Néonicotinoïdes

14e législature / Question d’actualité au gouvernement
> publiée dans le JO Sénat du 04/07/2014

M. Joël Labbé. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Elle fait suite à la présentation, mardi 24 juin, d’une étude internationale analysant les effets des insecticides néonicotinoïdes sur la biodiversité.

Une cinquantaine de scientifiques indépendants, issus de quinze pays différents, ont passé en revue plus de 800 publications sur le sujet. Les résultats de leur étude sont plus qu’inquiétants : il est désormais avéré que ces pesticides sont en grande partie responsables du déclin des abeilles et autres insectes pollinisateurs, et ont des effets nocifs importants sur un grand nombre d’autres espèces. Ces molécules neurotoxiques s’accumulent dans les sols, s’infiltrent dans l’eau, sont présentes dans l’air sous forme de poussières. Ainsi, elles menacent non seulement les insectes pollinisateurs, qui sont directement en contact avec les cultures traitées, mais également les oiseaux, les invertébrés terrestres et aquatiques, comme les vers de terre et les puces d’eau.

Les scientifiques que j’évoquais expriment leur inquiétude pour le futur de la production agricole : en effet, l’agriculture est dépendante des écosystèmes. Les pollinisateurs, par exemple, sont à l’origine de 35 % de la production alimentaire dans le monde. C’est d’ailleurs cet équilibre complexe et fragile entre mécanismes naturels et production qui est à la base de l’agroécologie, pratique placée au coeur de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

De plus, ces insecticides sont, selon toute probabilité, dangereux pour la santé humaine, au regard notamment du développement du système nerveux, selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments. Malgré leurs dangers, ils restent largement utilisés dans notre pays.

La France a eu un rôle moteur dans la prise en compte des effets néfastes de ces substances.

Monsieur le ministre, vous avez notamment retiré, en 2012, l’autorisation de mise sur le marché du Cruiser. De même, vous avez soutenu l’action de la Commission européenne, qui a suspendu pour deux ans, en 2013, l’utilisation de trois insecticides de la famille des néonicotinoïdes sur certaines cultures.

Ces interdictions ne vont toutefois pas assez loin, comme le confirme l’étude scientifique que j’ai citée. C’est pourquoi j’ai déposé au Sénat, le 19 juin dernier, une proposition de résolution, cosignée par 173 parlementaires, relative à la préservation des insectes pollinisateurs, de l’environnement et de la santé et à un moratoire sur l’utilisation des pesticides de la famille des néonicotinoïdes. Elle a également été déposée à l’Assemblée nationale par mon collègue député Germinal Peiro.

La France doit continuer à jouer un rôle de précurseur sur cette question, d’autant qu’elle a l’ambition très louable de devenir un leader de l’agroécologie. Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre, à la suite du dépôt de cette résolution et de la présentation de cette évaluation scientifique, afin de remédier à une situation qui menace non seulement la biodiversité, mais aussi, à terme, les rendements agricoles et la sécurité alimentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

Réponse du Ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

> publiée dans le JO Sénat du 04/07/2014

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué la question, bien connue ici au Sénat, des néonicotinoïdes, en rappelant quelle a été la démarche de la France depuis l’entrée en fonctions du gouvernement auquel j’appartiens.

Récemment, M. Obama a demandé des études complémentaires sur cette famille d’insecticides, et M. Cameron a fait référence à ce sujet voilà une semaine.

La France a effectivement retiré l’autorisation de mise sur le marché du Cruiser dès mon arrivée au ministère. Au-delà, nous avons engagé une démarche à l’échelle européenne et obtenu un moratoire de deux ans sur les semences enrobées de néonicotinoïdes. Des travaux scientifiques sont menés sur le sujet. L’étude à laquelle vous faites référence, monsieur le sénateur, confirme les risques encourus.
Nous allons donc poursuivre le travail que nous avons engagé avec la Commission européenne. En effet, compte tenu des enjeux, j’estime qu’il faut prendre les décisions collectivement, à l’échelon
européen.

Nous n’avons donc pas aujourd’hui de réponse immédiate à apporter à votre proposition de résolution, également déposée à l’Assemblée nationale par Germinal Peiro, mais sachez que nous poursuivons l’action que nous menons depuis deux ans, avec la mise en place du projet relatif à l’agroécologie : notre agriculture doit être productive, tout en utilisant davantage les mécanismes naturels pour protéger à la fois les récoltes et les personnes, plutôt que de recourir systématiquement à des produits chimiques. Tel est l’enjeu pour les mois à venir. Sachez, monsieur le sénateur, que les décisions qui ont été prises à l’échelle européenne vont dans le sens que vous souhaitez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE. – Mme Éliane Assassi applaudit également.)

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