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TRIBUNE. Pour une souveraineté sanitaire

LIBÉRATION – TRIBUNE – Par Des parlementaires de gauche – 11/03/2021

Plusieurs parlementaires de gauche plaident pour la création d’un pôle public du médicament, alors qu’a lieu, ce jeudi, une nouvelle journée de mobilisation nationale contre le plan de suppressions d’emplois annoncés par Sanofi.

Toujours pas de vaccin au pays de Pasteur. La situation pourrait paraître absurde si elle n’était le résultat d’un désengagement récurrent et renouvelé de la direction de Sanofi envers la recherche. En dix ans, l’on dénombre pas moins de quatre plans sociaux successifs, entraînant la suppression de plus de la moitié des postes en Recherche et Développement, alors que dans le même temps le groupe a bénéficié d’un milliard et demi d’euros de Crédit d’impôt recherche (CIR). Ces plans de restructuration, qui entraînent des fermetures de sites et des suppressions de plusieurs milliers d’emplois, ont des conséquences sociales dramatiques. En 2020, c’est un nouveau plan de suppression de 1 700 emplois en Europe qui est annoncé, dont un millier en France. Ce vaste plan de licenciements intervient alors que le groupe s’apprête à verser près de 4 milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires, après avoir réalisé un bénéfice net en progression de 340 % pour l’année 2020. Au total, le nombre d’emplois supprimés en dix ans s’élève à près de 5 000, sans compter les externalisations croissantes de certaines activités. Ces chiffres éloquents mettent en lumière une stratégie du géant de l’industrie pharmaceutique française, tournée vers le profit davantage que vers l’intérêt général. Dans un contexte de crise sanitaire inédite, la situation de la branche Recherche & Développement est particulièrement inquiétante. Aujourd’hui, ce sont près de 400 postes qui doivent être supprimés, et un nouveau site, celui de Strasbourg, fermé. La course aux profits, l’hyperspécialisation et le recours accru à la sous-traitance se traduisent par un affaiblissement indéniable, et l’abandon de pans entiers du domaine de la recherche médicale.

La gestion de la crise sanitaire, par le gouvernement, a permis de mettre en lumière l’absence de souveraineté nationale en matière non seulement de production de médicaments, mais également de tests, de matériel de protection ou d’oxygène médical nécessaire à la réanimation. Les délocalisations successives ont exclu du territoire français et européen la fabrication d’un nombre très important de molécules essentielles. La prise de conscience dans la société des enjeux de santé publique liés à la souveraineté sanitaire est croissante. Le Président de la République lui-même l’affirmait, le 17 mars 2020, lors d’une allocution télévisée : «Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors de l’économie de marché.» Pourquoi ne l’applique-t-il pas déjà dans le domaine de l’industrie pharmaceutique et de la production de médicaments ? Aux promesses d’un monde d’après, où l’intérêt général reprendrait le dessus, a succédé la réalité d’une marchandisation sans frein de l’industrie pharmaceutique.

L’Etat doit pouvoir retrouver la maîtrise de ce secteur hautement stratégique, aujourd’hui essentiellement guidé par une logique de rentabilité, qui privilégie le développement de médicaments innovants qui se vendent très cher pour garantir des profits élevés. Ces intérêts ne sont pas compatibles avec une politique de santé publique qui répond aux besoins humains. Il en va de notre souveraineté et de notre capacité à faire face à une épidémie qui a déjà fait plus de 85 000 morts en France. Alors que la direction de Sanofi détruit délibérément le fleuron industriel français en matière de vaccin et de médicament, le gouvernement se doit d’agir. Nous payons aujourd’hui les conséquences de ce processus de marchandisation.

Il est temps que la priorité soit donnée à des enjeux de santé publique, et non de profits et de rentabilité immédiats. La pandémie de Covid-19 a également mis en exergue le scandale des pénuries de médicaments très importantes. Or l’Etat n’a pas la maîtrise de la production de médicaments. De plus, la majorité des molécules sont actuellement fabriquées en dehors de notre territoire. La solution doit et peut venir des pouvoirs publics. La santé est un bien public que l’Etat doit protéger des logiques de rentabilité. Pour retrouver notre souveraineté sanitaire et ainsi faire face aux enjeux de santé publique, nous appelons à la création d’un pôle public du médicament au plan national et européen. Le médicament doit être considéré comme un bien commun, dont la production relève de l’intérêt général. Nous devons retrouver la maîtrise de la Recherche et de la production de médicaments. Sans cela, toute politique de santé ambitieuse se heurtera aux vents contraires d’une industrie pharmaceutique de profits.

Tribune initiée par : Laurence COHEN, Sénatrice du Val-de-Marne, Raymonde PONCET MONGE, Sénatrice du Rhône, Sophie TAILLE-POLIAN, Sénatrice du Val-de-Marne.

Signataires : Cathy APOURCEAU-POLY, Sénatrice du Pas-de-Calais, Alain BRUNEEL, Député du Nord, Rémi CARDON, Sénateur de la Somme, Marie-Arlette CARLOTTI, Sénatrice des Bouches-du-Rhône, Alexis CORBIÈRE, Député de Seine-Saint-Denis, Ronan DANTEC, Sénateur de Loire-Atlantique, Monique DE MARCO, Sénatrice de Gironde, Elsa FAUCILLON, Député des Hauts-de-Seine, Jacques FERNIQUE, Sénateur du Bas-Rhin, Fabien GAY, Sénateur de Seine-Saint-Denis, Guillaume GONTARD, Sénateur de l’Isère, Michelle GREAUME, Sénatrice du Nord, Patrice JOLY, Sénateur de la Nièvre, Régis JUANICO, Député de la Loire, Sébastien JUMEL, Député de Seine-Maritime, Joël LABBE, Sénateur du Morbihan, Bastien LACHAUD, Député de Seine-Saint-Denis, Pierre LAURENT, Sénateur de Paris, Marie-Noëlle LIENEMANN, Sénatrice de Paris, Jean-Luc MÉLENCHON, Député des Bouches-du-Rhône, Philippe NAILLET, Député de La Réunion, Mathilde PANOT, Députée du Val-de-Marne, Angèle PREVILLE, Sénatrice du Lot, Loïc PRUD’HOMME, Député de Gironde, Muriel RESSIGUIER, Député de l’Hérault, Daniel SALMON, Sénateur d’Ille-et-Vilaine, Isabelle SANTIAGO, Députée du Val-de-Marne, Pascal SAVOLDELLI, Sénateur du Val-de-Marne, Bénédicte TAURINE, Députée de l’Ariège, Jean-Claude TISSOT, Sénateur de la Loire, Marie-Claude VARAILLAS, Sénatrice de Dordogne.

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