Proposition de loi favorisant l’accès au logement social pour le plus grand nombre

Dans le cadre d’un ordre du jour réservé au groupe communiste républicain et citoyen, le Sénat a examiné la proposition de loi, déposée par Michel Le Scouarnec (CRC – Morbihan) et plusieurs de ses collègues le 15 décembre 2015, favorisant l’accès au logement social pour le plus grand nombre.
 Les auteurs de ce texte considèrent « qu’il est aujourd’hui urgent de redéfinir les priorités d’une politique publique du logement et de créer les outils permettant une baisse effective des loyers et la construction de logements adaptés pour tous ». Ils proposent d’abroger le dispositif “Pinel“ (article 1er) et de relever les plafonds de ressources pour l’attribution des logements locatifs sociaux (article 2).
En séance publique, les sénateurs n’ont pas adopté ce texte.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis de cette deuxième initiative de la journée de nos collègues du groupe CRC, après le débat, nécessaire, que nous avons eu ce matin sur les conséquences du traité transatlantique.

Je voudrais en particulier saluer mon collègue morbihannais Michel Le Scouarnec, à qui j’exprime publiquement mon profond respect pour ses engagements sans faille dans la défense des valeurs humanistes.

M. Michel Le Scouarnec. C’est un bon début !

M. Philippe Dallier, rapporteur. Attendez la suite !

M. Joël Labbé. Nous examinons cet après-midi une proposition de loi dont le titre, « favoriser l’accès au logement social pour le plus grand nombre », ne peut que nous réjouir.

Le constat est sévère. Plus de 3,5 millions de nos concitoyens sont mal-logés ; 140 000 dorment encore dans la rue, dont 30 % d’enfants, et plus de 1,8 million sont en attente d’un logement social.

L’objectif du Gouvernement, que nous partageons tous, était de construire 500 000 logements, dont 150 000 à caractère social. Malheureusement, nous en sommes très loin. Certes, la conjoncture n’est pas favorable. En 2014, moins de 300 000 logements sont sortis de terre.

Une fois encore, je voudrais citer l’abbé Pierre, qu’il est bon de réinviter dans notre Haute Assemblée : « Sur ma tombe, à la place des fleurs et des couronnes, apportez-moi la liste de milliers de familles, de milliers de petits enfants auxquels vous aurez pu donner les clés d’un vrai logement. » (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)

Cette proposition de loi contient trois articles. Nous devons les examiner attentivement.

L’article 1er tend à mettre fin au dispositif Pinel, qui permet une défiscalisation pour l’achat d’un bien immobilier neuf pouvant atteindre 60 000 euros sur douze ans, à condition évidemment de louer le bien immobilier pendant cette durée.

Cette mesure, censée provoquer un effet de levier dans la construction, ne semble pas atteindre totalement les objectifs souhaités. Par ailleurs, elle coûte extrêmement cher.

Le fait de subventionner, à travers un crédit d’impôt, l’acquisition d’un bien immobilier privé, même assorti d’une obligation de location, peut déjà faire débat. Mais, lorsqu’il s’agit aussi – il faut le dire – de le louer à ses descendants ou ascendants, on peut vraiment douter de l’efficacité du dispositif et penser sérieusement que l’on facilite ainsi l’augmentation du capital privé à des fins individuelles par l’utilisation de l’argent public !

Mme Marie-France Beaufils. Absolument !

M. Joël Labbé. En outre, madame la secrétaire d’État, ce dispositif crée une iniquité entre les territoires qui sont éligibles et ceux qui ne le sont pas.

M. Philippe Dallier, rapporteur. On ne peut pas l’appliquer partout ! Il faut aussi tenir compte de la demande !

M. Joël Labbé. J’ai moi-même constaté, dans une période pas si lointaine, que les investisseurs choisissent de financer des projets se situant sur les communes qui bénéficient du dispositif, et pas sur les autres.

Le milliard et demi d’euros économisés pourrait servir utilement à alimenter les budgets consacrés directement à la construction de logements sociaux.
Je vous rappelle également les dérives d’un autre crédit d’impôt, qui est autant sujet à débats : le Censi-Bouvard, dont nous n’avons pas parlé depuis un moment. Son volet dédié aux résidences secondaires de vacances était tout bonnement intolérable ; cela constituait un cadeau aux centres de vacances privés, comme Center Parcs, qui sont des consommateurs d’espaces naturels considérables à des fins d’occupation saisonnière à titre privé. Madame la secrétaire d’État, le rapport sur ce dispositif, que nous avions demandé au mois d’octobre 2013, n’a toujours pas été remis par le Gouvernement, malgré des relances régulières auprès du cabinet de Mme la ministre du logement.

L’article 2 nous a laissés perplexes, mes collègues écologistes et moi.

M. Philippe Dallier, rapporteur. Vous n’êtes pas les seuls !

M. Joël Labbé. On peut comprendre qu’il faille relever les seuils permettant d’introduire une demande de logement social. Cela va dans le sens de plus d’égalité et répond à une partie du mécontentement des classes moyennes ayant les revenus les plus faibles, qui estiment souvent n’avoir droit à aucune aide.

Toutefois, dans un contexte de pénurie chronique de logements en général, et de logements sociaux en particulier, on comprend mal comment ce relèvement des seuils pourrait améliorer la situation.

On aurait pu imaginer, à la place, une augmentation des surloyers demandés aux locataires, dont les revenus ont évolué au-delà des plafonds de ressources. Nous aurions alors peut-être mieux perçu l’équité de la mesure.

Nous ne pouvons que souscrire à l’article 3, visant à gager la proposition de loi sur la modulation du CICE, tant nous avons rappelé par le passé nos réserves sur ce dispositif, qui, lui non plus, n’a vraisemblablement pas atteint ses objectifs en termes d’emplois et de résorption du chômage.

Nous continuons de subventionner plus fortement les très grosses entreprises, sans véritable contrepartie, alors qu’elles pratiquent l’optimisation fiscale et embauchent très peu.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Et même licencient !

M. Joël Labbé. Cela s’effectue au détriment des très petites et moyennes entreprises, qui représentent un gisement potentiel d’emplois très important, ne pratiquent pas l’évasion fiscale et créent de la richesse sur l’ensemble de nos territoires.

Chers collègues du groupe CRC, je comprends le sens de votre proposition de loi. J’y souscris pour les deux tiers. Toutefois, je serai contraint de m’abstenir, au nom du groupe écologiste, sur l’article 2, à cause des doutes, que vous n’avez pu lever, sur la pertinence du relèvement du plafond de ressources. Pour le reste, comme deux tiers, c’est mieux que la moitié, je me prononcerai en faveur du texte lors du vote sur l’ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

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