Joël Labbé a conservé son âme de rockeur

Le sénateur a conservé son âme de rockeur

OUEST-FRANCE / 09-01 2013 – Par Michel TROADEC

Joël Labbé connaîtra, le 14 janvier prochain, sa deuxième rentrée parlementaire. Élu surprise dans le Morbihan, il y a un peu plus d’un an, l’écologiste n’a pas vraiment changé ses allures de rockeur. Portrait d’un homme que la politique n’a pas réussi à transformer.

Il arrive au portique de sécurité, qui permet d’accéder au Sénat, quand le gardien l’arrête. Celui-ci s’apprête à demander l’identité de cet homme aux longs cheveux gris bouclés, au gros anneau à l’oreille, aux cinq bagues aux doigts. Il ne reconnaît pas en lui un élu de la République… Sa collègue, plus rapide, intervient : « Laisse donc passer monsieur le sénateur. »
Joël Labbé sourit : « Finalement, ça me rassure d’apparaître plus comme un citoyen lambda… » Certes, il porte bien la veste-chemise-cravate réglementaire. Mais l’anneau, la respectable chambre du Sénat l’a toujours vu porté en alliance plutôt qu’accroché à l’oreille…
Ce look rock lui va comme un gant à notre sexagénaire (depuis octobre) morbihanais. Il n’a jamais pensé en changer. Surtout pas en devenant sénateur. Il assure d’ailleurs n’avoir jamais entendu le moindre sarcasme de ses collègues parlementaires. « Je tiens à rester naturel sans être outrancier. D’entrée de jeu, je n’ai pas voulu être le rock’n’roll de service. J’ai une mission. Et je suis un bosseur. »
Président du groupe des douze sénateurs Europe Écologie-les Verts, Jean-Vincent Placé s’amuse du côté décalé de son sénateur breton : « Il est déjà venu en santiags… Moi, j’adore. Vous savez, dans notre groupe de sept femmes et cinq hommes, c’est vraiment la diversité, à commencer par moi (il est d’origine coréenne). Nous avons des âges, des parcours, des styles différents. Les sénateurs se sont faits à Joël car le gars est crédible. C’est un mec droit. Un type sérieux, convivial. »
Avec Joël Labbé, le Sénat a gagné un de ces hommes politiques qui ne peut vivre longtemps loin de sa terre. Un fils de paysan de Saint-Nolff, commune périphérique de Vannes de 3 800 âmes.
Père à 20 ans, il interrompt ses études pour travailler dans un laboratoire de contrôle alimentaire. Bonne pioche. Aujourd’hui encore, les problèmes alimentaires le passionnent, au point qu’il en a fait sa spécialité. Comme l’agriculture. « Je ferais tout ce que je peux pour que sur les pesticides la situation évolue vers une alternative », insiste-t-il.

« La gueule enfarinée aux Vieilles Charrues »

Conseiller municipal et adjoint à 25 ans, il devient maire à 43 ans. Avec lui, Saint-Nolff innove, côté développement durable : « commune du monde » et sans OGM, développement maîtrisé visant à accueillir des jeunes ménages, 30 % de logement social.
Et comme on ne se refait pas, le maire passionné de rock initie un grand festival de musiques actuelles à Saint-Nolff, interrompu aujourd’hui, mais qui devrait repartir. « En politique, je prône l’audace. Je me dis que les autres suivront. Mais pour être audacieux, il ne faut surtout pas oublier d’être pédagogue. »
Le maire ne se représentera pourtant pas en 2014 : « Trois mandats, ça va. J’ai pu m’exprimer. Et j’ai une jeune équipe qui peut prendre le relais. Mon élection au Sénat a provoqué un basculement dans ma vie. Mais c’est arrivé au bon moment. À moi de jouer maintenant un rôle au niveau national. Nous sommes dans une période délicate de transformation sociétale. »
Agnostique, Joël Labbé se dit tout de même préoccupé par le sens de la vie : « Que fait-on là ? Au fil du temps, je me suis rendu compte que j’ai une sorte de destin politique pas programmé. Il m’arrive encore d’avoir des doutes. Mais je suis dopé à l’énergie. » Surtout, il sait où se ressourcer. « J’ai cinq enfants, sept petits-enfants et une femme extrêmement forte, le coeur de la cellule familiale. C’est capital. »
Et il y aura toujours ses escapades de rockeur. Il y a quelques années, parti au Printemps de Bourges avec quelques potes, le maire et conseiller général dormait dans le fourgon… L’été dernier, aux Vieilles Charrues, le sénateur a passé la nuit dans la voiture. « Quand je me suis réveillé, la gueule enfarinée, tout sénateur que j’étais, je me suis dit que la vie était belle… Le côté rock’n’roll, c’est aussi un rapport à la vie. »
La semaine prochaine, avec la rentrée parlementaire, il quittera à nouveau Saint-Nolff, mardi, très tôt, pour Paris, avec retour le jeudi, au train de 18 h à Montparnasse.
« Même si sa vraie vie reste en Bretagne
, commente Élodie Guillerme, son assistante parlementaire, ce n’est pas un élu fictif. Il a envie de changer les choses. Il n’était pas prévu qu’il devienne sénateur. Pour autant, il a su garder sa personnalité. » Comme un pied de nez à l’image que certains se font des hommes politiques.

Photo © Daniel Fouray

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