Proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques

« Nous soutenons l’idée que cette notion de modération permettra de développer des installations plus performantes, moins émissives et moins énergivores, donc plus compétitives et plus rentables pour nos entreprises et pour nos exportations industrielles. »

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, sobriété, transparence, concertation en matière d’ondes électromagnétiques : voilà un titre qui est clair.

Cette proposition de loi, portée à l’Assemblée nationale par Mme Laurence Abeille, députée écologiste, dont je tiens à saluer la présence dans nos tribunes (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.), a connu, certes, quelques difficultés au démarrage. Pourtant, c’est un texte qui n’est ni idéologique, ni dogmatique. Il met tout simplement en avant la garantie de la santé pour nos concitoyens, tout en assurant une bonne couverture numérique de notre territoire.

M. Bruno Sido. C’est le bonheur ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)

M. Joël Labbé. En dépit des difficultés, un compromis a pu émerger, ce qui a conduit, selon la formule de notre rapporteur Daniel Raoul, à une certaine« sédimentation d’amendements », qui s’est faite en partie au détriment de la qualité rédactionnelle de ce texte.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. C’est un euphémisme…

M. Joël Labbé. Notre commission des affaires économiques a veillé à remédier à ces défauts, et le texte est aujourd’hui beaucoup plus clair qu’il ne l’était à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale– c’est là aussi le rôle du Sénat.

Malheureusement, certaines dispositions essentielles du texte qui, d’ailleurs, étaient issues non pas directement des réflexions écologistes, mais bien de la démarche de concertation tripartite du Grenelle des ondes, ont été supprimées au passage. Nous vous proposons, au travers d’une dizaine d’amendements, de rétablir quelques-unes de ces dispositions essentielles et nécessaires, que nos concitoyens attendent.

Il nous semble en effet primordial de rétablir le caractère systématique de la concertation locale lors de l’implantation des antennes. Cela aura pour effet de rassurer les citoyens et de les informer correctement de la réalité des émissions des installations. Il s’agit d’une mesure de transparence et certainement du meilleur moyen, pour tous ceux qui soutiennent que les antennes sont sans danger, de le démontrer localement, y compris en informant le conseil d’école lors de l’implantation d’un nouveau réseau.

L’organisation de la concertation redonne un rôle au maire. Certes, celui-ci ne reçoit pas une compétence et un pouvoir de décision au niveau local, mais les élus locaux ne seront plus laissés de côté dans ce type de projet.

Ce qui est caché, ou ce qui est non dit, est toujours source d’anxiété et de fantasmes. Ayons l’aplomb de faire face à nos concitoyens et de leur parler. À ce sujet j’aimerais citer un auteur classique, Publilius Syrus (M. Bruno Sido s’exclame.), qui écrivait au premier siècle avant Jésus Christ : « En face d’un danger, il y a pour l’homme deux attitudes possibles, ou la fuite, ou la résistance ». Ne choisissons pas la fuite en avant, et nous pourrons ainsi créer ce climat de confiance que toutes et tous attendent.
Notre commission des affaires économiques a décidé de renoncer à la notion de modération, que les opérateurs rejetaient également, pour lui préférer celle de sobriété. Outre que l’objectif de modération est la conclusion du rapport Tourtelier-Girard-Le Bouler de décembre 2013, ce terme et cet objectif ont fait consensus à la gauche de l’Assemblée nationale, les écologistes ayant transigé par rapport à leur position de départ, qui était l’application du principe de précaution. De plus, la modération implique une démarche qui conduirait à la sobriété, alors que la sobriété est un état n’impliquant pas d’action.

Nous entendons bien la crainte des opérateurs de voir leurs opérations se complexifier, ou certains coûts augmenter. C’est là le souci de tous les opérateurs économiques, et aussi de nos concitoyens.

Nous soutenons l’idée que cette notion de modération permettra de développer des installations plus performantes, moins émissives et moins énergivores, donc plus compétitives et plus rentables pour nos entreprises et pour nos exportations industrielles.

Je voudrais préciser un point concernant les règles applicables à l’étranger en matière de seuils d’exposition aux ondes électromagnétiques. On entend souvent affirmer que, si la France adoptait un texte protecteur des populations, elle serait le seul pays au monde à agir ainsi. De même, on entend souvent dire que les seuils recommandés de 41 à 61 volts par mètre, décidés en 1998, seraient appliqués dans le monde entier, et qu’il n’y aurait donc aucune raison pour que la France les remette en cause.

Or, dans de nombreux pays, les seuils appliqués en matière d’ondes électromagnétiques sont plus restrictifs. L’exemple de la région de Bruxelles est très souvent donné : la valeur limite y est de 3 volts par mètre dans les lieux de vie, ce qui est très loin des 61 volts par mètre… En Italie, les seuils sont également plus stricts, avec une limite de 6 volts par mètre, et je pourrais également citer la Pologne, la Suisse, la Bulgarie, le Luxembourg, la Grèce, la Lituanie, la Slovénie, la Catalogne… ou encore Paris ! Alors arrêtons de nous faire peur en considérant la France comme un pays réfractaire aux nouvelles technologies et qui irait à contre-courant des politiques menées ailleurs.

Quant à ceux qui affirment que l’absence de risques avérés justifie de ne pas légiférer, je me dois de leur rappeler, mes chers collègues, que l’échelle des risques définie par l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, est un dégradé : le « risque avéré » est au sommet ; au-dessous, on trouve les « effets probables », puis, les « effets possibles » ; le « niveau de preuve insuffisant pour conclure à un effet » n’intervient qu’en avant-dernière position, et l’appréciation « probablement pas d’effet chez l’homme » se trouve tout en bas de l’échelle…

N’oublions pas que l’ANSES formule des recommandations concernant l’usage des technologies sans fil, notamment pour les personnes fragiles. Alors n’allons pas croire à une absence totale de risques : l’ANSES reconnaît l’existence d’effets biologiques, et pas uniquement thermiques comme on l’entend souvent.

Enfin, le texte évoque l’électro-hypersensibilité. Si cette pathologie est encore mal connue, nous savons que des personnes en souffrent, et il est du devoir de la puissance publique de considérer leur situation et d’apporter une réponse. De même, il est illusoire de croire que les ondes qui nous traversent en permanence n’auraient strictement aucun effet.

En rétablissant un texte mesuré et équilibré qui, en toute transparence, prenne en compte le développement des nouvelles technologies, mais aussi la préservation de la santé de nos concitoyens, nous donnerons une image du Sénat positive, celle d’une chambre douée d’intelligence collective, protectrice des citoyens et volontariste pour la qualité de notre industrie.

Il serait tout de même dommage que le groupe écologiste ne puisse pas voter le texte qu’il a lui-même proposé ! (Vifs applaudissements sur les travées groupe écologiste et du groupe CRC.)

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