Proposition de résolution tendant à la création d’un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation

« Il faut avoir la parfaite maîtrise et la connaissance de notre alimentation. »  

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,

Tout d’abord, je partage les conclusions que notre collègue François Fortassin, qui nous les a présentées avec la pointe d’humour dont il sait toujours agrémenter ses interventions.
La proposition de résolution européenne a été déposée à la suite du récent scandale de la viande de cheval trouvée dans des aliments censés contenir du bœuf, à quoi s’est ajoutée la décision de la Commission européenne d’autoriser à nouveau l’utilisation des protéines animales transformées dans l’alimentation des poissons, en tout cas pour le moment des seuls poissons. Je tiens d’ailleurs à saluer la position que la France a défendue sur ce dossier par votre voix, monsieur le ministre.
Il est nécessaire que la population dispose de toutes les informations sur les aliments qu’elle consomme. Les citoyens attendent légitimement de se sentir protégés par les règlements et par la loi. Le premier de nos objectifs doit donc être de restaurer la confiance, à l’égard tant des aliments que des politiques. Cela signifie que nous devons être en mesure de jouer pleinement notre rôle.
Nous assistons parallèlement à la mise au jour de scandales à répétition : les fraudes se mêlent au manque de transparence et, parfois, aux conflits d’intérêts, avec à la clé des risques sanitaires – et ils peuvent être majeurs – pour le consommateur.
Posons un constat : oui, il y a des fraudes qu’il faut parvenir à déceler plus systématiquement et qu’il faut sanctionner ! Mais, au-delà, il faut prendre toute la mesure des dangers liés à certaines pratiques, certes légales, de l’industrie agroalimentaire.
Je pense à l’utilisation en masse d’OGM dans l’alimentation animale, au recours excessif aux antibiotiques chez les animaux, aux effets cocktail des pesticides sur les végétaux, aux nitrates et pesticides, là encore, qui polluent nos cours d’eau… Il s’agit non pas de dramatiser, mais de faire preuve de lucidité. Toutes ces pratiques pourraient demain entraîner des scandales sanitaires.
En découvrant de telles pratiques, la population se sent trompée. En effet, le modèle agro-industriel échappe aux citoyens. Mais il ne doit pas échapper aux politiques. Nous devons prendre l’initiative de favoriser l’émergence de modes de production respectueux de l’environnement et des animaux.
Aujourd’hui, trop d’élevages fonctionnent encore selon un modèle hors-sol inacceptable sur le plan éthique, source de pollutions et de graves menaces sanitaires : recombinaison de virus, antibiorésistance due à l’usage irraisonné d’antibiotiques, dont, selon une étude récente, la consommation par les animaux d’élevage a augmenté de 12,5 % entre 1999 et 2009…
Selon un rapport publié par la Cour des comptes européenne le 10 avril dernier, les subventions aux entreprises agroalimentaires dépasseraient 9 milliards d’euros, 5,6 milliards d’euros provenant de l’Union européenne et le reste de fonds nationaux. L’institution s’est penchée sur l’efficacité de ces aides, accordées dans le cadre de la politique de développement rural de l’Union européenne, c’est-à-dire le deuxième pilier. Voici ce qui figure dans le communiqué de presse : « La Cour a constaté que les États membres n’orientent pas les financements vers les projets pour lesquels la nécessité d’une aide publique est avérée. De ce fait, la mesure se transforme en subvention générale aux entreprises qui investissent dans le secteur agroalimentaire, avec les risques associés de distorsion de concurrence et de gaspillage de fonds publics devenus rares. »
Ce sont ces mêmes entreprises qui sont dans une logique de masse en produisant au plus bas prix, donc en offrant des produits bas de gamme. Elles sont engluées dans une course sans fin à l’industrialisation, à la massification et aux conditions de travail déplorables.
Oui, comme l’écrit notre collègue, il faut avoir la parfaite maîtrise et la connaissance de notre alimentation ! Pour nous, cela implique des changements dans les pratiques alimentaires.
Il s’agit tout d’abord de reconsidérer notre politique alimentaire. Comme le montrent nombre d’études, en moyenne, nous mangeons trop de protéines d’origine animale, notamment de viande. La viande, on le sait, symbolise encore le régime des riches. Bien entendu, il ne s’agit surtout pas aujourd’hui d’en refuser à ceux qui ont trop peu de moyens. En revanche, il faut diminuer globalement la quantité de viande dans le régime moyen et y substituer une part de protéines végétales, que nous ne produisons pas encore en quantité suffisante. Les arguments ne manquent pas : la consommation excessive de viande est cause de diabète, d’obésité, de maladies cardio-vasculaires…
Par ailleurs, notre modèle alimentaire ne peut pas être étendu à l’ensemble de la planète : la production de viande demande en effet beaucoup plus d’énergie et de surface que bien d’autres productions. Le système ne peut donc pas être généralisé.
Par conséquent, si nous voulons des protéines made in France, il nous faut produire plus de protéines végétales, consommer moins de protéines animales, mais des protéines françaises : moins en quantité, mais de meilleure qualité.
Notre objectif doit être de faire de la qualité, c’est-à-dire des produits issus de notre tradition alimentaire et gastronomique ; Stéphane Le Foll et Guillaume Garot ont d’ailleurs insisté à plusieurs reprises sur ce point. La qualité, c’est à la fois la qualité gustative et la qualité sanitaire.
Je pense à des produits issus de la variété et de la richesse de nos terroirs, fabriqués par des travailleurs et des entreprises fiers de leurs savoirs et de leur savoir-faire. C’est cette production-là qui doit être connue, reconnue, promue, identifiée, tracée et contrôlée. C’est cela qu’il faut exporter, comme le montre le succès des vins français,…

M. Jean-Jacques Mirassou. Il ne faut pas les taxer, alors ! (Sourires.)

M. Joël Labbé. … et non des produits bas de gamme, créant trop peu de valeur ajoutée, exportés à coûts de subventions et ruinant trop souvent les agricultures des pays importateurs !
Pour conclure, je dirai que cette proposition de résolution européenne, sans prendre toute la mesure des enjeux, va dans le bon sens. C’est pourquoi les membres du groupe écologiste la voteront.
L’alimentation est un enjeu fondamental. Nous attendons avec confiance de réelles avancées des deux prochains projets de loi portant, l’un, sur la consommation et, l’autre, sur l’avenir de l’agriculture. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDS .)

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