Pollutions de l’eau

16e législature / Question d’actualité au gouvernement
> Publiée le 13/04/2023

Joël Labbé. La semaine dernière, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a révélé qu’un tiers de notre eau potable n’était pas conforme à la réglementation.

Le pire selon nous, monsieur le ministre de l’agriculture, c’est que vous mettez en cause le travail scientifique de l’Anses en contestant ses décisions, notamment concernant le retrait du S-métolachlore. (M. le ministre de l’agriculture fait un signe de dénégation.) De ce fait, la crédibilité de votre politique en matière de pesticides et de qualité de l’eau s’effrite de jour en jour.

Que répondez-vous à la population inquiète de boire de l’eau du robinet ? Que répondez-vous aux collectivités qui s’interrogent sur les coûts de dépollution ? Que répondez-vous aux agriculteurs qui n’utilisent pas les pesticides et qui ne sont pas responsables de la pollution ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Réponse du Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

> Publiée le 13/04/2023

Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Labbé, je vous remercie de votre question, qui me permet d’apporter un certain nombre de précisions

Tout d’abord, à aucun moment, vous pouvez le vérifier dans tous les verbatims de mes propos nous assistions hier ensemble à une réunion , je n’ai remis en cause les analyses scientifiques, notamment celles de l’Anses. J’ai simplement posé la question a-t-on encore le droit d’en poser dans ce pays ? , alors que notre agriculture s’inscrit dans un cadre européen, de la synchronisation et de la chronologie de nos décisions.

Personne ne remet en cause l’étude de l’Anses sur le S-métolachlore, mais un travail est en cours sur ce sujet au niveau européen. Il y a donc, me semble-t-il, un risque de désynchronisation. Telle est la question que j’ai posée.

Thomas Dossus. Vous cherchez à gagner du temps !

Marc Fesneau, ministre. Ensuite, saluons le travail qui a été réalisé sur les molécules présentant le plus de risques, celles qui sont classées comme cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques, les CMR1 : leur utilisation a été réduite de 96 % depuis 2016. C’est là un résultat tangible des différents plans que nous avons mis en oeuvre, en particulier le plan Écophyto.

Par ailleurs, nous comptons aller plus loin, pour les raisons qui ont été évoquées à l’instant. Il est nécessaire de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. Vous me trouverez toujours sur ce chemin. La différence entre vous et moi, c’est qu’il me semble que, pour progresser en ce sens, il faut agir en bon ordre et dans le cadre d’une planification.

L’interdiction, je l’ai déjà dit, ne produit pas la solution. Elle produit de la distorsion de concurrence à l’échelon européen. En effet, à l’extérieur de nos frontières européennes, dans le même espace de marché, des producteurs utilisent ces produits, qui sont autorisés chez eux. Nous devons donc travailler en Européens.

Mme Kristina Pluchet. Exactement !

Marc Fesneau, ministre. De même, nous devons procéder à une planification. Sous l’autorité de la Première ministre, nous avons ainsi décidé d’interdire, filière par filière, molécule après molécule, le recours aux produits qui ne doivent plus être utilisés et d’étudier les solutions de remplacement potentielles. Il faut le faire dans cet ordre, afin que, à chaque interdiction, corresponde une solution.

Sinon, je vais vous dire ce qui va se passer, monsieur Labbé : nous n’aurons plus d’agriculture (Exclamations sur les travées du groupe GEST.) et nous trouverons à l’intérieur de nos frontières des produits ayant été cultivés avec des substances dont nous ne voulons pas ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains. Protestations sur les travées du groupe GEST.)

le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.

Joël Labbé. Monsieur le ministre, lorsqu’il y a urgence, on n’a plus le temps de prendre son temps !

Au lieu de rester sur la défensive, vous auriez pu nous parler de l’étude prospective de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), intitulée Vers une Europe sans pesticides en 2050. Cette étude montre que c’est possible,…

Marc Fesneau, ministre. En 2050 !

Joël Labbé. … à condition de définir des trajectoires pour y parvenir sans rupture. Selon les conclusions de cette étude, cette transition nécessite des politiques publiques cohérentes et articulées.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, mon mandat va très bientôt prendre fin. Je me suis donc penché sur mon passé de sénateur. Or la quasi-totalité des questions que j’ai posées au Gouvernement depuis 2011 a concerné la lutte contre les pesticides et leurs méfaits, ainsi que le soutien à l’agriculture biologique, qui n’a pas recours aux pesticides et préserve la biodiversité.

Aujourd’hui, quand on fait le bilan, très peu de choses ont avancé. Les pesticides sont toujours dans la place, sur le sol, dans l’eau et dans l’air. L’agriculture biologique reste un parent pauvre, et cela malgré la succession des ministres de l’agriculture.

Je me dis avec dépit que les ministres passent, mais que la biodiversité et la santé, hélas, trépassent ! (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE. M. Julien Bargeton s’exclame.)

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