Projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’aurais aimé dire quelques mots à notre collègue national-populiste – je regrette son absence –, lui qui a la gâchette si facile pour tirer sur les écologistes !

M. Jean-Louis Carrère. Vous n’êtes pas une espèce en voie de disparition ! (Sourires.)

M. Joël Labbé. Mais son intervention ne mérite pas que l’on s’y arrête, car les propos des orateurs qui m’ont précédé ont élevé le débat.

Le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dont la discussion commence enfin à la Haute Assemblée, fait suite au premier accord universel visant à assurer l’avenir de l’humanité, signé le 12 décembre 2015, une date historique. Il y aura donc un avant et un après !

Ce texte, à l’intitulé très COP21 compatible, si je puis dire, puisqu’il comporte la mention « pour la reconquête de la biodiversité », arrive au bon moment.

La biodiversité souffre du dérèglement climatique et elle est en même temps indispensable pour remédier à ce problème. Aussi, ce sont de bons signes que nous devons adresser à nos concitoyens. En effet, nous sommes en situation d’urgence environnementale !

Ce projet de loi a connu quelques avancées à l’Assemblée nationale et quelques reculs ici l’été dernier en commission (M. le président de la commission s’exclame.), mais c’était avant l’accord intervenu lors de la COP21 !

Je tiens à relayer les propos de ma collègue Marie-Christine Blandin, qui suit ces questions depuis de nombreuses années : « Du Grenelle de l’environnement était sorti un consensus qui malheureusement n’avait pas été repris complètement par le Gouvernement de l’époque. Un point en revanche n’était pas acquis : la création d’une Agence pour la biodiversité. C’est chose faite aujourd’hui, et nous nous en félicitons. Un petit bémol cependant, avec l’absence de l’ONCFS dans cette agence.

« Les écologistes seront très attentifs à l’article 18, sur les questions relatives à l’accès et au partage des avantages. Cet article apporte quelques avancées que nous saluons, mais nous dénombrons également des reculs, notamment sur les méthodes permettant de mieux associer les communautés d’habitants. »

Permettez-moi maintenant d’évoquer les sujets qui me préoccupent dans ce texte : l’interdiction des brevets sur le vivant ; la suspension des cultures issues de mutagenèse pour insuffisance d’évaluation préalable ; la question de l’étiquetage des huîtres nées en mer ou en écloseries. Je défendrai par ailleurs un amendement, qui peut paraître anecdotique, relatif à l’énergie animale et à la reconnaissance du statut de meneur territorial, un amendement issu de la consultation citoyenne dont je parlerai ultérieurement s’il me reste un peu de temps.

J’insisterai aussi sur la question des pesticides néonicotinoïdes qui me tient à cœur et dont nous avons débattu au mois de février dernier lors de l’examen d’une proposition de résolution que j’avais défendue avec force, et qui restera dans l’histoire. Depuis lors, de nouvelles études ont confirmé les conclusions que j’avais exposées : ces pesticides systémiques sont de puissants neurotoxiques qui touchent gravement non seulement les abeilles, mais aussi l’ensemble des pollinisateurs, des insectes, des oiseaux insectivores, des vers de terre, des invertébrés aquatiques ; ils ont des effets sur la faune et la flore microbienne du sol. Cela fait beaucoup !

Quand on apprend que, dans une seule poignée de terre végétale, il y a plus d’organismes vivants que d’êtres humains sur la planète, on comprend mieux cette phrase simple : « La vie fait le sol, et le sol fait la vie. » Et là, la chimie crée un grand désordre.

L’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, vient d’ailleurs de publier un avis très éclairant sur le sujet que je vous invite, mes chers collègues, à consulter. Mais je sais que certains d’entre vous l’ont déjà lu.

Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Tout à fait !

M. Joël Labbé. « En l’absence de mesures de gestion adaptées, l’utilisation des néonicotinoïdes entraîne de sévères effets négatifs sur les espèces pollinisatrices » : tel est le constat rappelé par l’Agence.

J’ai évoqué précédemment la consultation citoyenne au moyen de la plateforme Parlement et Citoyens. À cet égard, je salue votre action, madame la ministre : vous avez joué le jeu, ce qui n’était pas si simple. M. le rapporteur, Jérôme Bignon, a également fait en sorte que le texte issu des travaux de la commission soit soumis à l’avis citoyen. Ainsi, nos concitoyens ont pu exprimer leur avis sur chacun des articles et ont formulé des propositions. Même si cela a été un peu compliqué, le nombre de contributions dépasse les 9 300, ce qui démontre l’intérêt que portent nos concitoyens à ce que nous faisons. Il y a une nécessité absolue de se reconnecter, et cette plateforme est l’un des outils modernes susceptibles d’assurer cette reconnexion entre les citoyens et les politiques que nous sommes.

Cela étant, la position du groupe écologiste dépendra évidemment du texte qui résultera de nos travaux. Mais après tout ce que j’ai entendu et comme je suis une personne optimiste, j’espère bien que nous le pourrons le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

> Voir le dossier législatif
> Voir le compte-rendu intégral de la séance

Mardi 26 janvier 2016, à l’issue des explications de vote, le Sénat a procédé à un vote solennel, par scrutin public en salle des Conférences, sur le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, qui vise à clarifier les principes et outils de la protection de la biodiversité, à rénover la gouvernance dans ce domaine et à mettre en place un dispositif d’accès aux ressources génétiques et de partage juste et équitable des ressources (APA). Il a adopté ce projet de loi par 263 voix pour et 32 voix contre (voir les résultats du scrutin).

> Voir le communiqué de presse (bilan par Joël Labbé)

Les commentaires sont fermés.

ouvrir