Le Télégramme

Les néonicotinoïdes font leur retour au Sénat

LE TÉLÉGRAMME – 25/10:2020

Après avoir divisé les députés marcheurs, le projet de loi controversé permettant la réintroduction temporaire des néonicotinoïdes, tueurs d’abeilles, pour sauver la filière betteravière, arrive au Sénat, ce mardi. La majorité de droite entend privilégier une « urgence agricole et industrielle ».

Le texte sera examiné ce mardi, en première lecture, dans l’hémicycle du Palais du Luxembourg, où siège depuis la rentrée un tout nouveau groupe écologiste de 12 membres, dont font partie Joël Labbé et Daniel Salmon.
Malgré l’opposition de la gauche, les députés ont validé en commission le texte du gouvernement autorisant, à titre dérogatoire, les producteurs de betteraves à sucre à utiliser jusqu’en 2023 des semences traitées avec des pesticides de la famille des néonicotinoïdes, pourtant interdits depuis 2018. « On est dans un cadre d’extrême urgence. Il faut aller à l’efficacité », affirme Sophie Primas, présidente LR de la commission des Affaires économiques et rapporteure du texte.
Au nom de cette urgence, la commission a apporté des précisions rédactionnelles, mais n’a pas bousculé les grands équilibres du texte, dans l’objectif d’une adoption définitive rapide.

L’idéal serait de financer la recherche et le développement, pour accompagner la transition vers un autre modèle agricole

Un calendrier serré

Les dérogations devraient, en effet, être effectives au plus tard en décembre, pour laisser le temps aux industriels de produire les semences nécessaires au semis de mars.
En cause, un puceron vert qui transmet à la betterave la jaunisse, une maladie qui affaiblit la plante, conduisant à une perte importante de rendement.
En 2019, la betterave sucrière avait été plutôt préservée de la jaunisse, mais l’année 2020 s’annonce catastrophique du fait d’une arrivée massive et prématurée des pucerons en raison d’un hiver doux. Un argument qui n’est pas suffisant pour autoriser à nouveau l’utilisation de ces produits chimiques, interdits en 2018, comme l’expliquait le député LREM des Côtes-d’Armor, Yannick Kerlogot, qui avait voté contre : « Demain, nous aurons de nouveau des aléas climatiques. La solution à ce problème n’est pas chimique ».
Mais à l’urgence agricole, s’ajoute l’urgence industrielle, explique la rapporteure. Au total, la filière représente plus de 45 000 emplois, directs et indirects. « L’idéal serait de financer la recherche et le développement, pour accompagner la transition vers un autre modèle agricole », défendait Yannick Kerlogot.

Le projet de loi va se heurter à un tir de barrage de motions de rejet et d’amendements de suppression

« Un retour en arrière » pour la gauche

L’argument de la souveraineté française est aussi avancé, des pays de l’UE comme la Belgique, les Pays-Bas ou l’Allemagne, continuant d’utiliser les néonicotinoïdes, après avoir obtenu des dérogations.
En 2016, le Parlement a voté l’interdiction des produits phytosanitaires à base de néonicotinoïdes, famille de pesticides qui agissent sur le système nerveux central des insectes et des mammifères, interdiction pleinement applicable depuis 2018.
Même si des pistes de recherche se révèlent prometteuses, aucune alternative n’est, à ce jour, disponible pour les producteurs. « Le risque serait que d’autres lobbies puissent demander à leur tour des dérogations », redoutait Yannick Kerlogot. « Il faut rester ferme ».

> À lire  sur le sujet Joël Labbé chef de file des anti-néonicotinoïdes

En ce qui concerne le présent texte, des sénateurs se font l’écho d’inquiétudes exprimées par la Coordination rurale quant à sa « robustesse juridique ».
En réservant les dérogations aux seules betteraves sucrières, le texte s’exposerait à un risque d’inconstitutionnalité au regard du principe d’égalité devant la loi. Et ce, alors que des petites filières sont aussi menacées. Sophie Primas cite l’exemple du balanin, ver qui s’attaque aux noisettes, ou encore de l’altise qui parasite la culture des graines de moutarde.
Dénoncé à gauche comme « un retour en arrière », « une régression du droit de l’environnement », le projet de loi va se heurter à un tir de barrage de motions de rejet et d’amendements de suppression.
Le nouveau groupe écologiste, qui va pouvoir faire ses armes sur le premier texte touchant à l’environnement depuis le début de la session, entend s’y opposer « avec force », indique Joël Labbé. Convaincu de « l’extrême toxicité de ces pesticides » qui menacent « toute la chaîne de la biodiversité », l’élu écologiste défend « un changement de pratique agricole ».
« Si tous nos collègues pouvaient voter en leur âme et conscience, on trouverait une majorité pour s’opposer à ce texte », se plaît à rêver Joël Labbé.

> À lire sur le sujet Néonicotinoïdes : ces députés bretons de la majorité qui ont voté contre la dérogation

Laisser un Commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

ouvrir