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Rana Plaza : la droite sénatoriale tente d’éviter le débat et échoue

19 octobre 2015 | Par Les invités de Mediapart

Mercredi, le Sénat examine la proposition de loi – que les députés ont adopté en première lecture – sur le devoir de vigilance des multinationales. Des sénateurs PS et écolos mettent en exergue la tentative d’obstruction de la droite sur ce texte, au parcours chaotique et profondément remanié dans une seconde version qui inquiète toujours autant les grandes entreprises.

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La proposition de loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre instaure un devoir de vigilance pour les grandes entreprises multinationales vis-à-vis de leurs filiales et de leurs sous-traitants, en France comme à l’étranger, pour défendre les droits humains, protéger l’environnement et lutter contre la corruption.

Après avoir été adoptée à l’Assemblée nationale, ce texte a débuté son parcours au Sénat. A la surprise générale, le rapporteur de droite, M. Frassa, a tenté de mettre fin au débat sur ce texte en déposant une « motion préjudicielle ».

Ce procédé, tombé dans l’oubli, visait à empêcher l’examen de chacun des articles de la proposition de loi pourtant programmée dans la « niche » socialiste soit l’un des créneaux réservés à l’opposition de gauche au Palais du Luxembourg. Encore plus choquant, la motion de M. Frassa aurait eu pour conséquence d’empêcher le retour du texte à l’Assemblée nationale. Face à ce déni de démocratie parlementaire, très étonnant alors que le Président Gérard Larcher souhaite incarner un président respectueux des droits de l’opposition, les sénateurs de gauche se sont fortement mobilisés lors de l’examen de la proposition de loi en commission. Sentant qu’il avait dépassé les bornes, le rapporteur Frassa a finalement retiré sa motion préjudicielle. Nous allons donc pouvoir nous consacrer au fond du problème.

L’effondrement du Rana Plaza, bâtiment qui abritait des ateliers de confection travaillant pour des grands groupes internationaux, a provoqué la mort de 1135 personnes au Bangladesh. L’indignation qui a suivi a constitué un carburant utile à des actions de transformation du monde pour éviter qu’un drame comme le Rana Plaza ne puisse survenir à nouveau. De nombreuses ONGs sont parvenues à sensibiliser suffisamment l’opinion pour enregistrer des avancées indéniables comme l’abondement du fonds d’indemnisation des victimes. Le Gouvernement avait mobilisé le Point de contact national (PCN) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour déterminer la notion de « relation d’affaires » entre les multinationales de la mode et leurs sous-traitants, tout en identifiant des mesures de prévention, détection et amélioration en matière de sécurité,conditions de travail et droit syndical. Cette initiative a constitué une avancée importante au niveau mondial.

Cependant les retards pris par H&M, premier acheteur au Bangladesh, pour respecter ses engagements en matière de sécurité des travailleurs chez ses fournisseurs textiles démontrent que les efforts réalisés restent insuffisants. Porte coupe-feu manquantes, accès aux issues de secours ou sécurisation des escaliers défaillants, autant de manquements pointés du doigt par le collectif Ethique sur l’Etiquette qui doivent nous pousser à réagir. Nos propositions sont sur la table.

Certains des opposants à ce texte de loi se réfugient derrière les risques sur la compétitivité et la nécessité d’agir au niveau international. Ces deux paravents ne tiennent pas : avec des consommateurs de plus en plus vigilants, c’est l’absence de réaction aux risques sociaux et environnementaux qui fait baisser la compétitivité des entreprises. Par ailleurs, les entreprises françaises n’ont pas à rougir de leurs actions en la matière par rapport à leurs concurrents.

Nous partageons la nécessité d’agir au niveau international. C’est l’objectif même de cette proposition de loi qui a servi d’exemple à la résolution du Parlement européen sur le 2e anniversaire de l’effondrement du bâtiment Rana Plaza et l’état d’avancement du pacte sur la durabilité adoptée le 29 avril 2015. Cette résolution fait des recommandations aux instances européennes et au gouvernement de Bangladesh pour renforcer encore les normes du travail et les droits des ouvriers mais aussi la responsabilité des entreprises dans le secteur du textile en s’inspirant directement de la loi française.

La réponse que constitue la proposition de loi dite « Potier » comporte certainement des limites. Mais elle a le mérite d’apporter des réponses objectives à une situation dénoncée unanimement. Nous espérons que nos collègues de la droite et du centre sauront aborder ce débat de manière aussi objective.

 

Les premiers signataires

Marie-Christine Blandin, Corinne Bouchoux, Henri Cabanel, Jérôme Durain, Alain Duran, André Gattolin, Gisèle Jourda, Georges Labazée, Joël Labbé, Marie-Noëlle Lienemann, Didier Marie, Jean-Pierre Sueur, Christian Prunaud.

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