Projet de loi de finances pour 2018 (première lecture)

Mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation de l’agriculture française est difficile, on le sait, mais, paradoxalement, elle reste très productive. Seulement, elle ne rémunère plus les agriculteurs à la hauteur de leur travail et de leurs responsabilités. Nous devons prendre conscience des limites de notre système actuel, tourné vers les volumes et vers l’exportation, et de l’exigence de compétitivité dans un monde où tout est globalisé.

Tôt ou tard, il faudra bien que les produits alimentaires sortent du grand marché mondial ; c’est l’un des objectifs de la relocalisation de l’agriculture.

L’agriculture est dans l’impasse, mais la soutenir nous coûte cher. Dès lors, la transition que nous appelons de nos vœux doit être accélérée.

N’oublions pas que, dans notre économie mondialisée, notre modèle agricole a des conséquences sur des pays tiers, notamment en Amérique du Sud, en raison des hectares de soja, à 80 % transgéniques, que nous importons pour nourrir nos élevages, et en Afrique de l’Ouest, dont le nécessaire développement est quelque peu freiné par la concurrence qu’y exercent nos produits.

Notre agriculture va également faire face à de grands défis liés aux bouleversements climatiques, qui vont contraindre notre système à évoluer.

Face à ces enjeux que sont cette crise structurelle de notre système agricole et la nécessaire adaptation au changement climatique, nous possédons déjà un certain nombre de solutions et les outils permettant de soutenir une transition de notre système agricole.

De nombreuses structures de recherche de grande qualité existent. Je pense évidemment à l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, mais aussi aux instituts techniques tels que l’Institut technique de l’agriculture biologique, l’ITAB, les établissements situés dans nos territoires, comme SupAgro, à Florac, en Lozère, sur les questions agroenvironnementales, sans compter évidemment l’ensemble des laboratoires du Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, qui mènent également des recherches liées à l’agriculture et aux changements climatiques.

La profession viticole elle-même fait de gros efforts dans la recherche de substituts aux pesticides et le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, le CIVB, a pris l’engagement fort de sortir des pesticides en Gironde, département le plus touché par l’utilisation de ces produits. Cet exemple est très parlant, mais il faut que l’État soutienne ceux qui veulent avancer vite sur le sujet.

C’est en nous appuyant sur des outils de recherche, notamment de recherche collaborative, mais également sur un certain nombre de réseaux, comme celui des fermes Dephy et les réseaux associatifs, que nous devons mettre en place un plan ambitieux de transformation de notre agriculture.

Il convient de favoriser les cultures de qualité et de proximité, en dynamisant les projets alimentaires territoriaux – c’est l’une des belles avancées de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt –, qui se mettent en place un peu partout sur le territoire.

Nous devons aller plus vite ; nous devons aller plus loin. Pour cela, nous devons appliquer rapidement l’une des promesses de campagne de notre Président de la République, celle qui consiste à forcer à introduire 50 % de produits bio ou locaux dans l’ensemble de la restauration collective publique ou concédée.

En effet, l’agriculture biologique, qui était considérée comme un marché de niche voilà encore peu de temps, a fait, depuis, la démonstration de son efficacité à rémunérer correctement les agriculteurs qui se lancent dans cette démarche de préservation de l’environnement, tout en accroissant la biodiversité, à augmenter le stockage naturel du carbone dans les sols et à protéger, notamment, la ressource en eau.

Lors des états généraux de l’agriculture, le Président de la République a aussi souhaité que les organisations de producteurs se transforment, afin d’assurer une meilleure répartition entre la production et la consommation. Pour ce faire, il a proposé la mise en place d’indicateurs de marché sur les coûts de production et de contrats types par filière, afin que tous les agriculteurs aient facilement accès à ces informations. Il a aussi fustigé les prix anormalement bas. Nous tenons à saluer cette initiative.

Nous ne sommes pas seuls dans ce grand projet de transformation. La politique agricole commune doit également massivement accroître la part consacrée aux mesures agroécologiques, dans le cadre du verdissement, pour aboutir à une véritable rémunération des services écosystémiques rendus par nos agriculteurs qui font le choix de techniques ou de pratiques vertueuses.

Nous souhaitons également obtenir des précisions concernant les 200 millions d’euros annoncés par le chef de l’État dans son discours de Rungis afin de rémunérer les services environnementaux, et non de les subventionner – il est important que les agriculteurs, les consommateurs et les contribuables se le mettent bien en tête. Les mêmes questions se posent concernant le Grand plan d’investissement pour l’agriculture, doté de 5 milliards d’euros : dans quel sens ces aides seront-elles ciblées ?

Au sujet des circuits courts, j’ai été interpellé par les éleveurs de volaille fermière du Morbihan. Ces petits producteurs de volaille de plein air sont soumis aux normes sanitaires conçues pour les élevages industriels. L’application stricte de ces normes remet en cause la pérennité de leur élevage, dont les produits sont vendus à la ferme ou dans les magasins de producteurs. La législation sanitaire mise en place pour lutter contre la salmonellose et les contraintes administratives pour éviter la propagation de la grippe aviaire ne sont pas du tout adaptées à ce type de productions.

Dupliquer dans les petites exploitations les normes conçues pour les producteurs intégrés…

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Joël Labbé. … ne convient pas au monde agricole.

Les coûts générés par ces mesures inadaptées, que ce soit la mise en place de sas, les contrôles onéreux sur les fumiers, les filets de protection…

M. le président. Il faut vraiment conclure. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. Joël Labbé. Afin de préserver ces élevages, une législation cohérente et adaptée est nécessaire.

Les éleveurs de volaille fermière comptent sur vous, monsieur le ministre, pour les entendre et leur apporter des réponses appropriées.

M. le président. Je vais maintenant donner la parole à l’orateur suivant. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. Joël Labbé. Aussi, la majorité des membres du groupe du RDSE s’abstiendra. (Mme Michèle Vullien applaudit.)

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Mission Économie

M. Joël Labbé. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, reconduit cette année encore, représente à lui seul 20,8 milliards d’euros de crédits, soit plus de 72 % du montant total de la dépense fiscale rattachée à la mission.

Encore aujourd’hui, de l’aveu même du comité de suivi du CICE, il reste difficile d’évaluer les effets réels du dispositif. Ce comité s’accorde toutefois pour estimer à 100 000 le nombre d’emplois préservés grâce à celui-ci entre 2013 et 2015. La fourchette allant de 10 000 à 200 000, cela manque tout de même de précision… Si l’on retient le chiffre de 100 000 emplois préservés, le coût de la mesure s’établit à 20 000 euros par emploi, ce qui, somme toute, est bien plus cher que les emplois aidés !

L’emploi n’est pas le seul bénéfice du CICE, heureusement ! Le CICE a permis à un certain nombre d’entreprises de reconstituer leurs marges, et parfois d’investir, ce qui est une bonne chose. Cependant, quand on y regarde de plus près, il a surtout permis à un grand nombre de grandes entreprises d’augmenter les dividendes pour leurs actionnaires, sans aucun bénéfice pour l’emploi et pour l’investissement. Je pense notamment à la grande distribution, premier secteur bénéficiaire du CICE, dont certains acteurs ont même profité de l’aubaine pour supprimer des emplois, ce qui est un comble !

Alors, mes chers collègues, plutôt que de financer le versement de dividendes, ne serait-il pas temps de recentrer le CICE sur un certain nombre d’objectifs et de secteurs dont on sait qu’il leur manque un petit coup de pouce pour pouvoir embaucher, investir, innover ? Nous espérons que cette proposition sera prise en compte dans les réflexions sur les mesures à venir.

Concernant les autres crédits de la mission, on peut souligner la pertinence, reconnue par tous, de certains mécanismes, comme le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, dont le recentrage en 2015 a permis une plus grande efficacité des dépenses, en particulier en faveur du commerce local de centre-ville ou de centre-bourg, notamment dans nos espaces ruraux. C’est pourquoi nous soutiendrons nous aussi l’amendement qui tend à porter les crédits alloués au FISAC à 30 millions d’euros.

En ce qui concerne la fibre, nous voulons croire à l’annonce faite par le Président de la République d’une couverture numérique en très haut débit de l’ensemble du territoire d’ici à 2022. Nous espérons vraiment que le Gouvernement tiendra ses engagements. Dans le Morbihan, beaucoup de doutes ont été exprimés. Il faudra que la puissance publique s’impose pour faire en sorte que les travaux soient accélérés.

Par ailleurs, l’inquiétude est grande au sein des associations de protection des consommateurs agréées. En effet, le programme 134 se voit amputé de 40 % de ses crédits, ce qui pose un certain nombre de questions, s’agissant aussi bien des subventions directes que reçoivent ces associations que des crédits alloués à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, eux aussi en diminution. On peut se demander comment, dans ces conditions, nous allons pouvoir maintenir le même niveau de protection des consommateurs. Je pense par exemple à l’application de la loi relative à la consommation et de son volet consacré à l’interdiction de l’obsolescence programmée, ou au respect des normes alimentaires en matière de résidus de pesticides.

Avant de conclure, je voudrais évoquer brièvement le projet « Industrie du futur ». En effet, nous disposons d’un vivier de start-up technologiques dans l’ensemble des domaines prometteurs que recouvre aujourd’hui l’appellation « French Tech ». Soutenir la structuration et le développement de ces filières est une nécessité, si l’on veut éviter de se retrouver dans la situation de domination écrasante des géants américains de l’internet que nous vivons actuellement. C’est pourquoi nous saluons ce projet, en insistant sur les efforts que nous devons poursuivre en matière de formation professionnelle, afin d’accompagner les évolutions du marché du travail vers les nouveaux métiers qui vont rapidement émerger dans ces domaines. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

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