Proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la Ferme France

Intervention de Joël Labbé – Discussion générale

Le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Joël Labbé. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Joël Bigot applaudit également.)

Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà donc amenés, quelques mois avant les débats sur le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles, à discuter d’une pré-loi d’orientation, ou de la version qu’en a rédigée la majorité sénatoriale.

C’est bien de cela qu’il s’agit : le texte qui nous est soumis exprime des orientations claires pour notre agriculture. Pour notre part, nous ne pensons pas que ces orientations freineront la chute du nombre de paysans, limiteront l’endettement des agriculteurs ou empêcheront l’effondrement de la biodiversité, la pollution de l’eau et l’épuisement des sols. C’est à nos yeux une fuite en avant !

Je voudrais insister à cette tribune sur quelques reculs majeurs contenus dans le texte.

Son article 1er subordonne l’ensemble des politiques publiques agricoles à la compétitivité-prix, sacrifiant de fait les enjeux sociaux, environnementaux et sanitaires.

À l’article 8, on autorise largement l’épandage de pesticides par drone, sans prendre en compte les risques de dérives relevés par l’Anses.

Laurent Duplomb. C’est mieux qu’avec des pulvérisateurs !

Joël Labbé. Nous dénonçons les reculs sur les trop rares avancées de la loi Égalim. Nous voterons donc contre l’article 11, qui revient en arrière sur la qualité alimentaire en restauration collective. Il avait été décidé dans cette loi qu’y seraient proposés au moins 20 % de produits bio et 50 % de produits durables et locaux. Aujourd’hui, on est pourtant loin du compte. On se devrait donc, dans un tel texte – il le faudra bien en tout cas dans le prochain projet de loi d’orientation, qui doit être un projet d’avenir –, de soutenir cette approche avec force, ce qui suppose de donner des moyens aux territoires.

Nous sommes aussi particulièrement atterrés par l’article 12, qui subordonne la possibilité de mieux protéger l’environnement et la santé à l’absence de distorsion de concurrence européenne.

Nous dénonçons également l’article 13, qui soumet les retraits de pesticides jugés dangereux à une balance bénéfices-risques axée sur l’économie et remet en cause le rôle et l’indépendance de l’Anses,…

Mme Sophie Primas, rapporteur. C’est faux !

Joël Labbé. … indépendance reconnue depuis 2014.

Encore une fois, il s’agit d’acter, non sans cynisme, la supériorité des intérêts économiques de court terme, et de compliquer, voire d’entraver tout progrès dans la protection de nos concitoyens et de l’environnement.

Marc Fesneau, ministre. Caricature !

Joël Labbé. Les mesures sur l’eau sont tout aussi problématiques, notamment l’article 15, qui promeut le stockage et l’irrigation sans aucune réflexion sur leur encadrement à l’heure du réchauffement climatique.

Nous avons aussi à redire sur le volet social du texte, que nous jugeons plutôt antisocial. Rappelons que les cotisations sont non pas des charges, mais des outils de protection sociale !

Nous serons particulièrement attentifs, sur tous ces points, à la position que prendra le Gouvernement. Nous souhaitons que le processus de concertation en cours ne soit pas entravé.

Dans quelque temps, ce type de débat me manquera. À chaque fois, j’ai voulu dire tout ce qui me tenait à cœur, non pas avec des bannières ou quoi que ce soit d’autre, mais avec des convictions !

Laurent Duplomb. Nous aussi !

Joël Labbé. Oui, comme vous, mon cher collègue. Alors, allons-y !

Le rapport publié en 2013 par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) sur les effets des pesticides sur la santé humaine m’avait frappé. Qu’en est-il sorti ? On a reconnu la maladie de Parkinson et le cancer de la prostate comme maladies professionnelles chez les agriculteurs.

Le rapport de la Cour des comptes sur le soutien à l’agriculture biologique a, quant à lui, relevé que celle-ci est très insuffisamment aidée. Enfin, le rapport de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), Agriculture européenne sans pesticides chimiques en 2050, montre que des politiques cohérentes et articulées permettraient de sortir de l’usage de ces molécules chimiques.

Ce matin encore, un article du journal Le Monde nous alertait, sans rien inventer, sur la chute des populations d’oiseaux : elle atteint 60 % en quarante ans sur le continent européen. C’est dire s’il y a vraiment des soucis !

À l’occasion de ce qui est très probablement – je suis prudent ! – ma dernière intervention dans une discussion générale, je dois vous exprimer mon dépit et mes regrets sur tous ces sujets.

Monsieur le ministre, vous avez argué tout à l’heure que l’agriculture biologique utilise, elle aussi, de l’eau… Encore heureux ! Mais c’est une question de quantité. L’agriculture biologique n’est pas industrielle ; j’insiste sur ce point. Je tiens à la défendre comme une véritable agriculture d’avenir. Or, dans ce texte, il n’y a pas un mot, pas une seule pensée pour l’agriculture biologique ! (Protestations au banc des commissions.) On nous dira qu’il faut arrêter d’opposer les agriculteurs…

Le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

Joël Labbé. Mais heureusement qu’il y a encore des gens qui la défendent ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. – M. Fabien Gay applaudit également.)

 

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