Pratiques et réalités agricoles et code de la propriété intellectuelle

Question crible thématique n° 0200C
> publiée dans le JO Sénat du 14/02/2014

M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je profite tout d’abord de cette question pour saluer tous nos concitoyens qui nous regardent et qui sont, paraît-il, de plus en plus nombreux. Je me réjouis qu’ils s’intéressent à nos débats. (Mme Corinne Bouchoux applaudit.)

Ma question portera aujourd’hui sur les efforts nécessaires de recherche agronomique portant sur le développement de variétés de semences et de plants adaptés à des systèmes agri-alimentaires innovants, en cohérence avec les nouvelles orientations agro-écologiques inscrites dans la loi d’avenir agricole.

La diversité génétique participe d’une meilleure utilisation de la biodiversité dans les systèmes agricoles. Elle permet de réduire les risques de maladies, de stabiliser, voire d’augmenter les rendements et d’améliorer la résilience des systèmes de production.

Or la sélection végétale, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, est au service quasi-exclusif du mode de production de l’agriculture intensive, grande consommatrice d’intrants chimiques. Pour accompagner le développement de nouvelles pratiques agro-écologiques, économes et autonomes, liées aux terroirs, il est nécessaire de disposer de variétés adaptées.

Nombreux sont les paysans qui attendent un véritable effort en ce sens de la sélection professionnelle, notamment du service public, dont c’est le rôle. Parallèlement, des initiatives paysannes cherchent à redévelopper les variétés locales, parfois à adapter de nouvelles espèces et à retrouver une autonomie vis-à-vis de la production, de l’utilisation et de la conservation des semences.

Malgré tout l’intérêt qu’elles représentent, ces nombreuses expériences de recherche coopérative ou participative, qui placent le développement de l’innovation paysanne au cœur de leurs objectifs, ne bénéficient pas, faute de chercheurs dédiés, du soutien suffisant des organismes de recherche publique.

En matière de sélection végétale, la collaboration du monde de la recherche avec la société civile et le monde paysan apparaît pourtant indispensable, tant le potentiel d’innovation est important.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, quels moyens vous comptez mettre en œuvre pour impliquer davantage nos organismes de recherche nationaux sur cette question, à l’instar de ce que l’on voit dans certains pays européens, bien plus avancés que le nôtre dans le domaine de la recherche sur les agricultures alternatives.

> En vidéo

Réponse du Ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

> publiée dans le JO Sénat du 14/02/2014

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur Labbé, je souhaite tout d’abord vous préciser que nous publierons, à l’occasion du salon de l’agriculture, un document intitulé Les Dix Points clés pour comprendre l’agro-écologie, dans lequel sera abordée la question des semences.

Le plan « Semences et agriculture durable », qui déclinera les orientations que nous avons évoquées, mobilisera près de 1,33 million d’euros par an. Les principales thématiques des appels à projets lancés dans le cadre de ce plan semences et agriculture durables porteront justement sur les préoccupations agro-écologiques, pour déterminer comment engager ce processus à travers la mobilisation de la recherche et des semences, afin de stimuler la mobilisation des acteurs de la recherche publique et privée française sur le développement de variétés, de semences et de plants adaptés à des systèmes agricoles et alimentaires innovants.

Je rappelle que la France s’est engagée, à l’échelle mondiale, avec la FAO, dans l’organisation d’un grand colloque sur l’agro-écologie. Un processus national, européen et international est donc enclenché.

L’appel à projets pour 2014, qui a été lancé le 23 décembre 2013 et qui se clôt le 5 mars 2014, s’intitule ainsi Développer des variétés, des semences et des plants adaptés à des systèmes agri-alimentaires innovants, en réponse au changement de modèle agricole.

Seront retenus en priorité les projets permettant de favoriser un renforcement de l’orientation du progrès génétique vers les variétés adaptées à des conduites culturales diversifiées, permettant notamment de répondre à l’objectif de réduction des intrants. Il s’agit aussi d’un objectif économique, qui concourt à l’innovation : moins la production nous coûtera, plus nous pourrons être compétitifs. Les décisions que nous prenons en matière d’environnement rejoignent donc nos choix de compétitivité économique.

Les approches systèmes seront privilégiées – vous savez que je suis très attaché à cette idée -, ainsi que les projets permettant d’identifier, d’exploiter et de potentialiser les interactions positives avec les autres leviers de ces actions.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.

M. Joël Labbé. J’entends votre réponse volontariste, monsieur le ministre.

Ma collègue Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, me rappelle que la loi prévoit désormais que les organismes publics de recherche doivent contribuer aux recherches participatives.

Je rappellerai également que notre grand service public de l’INRA compte moins de 100 équivalents temps plein dédiés à l’agriculture bio sur plus de 7 500 titulaires ! Il reste donc beaucoup à faire, et nous espérons pouvoir compter sur votre volontarisme.

Vous avez également évoqué les appels d’offres. Or l’immense majorité des appels à projets de recherche excluent de fait les associations paysannes et la société civile, qui ne disposent pas des moyens financiers et administratifs exigés. Les partenariats public-privé sont réservés aux entreprises privées susceptibles de bénéficier d’un retour sur investissement issu de droits de propriété intellectuelle qui interdisent les pratiques paysannes collaboratives. Une telle situation mériterait d’être corrigée, me semble-t-il.

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