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Les chercheurs ont encore beaucoup à apprendre des plantes

TAHITI INFOS – 19/11/2018

PAPEETE, le 19 novembre 2018. De nombreuses molécules aujourd’hui développées dans l’industrie pharmaceutique ou cosmétique proviennent d’une source naturelle. Mais de nombreuses plantes sont seulement utilisées par la médecine traditionnelle et beaucoup gardent encore pour elles leurs vertus. Une centaine d’experts et chercheurs sont réunis jusqu’à vendredi pour parler de l’utilisation des plantes aromatiques, médicinales et cosmétopées.

Aujourd’hui, 80% des plantes utilisées à but médicinal en France sont importées. Un comble quand on connaît la biodiversité ultramarine et les nombreuses utilisations régionales des plantes d’outre-mer. Regrettant ce constat, le sénateur morbihannais Joël Labbé a été à l’initiative d’une mission d’information sénatoriale sur « Les plantes médicinales et l’herboristerie ». Les conclusions de son travail réalisé durant six mois, ont été adoptées en septembre par ces homologues. Un premier pas en vue de faire évoluer la législation.

Il présentera vendredi dans le cadre du colloque international des plantes aromatiques, médicinales et cosmétopées son rapport qui permettra peut-être de faire revivre le métier d’herboriste. Ce colloque, qui s’est ouvert ce lundi et s’achève ce vendredi, réunit une centaine d’experts et chercheurs en botanique, ethnobotanique, chimie des substances naturelles, médecins, pharmaciens, praticiens des savoirs traditionnels, agronomes… venus de métropole, d’outre-mer et aussi du Pacifique.

C’est l’association Tahiti Fa’ahotu, qui regroupe plus de soixante entreprises polynésiennes et la totalité des organismes de recherche, qui co-organise avec l’université de Polynésie française ce colloque sur le thème « Nature et Culture : de la recherche à l’innovation, la valorisation et/ou la préservation ».

« Entre le développement d’une médecine traditionnelle et le développement d’un projet industriel, il y a l’obligation de faire les preuves de l’efficacité du produit », souligne Jean-Paul Peillex, président de Tahiti Fa’ahotu.

« Accompagnement et anticipation »

Le haut-commissaire, René Bidal, a mis en avant l’enjeu économique que peut représenter la biodiversité pour l’outre-mer, et pour la Polynésie française en particulier. « Je voudrais souligner les résultats encourageants de la recherche tant pour l’identification de plantes productrices de nouvelles molécules, que de la mise au point de nouvelles méthodes d’extraction écologique, de synthèses chimiques et d’élaboration de produits qui s’inspirent des savoirs traditionnels. Des savoirs traditionnels, certes empiriques, mais qui sont parvenus jusqu’à nous parce qu’ils ont démontré leur efficacité. Lier la plus grande modernité en matière de recherche avec l’empirisme de ceux que les anciens ont apporté jusqu’à nous est peut-être en effet l’un des débats essentiel de ce colloque. (…) Ces résultats fondent l’avenir d’une activité économique dont on ne mesure pas encore l’impact. Ces filières, en dépit -ou à cause- de leur caractère novateur, peinent à se structurer. La majorité des entreprises de production et de transformation présente des capacités limitées en raison de leur petite taille. Ces entreprises visent le plus souvent des marchés de niche et développent des circuits de commercialisation directs et locaux mais limités. (…) Notre devoir se situe dans l’accompagnement et l’anticipation. »

Le représentant de l’Etat a ainsi souligné la nécessité de « sensibiliser les acteurs à la question des brevets et à la protection industrielle pour valoriser économiquement les innovations et en faire profiter les ressources du territoire ».

Le président de l’université de Polynésie française, Patrick Capolsini, a mis en avant le travail des chercheurs qui doit se faire davantage avec le monde des entreprises. « Le lien entre recherche académique et monde de l’entreprise doit être renforcé en Polynésie française », souligne-t-il. « Recherche et innovation sont les deux faces d’une même pièce. Elles doivent s’alimenter l’une l’autre c’est encore trop peu le cas ici. Nous devons tous y travailler de concert afin d’assurer aux Polynésiens une véritable valorisation de leur patrimoine naturel et culturel si riche. »
Un patrimoine naturel riche dont les potentialités sont encore largement méconnues « On parle beaucoup de terres rares », a noté le haut-commissaire. « L’avenir de ce territoire c’est aussi les perles vertes, qu’on peut tirer du milieu marin et sous-marin et qui peuvent constituer des molécules à reproduire synthétiquement ou par voie de chimie de synthèse pour préserver les milieux et en même temps économiquement créer des recettes pour le territoire polynésien. »

Jean-Paul Peillex, président de Tahiti Fa’ahotu

« Il y a un changement de mentalité « 

En Polynésie, l’utilisation des plantes, à travers notamment les ra’au tahiti, est courante. Aujourd’hui y a-t-il un blocage, et si oui pourquoi, pour valoriser ce savoir à travers l’innovation scientifique et technologique ?

« Il y a rien qui bloque dans l’absolu. Il n’y a pas de volonté de blocage. Entre le développement d’une médecine traditionnelle et le développement d’un projet industriel, il y a l’obligation de faire les preuves de l’efficacité du produit. »

Les décennies passées, on a pu voir un lobby qui discréditait les vertus et l’efficacité des plantes utilisées de manière traditionnelle. Les choses ont-elles évolué aujourd’hui ?

« Il y a un vrai changement qui se produit. Je ne sais pas si avant on a essayé de décrédibiliser. Mais on a passé trente ans où la chimie était reine. On peut prendre le cas du plastique par exemple, qui n’a rien à voir avec la cosmétique, mais pendant 30 ans le plastique était le summum de ce qu’on pouvait faire de mieux. En cinq ans, le plastique est devenu l’ennemi numéro un de tout le monde. Il y a un changement de mentalité, qui fait qu’aujourd’hui on se rend compte qu’il n’y a peut-être pas besoin d’aller chercher loin ce qu’on avait peut-être à côté de chez soi car il y avait des méthodes ancestrales qui marchaient. Il faut retourner vers ces méthodes pour essayer de trouver pourquoi elles marchaient, sur quel fondement et comment les utiliser au mieux.

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