Proposition de résolution relative au respect des droits et libertés des collectivités territoriales

Monsieur le président, Madame la ministre,
Mes chers collègues,

Cette journée du 3 avril 2013 devait être une belle journée, car marquée, pour la première fois dans l’histoire du Parlement, par le vote d’un texte à l’initiative du groupe écologiste (Murmures sur les travées de l’UMP.), la proposition de loi relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, dont l’avenir montrera qu’elle est loin d’être anodine !

À moi, comme, j’en suis sûr, à beaucoup d’entre vous, cette journée apparaît finalement bien triste pour l’image de la démocratie, et je tenais à le dire en préambule.

Concernant la discussion en cours, je n’insisterai pas sur l’exposé, trop sommaire, que les auteurs de la proposition de résolution font de l’histoire de la décentralisation. Je n’insisterai pas non plus sur le fait que la décentralisation commence bien en 1982 : la date de 2003, à laquelle M. Gaudin tient tant, ne correspond qu’à la dernière étape d’une longue construction qui a bien commencé en 1982 et qui est encore loin d’être achevée.

Je constate cependant que MM. Raffarin et Larcher sont, comme leur groupe, attachés à la décentralisation. Je souhaite y voir le signe que vous vous apprêtez, mes chers collègues, à collaborer de manière constructive avec les groupes de la majorité afin de dégager les propositions fortes dont l’ensemble de notre organisation territoriale a besoin pour affronter les immenses défis qui sont devant nous.

Enfin, je relève que la proposition de résolution aborde également les conditions effectives de l’exercice de la décentralisation, notamment à travers la garantie des transferts de ressources afférentes aux compétences transmises, et l’exercice d’une certaine autonomie fiscale.

C’est d’ailleurs un soulagement de constater que votre groupe se préoccupe de ne pas dépouiller les collectivités, que votre famille politique a pourtant trop souvent contribué à mettre en difficulté en leur transférant des ressources insuffisantes au vu des charges dévolues, notamment en 2003 !

Le strict respect de l’article 72-2 de la Constitution est, en effet, une condition sine qua non de la décentralisation. La position des écologistes au sujet de l’échelon communal est cependant quelque peu différente de la vôtre.

Je parle en connaissance de cause et avec le recul d’une certaine expérience, étant maire de Saint-Nolff, dans le Morbihan, depuis 1995 : s’il est essentiel, en l’état actuel, de maintenir les communes, des grandes aux plus petites, c’est non pas pour qu’elles fassent semblant de s’occuper de tous les sujets, mais bien pour préserver un échelon de proximité avec les citoyennes et les citoyens et pour permettre à ceux-ci de tisser un lien avec leurs élus locaux directs.

Ne faisons pas semblant ! La grande majorité des communes ne pourraient pas répondre à l’ensemble des exigences qu’impose la clause de compétence générale. Vous connaissez comme moi la situation financière de beaucoup d’entre elles. Les plus petites peuvent à peine assurer le cœur de leur domaine d’intervention !

La commune, en l’état actuel de notre organisation territoriale, devra rester l’échelon privilégié de la démocratie locale. L’organisation du débat public, la concertation et la « co-construction » des politiques publiques avec les citoyennes et les citoyens ne peuvent être organisés que dans la proximité. La commune doit rester l’échelon privilégié de la démocratie citoyenne, garante des services publics de grande proximité.

Pour dire notre attachement à la commune, laissez-moi vous citer Tocqueville : « C’est […] dans la commune que réside la force des peuples libres. Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science ; elles la mettent à la portée du peuple ; elles lui en font goûter l’usage paisible et l’habituent à s’en servir. » Ces mots peuvent encore être médités aujourd’hui.

Nous ne pouvons pas nous voiler la face. Pour des raisons d’efficacité, de coût et de cohérence, les problèmes de transport, d’infrastructures, d’assainissement ou encore de gestion des déchets ne peuvent être gérés au niveau des communes. Elles n’en ont ni les moyens ni, souvent, les compétences, en termes de services municipaux.

Nous sommes favorables à une organisation territoriale centrée sur deux échelons d’avenir principaux : les intercommunalités et les régions. Ce sont les seuls échelons actuellement capables de recouper des territoires cohérents tout en disposant de ressources financières suffisantes pour relever les défis auxquels nos territoires font face.

La réforme territoriale à venir n’aboutira à rien de bon si chacun cherche à préserver ses intérêts particuliers à chaque échelon de notre mille-feuille territorial.

Nos régions ont montré, à travers le pluralisme de leur composition, qu’elles étaient capables de gérer des enjeux complexes sur des territoires vastes en étant clairement identifiées dans leurs domaines de compétence.

Il faudra également réfléchir à l’approfondissement de leur pouvoir d’adaptation réglementaire. Sur ce point, je souhaite que l’analyse écologiste nourrisse les débats, notamment à travers le concept de fédéralisme différencié qui nous est cher. Il contient en perspective l’idée d’une Europe politique, sociale, économique et écologique, c’est-à-dire d’une Europe qui ne se limite pas à une Europe de marché !

Le Parlement a fini par adopter un texte garantissant la désignation directe par les citoyens des élus siégeant au sein des intercommunalités. Ce texte ne correspond pas aux attentes des écologistes sur certains aspects, notamment le pluralisme et la représentation du territoire, mais il s’agit d’un vrai premier pas. Nous devons aller plus loin, afin de faire émerger des projets de territoire correspondant aux spécificités des différents bassins de vie et d’activité.

Nous restons, en revanche, sceptiques sur le maintien des départements. Il serait sans doute plus efficace de transférer leurs compétences vers les deux échelons précédemment cités. Le rapport de force nous est défavorable sur ce point, j’en conviens, mais gageons que le bon sens et l’intérêt général guideront nos décisions pour un avenir de nos territoires équilibré et écologique.

S’il partage donc beaucoup des termes de cette résolution, le groupe écologiste ne prendra pas part au vote, car ce texte ne nous semble pas dénué d’arrière-pensées conservatrices qui, elles, ne nous conviennent pas ! (Exclamations sur les travées de l’UMP. ― Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Voir objet du texte et étapes de la discussion

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