Débat sur « La forêt française face aux défis climatiques, économiques et sociétaux »

Lors de sa séance publique du jeudi 19 novembre 2020 matin, dans le cadre de l’ordre du jour réservé au groupe Les Indépendants – République et Territoires (INDEP), le Sénat a débattu du thème suivant : « La forêt française face aux défis climatiques, économiques et sociétaux ».

 Ce débat a permis de mettre en lumière la détresse de la forêt française confrontée à de multiples crises : Le changement climatique qui dérègle l’équilibre forestier, les faiblesses d’une filière bois qui déstabilise notre tissu économique et territorial ainsi que les impacts sur la régénération de la forêt.

 Tous les groupes politiques du Sénat ont présenté leur point de vue sur ce sujet au cours d’un débat interactif, en présence de Julien DENORMANDIE, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

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 Joël Labbé. On ne le dit jamais assez : on est mal parti… Oui, notre forêt est mal partie, le climat va mal, l’ensemble de notre biodiversité va mal également – tout cela étant lié.

Monsieur le ministre, quarante pesticides de synthèse sont encore autorisés en forêt, dont le glyphosate. Alors que nous arrivons presque à l’échéance du délai sur lequel le Président de la République s’était engagé pour la sortie du glyphosate en novembre 2017, la mise en œuvre de cette promesse semble, au fil des mois, toujours plus floue…

On pourrait imaginer, monsieur le ministre, que la sortie des pesticides en forêt constitue pour vous une priorité. Elle est en tout cas réclamée par les citoyens, qui ont été des milliers à signer un appel en ce sens lancé en 2019 par la très responsable ONG Noé, qui œuvre pour la biodiversité. En effet, les forêts sont des espaces de production, mais aussi des réserves de biodiversité et des lieux de promenade qu’il faut préserver des pollutions.

Les alternatives sont déjà là, puisque l’ONF a abandonné le glyphosate dès 2018, puis l’ensemble des pesticides en 2019. Nous avons reçu ses représentants au Sénat voilà un an, lors d’un colloque, pour qu’ils nous présentent leurs solutions. Pourtant, en septembre dernier, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a écarté la quasi-totalité des alternatives au glyphosate en forêt, non pour des raisons d’impasse technique, mais du fait d’inconvénients pratiques et économiques.

Un arrêté étendant la loi Labbé à de nouveaux espaces doit être publié très prochainement. Je m’en réjouis, mais, selon nos échanges avec la ministre, la forêt ne sera pas concernée. Ce serait pourtant l’occasion d’agir dès maintenant.

Monsieur le ministre, pouvez-vous vous engager pour une sortie rapide du glyphosate et de tous les produits phytosanitaires en forêt ?

Bruno Sido. Oh là là !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Labbé, nous avons souvent débattu ensemble de ces questions au cours des derniers mois.

J’ai en la matière une approche assez raisonnée. Comme je l’ai dit à la tribune, il nous faut absolument protéger l’environnement et considérer tout ce que la forêt offre d’important aux citoyens que nous sommes : un poumon vert, un écosystème environnemental, un espace qui se cultive.

Nous avons demandé à l’Anses, une autorité indépendante et à mes yeux l’instance la plus à même de déterminer les usages, d’établir les autorisations de mise sur le marché – lesquelles, je le rappelle, sont non pas signées par le ministre, mais données par cette agence –, y compris dans le milieu forestier.

Dans le cadre du bilan de l’usage des produits phytosanitaires que nous avons présenté voilà quelques jours, l’Anses a été très claire sur l’utilisation du glyphosate en forêt, en en limitant significativement tous les usages, exception faite de quelques situations spécifiques lorsqu’il n’y a pas d’alternative. Cette décision résulte d’une analyse non pas économique, mais holistique, prenant en compte l’ensemble des approches : environnementale, substitution mécanique au travail, faisabilité.

C’est grâce à ce travail très sérieux de l’Anses que nous pouvons tracer cette voie et sortir du glyphosate dès lors qu’une alternative existe. Nous nous y employons avec une grande détermination. D’ailleurs, nous avons prévu des moyens financiers importants pour investir dans la recherche, afin de trouver toutes les alternatives le plus rapidement possible.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.

Joël Labbé. Monsieur le ministre, je ne voulais pas mettre en cause le sérieux de l’Anses,…

Bruno Sido. Il ne manquerait plus que ça !

Joël Labbé. … mais quand même… Ses membres n’ont pas pris leur décision, je le répète, pour des raisons d’impasse technique, mais d’inconvénients pratiques et économiques – vous pourrez le vérifier.

Derrière l’usage des pesticides en forêt, il y a tout un modèle d’industrialisation excessive des pratiques en forêt, que l’on retrouve d’ailleurs en agriculture. Le glyphosate est lié à la pratique des coupes rases, à ce jour toujours pas encadrée. (M. le ministre le conteste.)

Dans un contexte de chute de la biodiversité et de réchauffement climatique, cette industrialisation excessive est dangereuse. L’abandon du glyphosate et des produits phytosanitaires en forêt n’est pas seulement souhaitable : il est possible !

> Accéder au compte rendu intégral complet de la séance

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