Projet de loi de finances pour 2021 : Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

Compte d’affectation spéciale : développement agricole et rural

Mardi 1er décembre 2020, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2021, le Sénat n’a pas adopté les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Les sénateurs ont également rejeté les crédits du compte spécial Développement agricole et rural.

 

Joël Labbé. Monsieur le ministre, nous commençons à nous connaître : ni mes propos ni mes conclusions, hélas, ne devraient trop vous surprendre…

Une fois de plus, selon nous, ce budget est loin d’être suffisamment ambitieux au regard des défis auxquels l’agriculture est confrontée aujourd’hui.

La crise du covid-19 nous l’a rappelé : les enjeux de souveraineté alimentaire se font de plus en plus pressants et l’urgence écologique est toujours plus prégnante. Il nous reste très peu de temps pour réagir face au réchauffement climatique et à l’effondrement de la biodiversité. Les moyens proposés sont hélas, à cet égard, insuffisants.

Ce budget présente notamment un recul majeur, et éminemment problématique, à savoir l’abaissement du plafond du Casdar. Ce fonds abondé par les agriculteurs constitue pourtant un outil essentiel de la transition agroécologique : en finançant la recherche appliquée, il finance notamment l’Institut technique de l’agriculture biologique (ITAB), qui réclame à juste titre des moyens à la hauteur de la croissance de cette forme d’agriculture. Je sais, monsieur le ministre, que vous y prêtez une oreille attentive ; nous allons donc continuer à demander que des moyens beaucoup plus importants soient alloués à cette institution.

Certes, ce budget est complété par le volet agricole du plan de relance, mais les moyens mobilisés dans ce cadre ne sont malheureusement pas non plus suffisants et ne sont pas fléchés comme ils devraient l’être.

On peut cependant reconnaître des signaux positifs, monsieur le ministre. Nous avons régulièrement et depuis longtemps défendu des amendements visant à donner aux collectivités les moyens de mettre en œuvre les dispositions de la loi Égalim sur la restauration collective et à augmenter massivement le budget des projets alimentaires territoriaux.

Après plusieurs années de refus de nos propositions, ces axes sont aujourd’hui enfin reconnus. Nous avions, dans le même sens, via un amendement que j’avais présenté lors de l’examen du projet de loi Égalim, inscrit l’autonomie protéique parmi les objectifs de la politique agricole française. Que des moyens y soient désormais consacrés est donc une avancée que nous reconnaissons volontiers, monsieur le ministre.

Cependant, l’ensemble reste décevant. Les axes du plan de relance qui concernent la territorialisation de l’alimentation et la transition écologique bénéficient d’enveloppes réduites par rapport aux besoins des territoires et par rapport au cœur du plan de relance, qui consiste en un soutien au modèle existant, celui d’une agriculture de plus en plus industrialisée.

L’axe principal de ce projet de budget concerne ainsi les agroéquipements, qui contribuent à la fuite en avant du modèle industriel. En effet, les crédits engagés doivent notamment permettre de financer du matériel d’épandage plus précis pour optimiser l’utilisation des intrants. Plutôt que de miser sur des changements de pratiques agronomiques et sur des approches territoriales, on finance du matériel. Il y a là surtout un soutien au secteur de l’équipement, au risque d’augmenter l’endettement des fermes et de pérenniser l’usage des pesticides. Cela ne nous convient pas !

De la même façon, pour ce qui est du plan Protéines végétales, rien ne garantit que les filières véritablement vertueuses sur le plan environnemental seront soutenues à la hauteur de leurs besoins.

Le manque de soutien à l’agriculture biologique est une autre source de déception. J’ai déjà évoqué le cas de l’ITAB. Si le Fonds Avenir Bio est désormais porté à 13 millions d’euros, l’Agence Bio manque de moyens pour effectuer correctement son travail d’accompagnement. Quant aux groupements d’agriculteurs biologiques (GAB), ils mériteraient de se voir accorder les moyens de jouer un rôle beaucoup plus important dans les territoires, en l’occurrence les départements.

Par ailleurs, le fait que le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique ne soit renouvelé que pour deux ans est problématique ; il conviendrait au contraire de renforcer cet outil et de le revaloriser. L’agriculture biologique est la plus performante du point de vue environnemental et économique, comme le rappelle France Stratégie dans son rapport sur les performances de l’agroécologie.

La Commission européenne a fixé un objectif de 25 % de surfaces agricoles biologiques pour 2030. Il va falloir mettre le paquet pour y arriver !

Nous sommes d’autant plus méfiants sur la question du soutien à l’agriculture biologique que le Gouvernement a fait le choix d’accorder un financement considérable, et sans limite de temps, à la haute valeur environnementale (HVE), qui pose fortement question au sein de la société civile et d’une partie du monde agricole. Il est évidemment intéressant de soutenir des pratiques d’amélioration, mais, en l’espèce, celles-ci ne sont – ou ne sont censées être – que des pratiques intermédiaires entre le biologique et le conventionnel. Même si l’agriculture biologique reste aujourd’hui la plus performante, il existe de nombreuses pratiques alternatives à soutenir.

Je conclurai en évoquant d’un mot la forêt. Hélas, les moyens alloués à l’ONF diminuent encore et les budgets ne sont pas orientés vers les pratiques qui permettraient de développer une forêt résiliente.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, avec regret – mais sous réserve du sort réservé à nos amendements –, le groupe écologiste votera contre l’adoption des crédits de cette mission.

 

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