Les espaces verts et les jardins publics bientôt libérés de la pollution des pesticides

Finis les herbicides épandus dans les parcs et les jardins publics, terminés les pesticides vendus dans les grandes surfaces. Une proposition de loi vise à interdire l’usage des pesticides par les collectivités locales et à encadrer plus strictement leur commercialisation aux particuliers. « Nous allons travailler avec les associations, les consommateurs et les jardiniers, pour faire connaître les alternatives qui existent », assure le sénateur écologiste Joël Labbé, auteur du projet de loi. 3 500 communes ont déjà banni les pesticides de leurs espaces publics.

Première utilisatrice de pesticides au niveau européen, troisième à l’échelle mondiale, la France détient un triste palmarès. Aujourd’hui, l’agriculture représente 90 % de l’utilisation des pesticides. Les 5 à 10 % restants sont utilisés par les collectivités territoriales qui épandent des herbicides sur leurs espaces verts et par les particuliers pour leurs jardins. Ces usages non agricoles des pesticides représentent environ 10 000 tonnes chaque année, avec des impacts sur l’eau loin d’être négligeables.

« Les quantités d’herbicides sont appliquées en ville sur des espaces imperméabilisés comme les voiries ou les parkings. Tout est lessivé directement vers les cours d’eau », relève Joël Labbé, sénateur d’Europe Écologie Les Verts du Morbihan. En utilisant des doses plus importantes, les jardiniers mettent aussi leur santé en danger, précise l’élu, qui a décidé de s’attaquer aux pesticides dans un projet de loi adopté le 19 novembre au Sénat. « Ce texte se concentre sur ce sur quoi nous pouvons légiférer sans délai ».

Amplifier la démarche « Zéro phyto » des communes

Le texte adopté prévoit l’interdiction, en 2020, de l’utilisation des produits phytosanitaires pour l’entretien des espaces verts, des forêts ou des promenades accessibles au public. Joël Labbé, qui est aussi maire de Saint-Nolff (3 700 habitants), a déjà banni l’usage des pesticides dans sa commune depuis 2007. Ce qu’on appelle le « zéro phyto », sans produits phytosanitaires. Mais sa démarche s’inscrit dans un mouvement beaucoup plus vaste. « 10 % des 36 000 communes françaises approchent le zéro phyto. Ce chiffre monte même à 60 % pour les communes de plus de 50 000 habitants », précise t-il. « Nous montrons que ça marche ! »

Via cette proposition de loi, Joël Labbé espère donc amplifier ce mouvement, même si sa proposition initiale avait pour échéance 2018. « Nous avons dû faire des concessions durant les discussions pour que le texte soit voté au Sénat à une très grande majorité. Les centristes ont demandé 2020 pour se caler sur les mandatures des municipales. Si on ne cédait pas, la loi ne passait pas ». Des exemptions ont aussi été accordées pour les cimetières, les terrains de sport et les voies ferrées.

Interdire la vente de pesticides dans les grandes surfaces

La vente de pesticides « pour un usage non professionnel » – c’est à dire dans les jardineries et grandes surfaces – à destination des particuliers, sera également interdite à partir de 2022. Un pas a déjà été franchi dans les rayons des magasins Leclerc en Bretagne (lire notre article) qui pourra peut-être faire tâche d’huile. Là-encore, l’échéance initiale portée par le groupe écologiste était 2018. Mais l’UMP, qui n’a pas voté le texte, « souhaitait attendre 2025 ».

« Attendre 2020-2022 ne va pas stimuler suffisamment l’industrie pour la production d’alternatives et surtout, cela fait peser un risque sur ce texte, qui pourrait être attaqué avant cette date », craint François Veillerette, de l’association Générations Futures, qui dénonce régulièrement la présence importante de pesticides dans les aliments. « Nous n’aurons pas à attendre », répond Joël Labbé à Basta ! « Les nouvelles équipes municipales seront interpellées. Nous allons travailler avec les associations, les consommateurs et les jardiniers, pour faire connaître les alternatives qui existent et l’exemplarité des communes déjà engagées ».

Bataille législative sur les usages agricoles des pesticides

Pour accompagner cette dynamique, l’article 3 du projet de loi prévoit une étude sur les freins juridiques et économiques empêchant la commercialisation des « substances alternatives », telles que les purins de plantes (voir nos articles à ce sujet). « Un amendement socialiste a demandé à ce que soient intégrés les produits phytosanitaires à faible risque. Or, on ne sait pas ce que recouvre la notion de « faible risque » et aucune liste n’est encore définie à l’échelle européenne. Il y a là une petite brèche qui est ouverte par les lobbys de l’agrochimie et pour laquelle il va nous falloir être vigilant sur la suite », souligne le sénateur écologiste.

Cette proposition de loi, qui a fait l’objet de plus de 3 000 contributions via la plateforme Parlement-et-citoyens.fr, sera soumise au vote de l’Assemblée nationale le 23 janvier prochain. Une autre bataille législative s’annonce à l’horizon : la future loi d’avenir agricole, qui devrait être discutée début 2014. « Nous travaillons pour voir comment l’on pourrait réduire les usages agricoles des pesticides, confie Joël Labbé. On s’attaque là au dur… Il va falloir batailler ferme face au milieu agricole productiviste. » La dernière tentative de réduire l’usage des pesticides date du Grenelle de l’environnement, en 2007. Il a débouché sur le plan national Ecophyto qui prévoyait de réduire de 50 % les pesticides entre 2008 et 2018. « On a assisté à une augmentation de 2,7 % entre 2008 et 2011. Il n’y a plus d’objectif de calendrier », regrette le sénateur. La majorité socialiste et écologiste fera-t-elle mieux que l’UMP en la matière ?

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