Centre de rétention administrative de Rennes

Visite du Centre de rétention administrative de Rennes

« OUVREZ LES PORTES, ON A LE DROIT DE SAVOIR ! »

La campagne « Un droit de regard sur les lieux d’enfermement » s’est déroulée du 26 mars au 26 avril, à l’initiative de Migreurop. Sur 25 centres de rétention en France, 6 participaient à cette campagne européenne. Joël labbé a souhaité la soutenir et s’y associer, en se rendant au Centre de rétention administrative de Saint-Jacques de La Lande le 26 mars. Il livre ses impressions.

« C’est au bénéfice du droit d’accès dont jouissent les parlementaires en vertu des dispositions de l’article 719 du code des procédures pénales que j’ai visité le centre de rétention administrative de Rennes.
Le bâtiment très récent, à l’aspect d’une prison moderne entouré de hauts grillages et surmonté de barbelés, est situé dans une sorte de « no man’s land » jouxté par une aire d’accueil de gens du voyage.
L’accueil qu’on me réserve, à la fois officiel et cordial, marque la volonté du directeur du centre de me recevoir au mieux tout en me permettant à ma demande, de voir seul à seul et dans de bonnes conditions quelques-unes des personnes retenues.
Dès l’entrée, l’impression de pesanteur est manifeste. Ce que l’on appelle pudiquement « un centre de rétention administrative » a toutes les caractéristiques d’une prison : privation de liberté et conditions de vie carcérales, réservées à ceux qui n’ont commis aucun délit, excepté celui d’être en situation irrégulière sur le sol français.
La capacité « d’accueil » du centre est de 60 places. Le jour de ma visite, les retenus sont au nombre de 22 – 19 hommes et 3 femmes – parmi lesquels 2 couples. Pas d’enfants présents depuis un mois et demi, mais rien n’indique qu’il n’y en aura plus, des places sont d’ailleurs prévues pour des familles.
La structure est gérée par la Police des Frontières : 6 brigades de 10 fonctionnaires en assurent la surveillance et le fonctionnement. Leurs conditions de travail sont « acceptables » mais la charge psychologique reste forte pour un métier qu’ils n’ont pas forcément choisi. Malgré les grillages, dans le cadre de ses fonctions, le directeur m’a dit « œuvrer pour des relations le plus possible humanisées et individualisées. »
Du point de vue sanitaire, un médecin et une infirmière assurent une permanence quotidienne et un important accompagnement psychologique. La présence régulière d’un psychologue serait évidemment nécessaire.
Deux salariées de l’association Cimade se chargent, avec les moyens du bord, de l’accompagnement global des personnes retenues. Ils apportent leur écoute et font le lien avec les défenseurs des droits ainsi qu’avec le bénévolat associatif qui, face à la détresse de ces gens en situation de désespérance, apporte un supplément d’humanité indispensable.
Avec ses moyens et sa bonne volonté, un agent de l’office français de l’intégration propose livres de bibliothèque et jeux de société… et puis, il y a la télé qui montre aux retenus la différence entre le monde de ceux qui sont du bon côté de la barrière et les autres… et puis eux, qui sont de nulle part.
Parmi les « retenus » avec qui j’ai pu échanger brièvement, Abdel Al Khalig, un soudanais arrivé en France en 2010. Regard désespéré de celui qui ne comprend pas bien ce qu’il fait là, alors qu’il n’a rien fait de mal, ne sachant pas quand il va sortir et pour quelle destination. Un retour sur Karthoum est pour lui inenvisageable du fait de son passé politique, il en est de même pour deux autres jeunes soudanais également retenus. Patience est le prénom d’un congolais arrivé en France en 2001, veuf de sa compagne bretonne depuis l’année dernière. Seuls quelques mois lui ont manqués pour être régularisé. Il est électricien, des papiers lui auraient permis de rester et de subvenir à ses besoins. Un retour à son Congo natal ne pourrait être une solution. Alors, les uns et les autres attendent de connaître le sort qui sera le leur, simple sortie sans issue pérenne, statut d’asile ou de résident, ou bien expulsion. Peu de mots, le regard de ces apatrides suffit pour dire toute la détresse de ces parcours de vie, en situation de survie.
Si les conditions de séjour au centre de rétention de Rennes restent correctes, je suis sorti avec un sentiment d’immense gâchis : ces structures, aussi modernes soient-elles sont profondément inacceptables. Leur coût de fonctionnement pourrait être très avantageusement mis au service d’une véritable politique d’alternative à la rétention.
La France des droits de l’homme se doit de donner une réponse d’humanité autre que celle de placement systématique en rétention des personnes, des familles avec enfants derrière des grillages et des barbelés. Plusieurs de mes collègues parlementaires ont déjà visité des centres ou s’y apprêtent. Plus nous serons nombreux, mieux nous saurons de quoi nous parlons quand nous aurons à débattre de ces sujets, pour avoir regardé dans les yeux cette misère que l’on enferme.
Je tiens à saluer l’initiative des journalistes de Reporters sans frontières « Ouvrez les portes ! On a le droit de savoir », qui m’a poussé à user de mes droits de parlementaire pour entrer et visiter ce centre. Le temps a été beaucoup trop court et je n’ai pu être accompagné de journalistes : devoir de réserve en période électorale. J’y reviendrai après la campagne, plus longuement… et accompagné. »

« Peu de mots, le regard de ces apatrides suffit
pour dire
toute la détresse de ces parcours de vie,
en situation de survie. »

En images…

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