Projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises

« Cette volonté de maintenir une égalité dans l’accès à des services répondant aux besoins quotidiens des populations doit être aujourd’hui d’autant plus affirmée que la situation pourrait fortement s’aggraver. »

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, chers collègues, j’adresse moi aussi mes vœux de prompt rétablissement à Mme Valérie Fourneyron.

Je tiens tout d’abord à exprimer ma satisfaction devant l’orientation de ce projet de loi, qui vise à préserver une économie locale de proximité en agissant en faveur des très petites entreprises, et plus particulièrement des artisans, des petits commerçants et des entrepreneurs individuels.

Ces petites entreprises sont importantes à bien des titres. En effet, elles ne représentent pas seulement une contribution au PIB français : elles sont aussi un facteur de lien social, elles sont sources d’emplois non délocalisables et elles participent d’une économie à taille humaine.

Il est donc important d’agir pour ces secteurs qui font vivre les territoires : la fermeture du dernier commerce dans les communes rurales, l’apparition de quartiers mono-fonctionnels déserts ou encore l’absence de commerces dans les zones urbaines sensibles sont des phénomènes que nous pouvons tous constater et déplorer.

Malheureusement, le corollaire de ces évolutions est la multiplication des zones commerciales périphériques, qui défigurent les entrées de ville. Le diagnostic est, en effet, pour le moins inquiétant: 62 % du chiffre d’affaires du commerce et 80 % de la croissance des zones commerciales se réalisent en périphérie, alors que les locaux vacants sont de plus en plus nombreux dans les centres urbains. Je développerai ce point ultérieurement si j’en ai le temps.

Il est par conséquent grand temps d’agir.

Cette volonté de maintenir des territoires vivants et une égalité dans l’accès à des services répondant aux besoins quotidiens des populations doit être aujourd’hui d’autant plus affirmée que la situation pourrait fortement s’aggraver : les défis du réchauffement climatique, du pic pétrolier, du vieillissement de la population font du maintien de services de proximité un enjeu capital au regard de la résilience et de l’égalité des territoires.

En effet, on peut se demander ce que vont devenir ces zones commerciales périphériques conçues pour la voiture, à l’heure où nos ressources énergétiques se raréfient. Ajoutons à cela la pollution issue des déplacements liés au commerce de périphérie, qui génère 2,6 fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que le commerce de proximité. On mesure l’absurdité du développement de ces temples de la consommation qui s’étalent en périphérie de nos villes.

Cette absurdité apparaît d’autant plus criante que le développement des zones commerciales périphériques est complètement déconnecté des besoins de nos concitoyens. Depuis une quinzaine d’années, les surfaces commerciales s’accroissent à un rythme de 3,5 % par an, tandis que la consommation des ménages augmente de moins de 1 %. Des friches nouvelles risquent d’apparaître sur nos territoires, tendance que les enjeux environnementaux ne pourront qu’accélérer !

On peut donc parler d’un véritable gaspillage des ressources énergétiques, mais aussi d’une ressource tout aussi précieuse : la terre nourricière.

D’après les estimations du ministère de l’agriculture, les infrastructures routières et les espaces dévolus à l’activité, notamment commerciale, consommeraient plus de 35 000 hectares de terres par an. Quel gâchis !

Les terres agricoles situées en périphérie des villes, qui pourraient, via des circuits courts, nourrir les citadins, sont aujourd’hui avalées par la construction de centres commerciaux s’approvisionnant aux quatre coins du monde. Pour adapter dès maintenant notre territoire aux enjeux de la fin de l’ère du pétrole et du réchauffement climatique, le maintien de secteurs économiques de proximité est essentiel.

Dans cette perspective, ce texte apporte des débuts de réponses.

Le volet relatif aux baux commerciaux constitue à ce titre une avancée : le prix des loyers commerciaux étant une source de difficultés pour les commerçants et artisans de centre-ville, le rééquilibrage des relations entre locataires et bailleurs est bienvenu.

La simplification du droit s’appliquant aux micro-entrepreneurs et la valorisation des qualifications des artisans seront également utiles pour le développement de ces secteurs de l’économie, et donc pour le maintien d’emplois locaux.

Nous sommes également satisfaits des mesures visant à encadrer les grands projets commerciaux en donnant à la CNAC la possibilité de s’autosaisir, ce qui permettra d’envisager ceux-ci dans une perspective nationale. Nous souhaiterions toutefois que la saisine de cette instance soit automatique, dans la mesure où ces projets affectent les territoires bien au-delà du ou des départements directement concernés.

La fusion du permis de construire et de l’autorisation d’exploitation commerciale permettra, nous l’espérons, de mieux contrôler des projets commerciaux qui sont parfois exemplaires lors de leur présentation devant les CDAC, avant d’être considérablement modifiés au moment du dépôt de la demande de permis de construire.

Enfin, nous sommes favorables au renforcement du droit de préemption commerciale et saluons la mise en place de l’expérimentation des contrats de revitalisation commerciale. Les pouvoirs publics ont besoin d’outils efficaces pour intervenir en faveur du commerce de proximité.

Cependant, au regard des enjeux sociaux et environnementaux que j’évoquais précédemment, nous regrettons que le texte n’aille pas plus loin.

Nous sommes certes satisfaits de l’adoption en commission de l’un de nos amendements, qui garantira plus de transparence dans la procédure permettant aux maires des communes de moins de 20 000 habitants de soumettre les projets d’implantation de commerces de plus de 300 mètres carrés à l’examen des CDAC. Toutefois, nous regrettons que les contraintes européennes empêchent d’abaisser ce seuil d’examen pour l’autorisation d’exploitation : l’intérêt général ne justifierait-il pas ici de limiter la liberté d’entreprendre ?

Aussi, pour favoriser le commerce de centre-ville, nous formulerons des propositions visant à faire du plan local d’urbanisme un véritable outil au service de la mixité fonctionnelle et de la préservation du commerce de proximité.

Nous proposerons également de soumettre les drives à la taxe sur les surfaces commerciales, pour enrayer leur prolifération en mettant fin à la situation de concurrence déloyale dont ils bénéficient.

Par ailleurs, nous souhaitons l’intégration des parkings au bâti commercial, pour limiter l’emprise au sol des grandes surfaces commerciales.

Ces mesures me paraissent tout à fait essentielles : j’ai défendu, lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, la nécessité de préserver la terre nourricière. Il est important de prendre acte de l’intrication des différents enjeux, et je poursuis donc mon action pour limiter la consommation des surfaces agricoles ; je sais d’ailleurs qu’il s’agit là d’une préoccupation partagée.

Enfin, nous souhaitons renforcer le FISAC, outil essentiel pour le maintien du petit commerce de proximité. Pour cela, nous proposerons de rétablir son lien à la TASCOM et de réserver ses aides aux territoires les plus en difficulté.

MM. Gérard Cornu et Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. Joël Labbé. Au nom du groupe écologiste, je voterai ce texte, tout en considérant qu’il ne constitue qu’une étape. Une réforme d’ampleur de l’urbanisme commercial est nécessaire, ainsi qu’une réflexion plus globale sur l’adaptation du commerce, de l’artisanat et des petites entreprises aux enjeux environnementaux. J’aurais aimé aborder encore d’autres points, mais je vois que mon temps de parole est écoulé : ce sera pour une prochaine fois ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

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