Débat sur l’alimentation locale et durable

Lors de sa séance publique du mardi 17 novembre 2020, dans le cadre de l’ordre du jour réservé au groupe Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants (RDPI), le Sénat a débattu sur l’alimentation durable et locale.

Tous les groupes politiques du Sénat ont présenté leur point de vue sur ce sujet au cours d’un débat interactif, en présence de Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

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 Joël Labbé. À propos d’alimentation saine et durable, je souhaite vous interpeller, monsieur le ministre, sur une récente enquête réalisée en partenariat avec le laboratoire de toxicologie de l’hôpital Lariboisière, qui met en lumière la présence de cadmium dans les engrais phosphatés, les pommes de terre et, en bout de chaîne, dans les urines humaines.

Le cadmium est un métal lourd, classé comme « cancérigène certain » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Dès 2019, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) alertait sur ce risque pour la population et critiquait la décision de l’Union européenne de fixer à 60 milligrammes par kilo la teneur en cadmium dans les engrais phosphatés. D’après ses modélisations, il serait recommandé de l’abaisser dès maintenant à 20 milligrammes par kilo.

Dans la droite ligne de ce rapport, les révélations de l’enquête sont sans appel : cinq engrais phosphatés sur six, provenant en très grande majorité du Maroc ou de la Tunisie, dépassent les recommandations actuelles de l’Anses. Trois engrais de ce type sur cinq dépassent les maximales autorisées qui entreront en vigueur dans un an. On retrouve deux fois plus de cadmium dans les pommes de terre que ce qu’avait estimé l’Anses !

Enfin, 21 % des analyses d’urine font apparaître un dépassement de la concentration critique définie par l’Anses, au-delà de laquelle ont été démontrés des risques de toxicité osseuse puis, à plus haute dose, de toxicité rénale.

Les agriculteurs sont aussi concernés : si leurs sols présentent une trop forte concentration en cadmium, ils se retrouvent dans l’impossibilité de vendre leur production.

Que compte faire le Gouvernement pour préserver l’alimentation des Français de cette pollution au cadmium via les engrais phosphatés ? (Applaudissements sur des travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Votre question concerne à la fois les problématiques de santé et d’environnement.

Le cadmium, vous le savez, est un élément très répandu dans l’environnement à l’état naturel, du fait de l’activité humaine, notamment agricole, et de l’utilisation d’engrais minéraux.

Présent à l’état naturel dans les sols, le cadmium est aussi apporté par les matières fertilisantes qui en contiennent sous forme d’impuretés, en raison de la teneur des gisements de roche phosphatée, à partir desquels sont extraits les éléments servant à la composition des engrais. Autrement dit, il ne s’agit pas d’engrais dans lesquels on intègre volontairement du cadmium, mais plutôt de produits formés naturellement à partir de roche phosphatée, laquelle contient elle-même des impuretés, dont le cadmium, que les engrais embarquent au moment de leur production.

Je partage votre diagnostic sur les risques réels induits par cet élément chimique. Il faut donc impérativement trouver des solutions. Une fois présent dans les sols, le cadmium pénètre dans les végétaux destinés à l’alimentation humaine : cette problématique sanitaire doit être prise au sérieux, compte tenu des risques d’ostéoporose et de fractures osseuses.

Nous avons tous absolument intérêt, à limiter l’exposition au cadmium : les agriculteurs, pour préserver la fertilité et la qualité de leurs sols, comme les consommateurs.

Des travaux ont été lancés dès que les études ont confirmé ces risques. Sur la base des préconisations de l’Anses, un projet de décret limitant les apports de cadmium, tous usages confondus, est en cours de concertation. Notre objectif est de le publier à l’été 2021, après les phases de consultation du public et de notification européenne.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.

Joël Labbé. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse.

D’après les données dont nous disposons, les industriels sont en mesure de dépolluer les engrais phosphatés pour un surcoût évalué à seulement 3 %. Nous attendons du Gouvernement qu’il agisse dès maintenant, en publiant un décret.

Sur le plus long terme, il est possible de mettre en place des alternatives pour se passer d’engrais minéraux, par l’utilisation de compost ou de fertilisation animale comme le fumier, entre autres. Le modèle agricole biologique peut se passer de phosphates issus des mines.

N’oublions pas que l’on importe 30 % des produits d’agriculture biologique, faute d’une production suffisante en France ! (Applaudissements sur des travées du groupe GEST.)

> Accéder au compte rendu intégral complet de la séance 

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