Pesticides : 3 questions à Joël Labbé, Sénateur

AGIR POUR L’ENVIRONNEMENT / 23-01-2014
Une association de mobilisation citoyenne nationale en faveur de l’environnement.

A l’occasion de l’examen, par l’Assemblée Nationale, de la proposition de loi « visant à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national », nous avons posé trois questions à Joël Labbé, sénateur EELV à l’origine de cette proposition de loi.


1- En quoi consiste la proposition de loi sur l’encadrement de l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national ?

Cette proposition de loi s’inscrit à la suite des travaux de la Mission Commune d’Information sur les impacts des pesticides sur la santé et sur l’environnement (2012-2013), dont j’étais l’un des vice-présidents.  Cette mission parlementaire nous avait permis de dresser un certain nombre de constats alarmants, comme la sous-évaluation des dangers et des risques des pesticides pour la santé, le manque de suivi de ces produits après leur mise sur le marché, ou le manque de prise en compte de ce risque dans les pratiques industrielles, agricoles et commerciales actuelles.

Par ailleurs, la France occupe toujours le premier rang européen et le troisième rang mondial de l’utilisation des pesticides. Le plan Ecophyto 2018, engagement qui, suite au Grenelle de l’environnement, visait à réduire de 50 % l’usage des pesticides à l’horizon 2018 est bien loin de ses objectifs : à l’issue des trois premières années, une augmentation de 2,6 %  a été constatée.

La proposition de loi interdit, à compter du 1er janvier 2020, aux personnes publiques [État (parcs nationaux), régions (parcs naturels régionaux…), communes, départements, groupements ainsi que les établissements publics] propriétaires d’un domaine public ou privé, d’utiliser des produits phytosanitaires, à l’exception des produits de bio-contrôle et des substances reconnues comme à faible risque, pour l’entretien des espaces verts, des forêts et des promenades. Par ailleurs, elle prévoit l’interdiction de la vente des produits phytosanitaires aux particuliers, à compter du 1er janvier 2022. Enfin, cette proposition de loi demande un rapport gouvernemental qui étudiera les freins juridiques et économiques empêchant le développement des produits de bio-contrôle et dits à faible risque, et en particulier des Préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP), avant le 31 décembre 2014.

 

2- On sait que l’usage agricole des pesticides représente la majeure partie de l’utilisation des pesticides en France. Pourquoi donc mettre en place une proposition de loi portant sur les usages non agricoles ?

Si les utilisateurs de produits phytosanitaires sont en grande majorité les agriculteurs, le choix a été fait de se concentrer sur l’usage par les particuliers et les collectivités. Il s’agit de s’attaquer à une part de la consommation nationale qui peut paraître modeste puisqu’elle n’en représente que 5 % à 10 % – presque 10 000 tonnes par an tout de même ! –, mais qui concerne potentiellement toute la population. Sont visées l’utilisation des pesticides en dehors des zones agricoles, c’est-à-dire, pour l’essentiel, la consommation des particuliers dans leurs jardins ou sur leurs balcons ainsi que celle des collectivités territoriales pour la gestion de leurs espaces verts. De très nombreux jardiniers particuliers utilisent aujourd’hui des produits reconnus scientifiquement comme toxiques, sans être suffisamment informés des risques qu’ils représentent pour l’environnement, pour leur santé et celle de leur famille. Ces mesures constituent ainsi une forte avancée sanitaire et environnementale.

La réduction de l’utilisation des pesticides en agriculture devra quant-à-elle être traitée dans le cadre de la loi d’avenir agricole, dont les débats ont commencé. Seule une évolution du modèle agricole permettra cette réduction.

3- De nombreuses communes ont mis en place des plans « zéro phyto », des magasins ont déjà enlevé les pesticides de leurs rayons etc. Pensez-vous qu’il y a une réelle prise de conscience de la société sur cette question ?

À l’échelon des collectivités, l’expérimentation est déjà largement engagée. Aujourd’hui, près de 10 % de la totalité des communes et plus de 60 % des villes de plus de 50 000 habitants se sont lancées dans une démarche tendant vers le « zéro phyto ». Je citerai les villes de Niort, Besançon, Rennes, Lorient, Versailles, Grenoble, Strasbourg… Et ma petite commune de Saint-Nolff, qui pratique aussi le zéro phyto depuis 2007, terrain de foot et cimetière compris!

Concernant la vente aux particuliers, la distribution se mettra sans doute rapidement au changement, entraînant la production de traitements alternatifs. Des distributeurs ont déjà fait le choix de retirer certains produits de leurs rayons, précisant qu’ils n’y avaient pas perdu d’un point de vue économique.

Je pense effectivement que la prise de conscience est en marche, et que cette loi va dynamiser et généraliser des pratiques déjà existantes. Pour accompagner ces dynamiques, un gros travail de sensibilisation, d’information et de formation aux alternatives reste à faire auprès des citoyens et des élus.

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