉRATION – 5/08/2019 – Par Pierre-Henri Allain

Selon le sénateur breton Joël Labbé, agriculteurs et consommateurs souhaitent revenir à des exploitations à taille humaine, pour l’instant peu aidées par les pouvoirs publics.

Sénateur écologiste du Morbihan, Joël Labbé constate une forte demande de changement de modèle de la part des agriculteurs bretons mais déplore des incohérences et un manque de moyens au sommet.

La Bretagne est la région française qui concentre le plus grand nombre d’élevages industriels. Cela vient d’où ?
C’est le résultat de choix politiques qui remontent aux années 60. On a voulu transformer une agriculture traditionnelle, petites fermes et polyculture, en agriculture intensive avec la création de porcheries et de poulaillers hors-sol, c’est-à-dire déconnectés des terres, fonctionnant avec des aliments importés comme le soja. Cela a généré toute une économie, avec des abattoirs industriels, des usines de fabrication d’aliments, le développement de l’industrie agroalimentaire et de coopératives comme la Cooperl ou Triskalia. Sur 7% du territoire français, la Bretagne produit plus de la moitié de la production porcine nationale, ainsi qu’un poulet sur trois.

Ce modèle semble rester la règle malgré ses conséquences, sur la qualité de l’eau notamment. Comment l’expliquez-vous ?
Par des pouvoirs publics qui ont assoupli les conditions de création d’élevages industriels et tiennent un double langage. D’un côté, on soutient des modèles alternatifs et de l’autre, on subventionne la «modernisation» des élevages, ce qui se traduit par plus de concentration et des pertes d’emplois. C’est la politique du «en même temps» chère à Emmanuel Macron. Le monde économique s’arc-boute pour faire perdurer un système et les politiques restent sous l’influence de la FNSEA [puissant syndicat agricole, ndlr], des firmes agrochimiques et de l’agroalimentaire.

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Malgré tout, les choses ne sont-elles pas en train d’évoluer ?
Avec le phénomène des algues vertes ou les campagnes de sensibilisation au bien-être animal, le public prend de plus en plus conscience des effets néfastes du modèle industriel. Un projet comme celui de Langoëlan, c’est exactement ce dont les gens ne veulent plus. On peut aussi se réjouir que les surfaces cultivées en bio aient été multipliées par trois sur dix ans en Bretagne et qu’une installation sur trois se fasse en bio. Cela montre qu’il y a une forte demande du monde agricole pour changer de modèle et se tourner vers ce type de production. Mais la tendance est insuffisamment soutenue.

Quelles sont selon vous les priorités en matière de développement agricole ?
Pour répondre à l’urgence du réchauffement climatique, il faut revenir à des exploitations à taille humaine qui respectent l’animal et le végétal, avec des systèmes de polyculture-élevage qui réintroduisent de la diversité et des variétés locales plus résilientes. Il faut relocaliser la production et mettre des moyens pour favoriser les circuits courts afin que les territoires retrouvent une souveraineté alimentaire. Le monde agricole a du mal à intégrer ces paramètres mais il existe une nouvelle génération d’agriculteurs qui n’aspire qu’à cela.

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