EPR de Flamanville


PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création d’une commission d’enquête sur le chantier de l’EPR de Flamanville

Enregistrée à la Présidence du Sénat le 24 janvier 2022


PRÉSENTÉE PAR

MM. Guillaume GONTARD, Daniel SALMON, Joël LABBÉ, Guy BENARROCHE, Ronan DANTEC, Thomas DOSSUS, Jacques FERNIQUE, Mme Monique de MARCO, M. Paul Toussaint PARIGI, Mmes Raymonde PONCET MONGE, Sophie TAILLÉ-POLIAN et Mélanie VOGEL, Sénatrices et Sénateurs

(Envoyée à la commission des affaires économiques.)

 

Exposé des motifs

Mesdames, Messieurs,

Mercredi 12 janvier 2022, EDF a annoncé un nouveau retard sur le réacteur dit “de nouvelle génération EPR”, décalant la date de fonctionnement au minimum à 2023. Démarré en 2007, le chantier devait prendre fin en 2012 selon l’industriel.

Ce retard s’ajoute à de nombreux surcoûts, faisant passer le prix du réacteur d’un budget initial de 3,3 Mds à près de 12,7 milliards aujourd’hui. En juillet 2020 la Cour des comptes elle-même considérait que le coût total du chantier s’élèverait à plus de 19 milliards d’euros du fait de l’ensemble des dépenses s’intercalant avant toute mise en service industrielle et évoquait alors un « un échec opérationnel, des dérives de coûts et des délais considérables ».

Alors que le Président de la République a annoncé il y a quelques mois sans aucune concertation le lancement d’un nouveau programme nucléaire, il est aujourd’hui impensable de s’engager dans de nouveaux chantiers sans état des lieux préliminaire et investigations sur les raisons des retards. L’échec financier, technique et opérationnel de l’EPR de Flamanville doit être interrogé avant tout nouvel EPR.

Des anomalies techniques et une capacité industrielle en question

Mercredi 19 janvier 2022 le Directeur général de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) alertait à nouveaux sur les retards du chantier de Flamanville et rappelait qu’”il y a beaucoup plus de soudures à reprendre que ce qu’EDF imaginait au début: sur une centaine à réparer, seule une vingtaine ont été totalement refaites. […] Et il n’y a pas que les soudures ! D’autres sujets n’ont pas encore été résolus, alors qu’ils sont sur la table depuis des années : le fonctionnement des soupapes ou encore le colmatage des filtres du réservoir d’eau interne en cas d’accident.” Beaucoup d’alertes pourtant anciennes n’ont donc toujours pas eu de réponse à l’heure actuelle. Cela doit nous interroger sur la capacité réelle à réaliser de nouveaux réacteurs à grande échelle. Commandé par le Ministère de l’Économie, le rapport Folz de 2019 avait à cet égard souligné « une perte de compétences généralisée » de la filière.

Des importants surcoûts et des conséquences pour les contribuables

L’ensemble des surcoûts liés au chantier de Flamanville représentent des charges pour l’industriel EDF à majorité public et dont la dette s’élève à près de 40 milliards aujourd’hui. La gestion de cette dette, le rôle de l’État actionnaire dans l’entreprise ou encore le rôle du conflit ouvert entre deux entreprises françaises, EDF et Orano (Areva à l’époque), doivent être investigués sur l’ensemble du programme EPR. À défaut, c’est bien la puissance publique, et derrière elle, le contribuable qui en paiera les coûts in fine.

De nombreuses difficultés constatées également à l’international

Lancé en 2005, le réacteur d’Olkiluoto en Finlande a connu des déboires analogues à ceux de Flamanville avec des coûts multipliés par quatre. Ce chantier a d’ailleurs contribué à la disparition de l’ancien groupe Areva, majoritairement à capitaux publics. À Hinkley Point au Royaume-Uni, deux autres chantiers ont également accumulé des retards et des dépassements financiers. Enfin, même si deux réacteurs de type EPR ont été mis en service à Taishan en Chine en 2018 et 2019, ces derniers ont affiché un retard de cinq années, un fort surcoût (à peu près 60%) et un arrêt en juillet 2021 suite à « un phénomène d’usure mécanique de certains composants d’assemblages », selon EDF. Plus récemment, Julien Collet, directeur général adjoint de l’Autorité de sûreté nucléaire évoquait, concernant les EPR chinois, un “écart entre ce que y a été modélisé et la réalité”.

La question des déchets radioactifs toujours en suspens

La construction d’un nouveau parc nucléaire de réacteurs EPR entraînerait également plusieurs difficultés au niveau des matières radioactives et des déchets nucléaires. La Cour des Comptes a rappelé à l’occasion de son Rapport de Juillet 2019 sur l’aval du cycle de combustible nucléaire qu’il était pourtant urgent de mettre à jour plusieurs scénarios de gestion, d’anticiper davantage les coûts et volumes et de renforcer un expertise actuellement insuffisante dans la gestion des déchets. L’interaction entre les choix technologiques en amont et la gestion des déchets en aval étant forte, la question des déchets ne peut être éludée.

Tirer leçons avant tout nouveau projet de construction

La construction de nouveaux EPR en France ne saurait en tout état de cause être envisagée sans réponses préalables et claires sur les raisons des déboires de ses nombreuses premières réalisations. C’est pourquoi nous demandons la mise en place d’une commission d’enquête sur le chantier de la centrale nucléaire de Flamanville préalablement à tout lancement d’un nouveau programme nucléaire EPR 2. La Cour des Comptes, dans son rapport thématique sur la filière EPR de Juillet 2020 rappelait elle-même que la décision de lancer un nouveau programme d’EPR 2 devait s’appuyer sur “un retour d’expérience complet sur la construction des EPR”.

 

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