Projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable

Mardi 25 septembre 2018, le Sénat a adopté, par 276 voix pour et 49 voix contre (voir les résultats du scrutin public), une motion tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. En conséquence[1][1], il n’a pas adopté le projet de loi.

 Cette motion a été présentée, au nom de la commission des affaires économiques, par les rapporteurs M. Michel RAISON (Les Républicains – Haute-Saône) et Mme Anne-Catherine LOISIER (Ratt. Union Centriste – Côte-d’Or), qui estiment que :

  • « après l’échec inédit de la commission mixte paritaire sur un alinéa pourtant voté à l’identique dans les deux chambres, l’Assemblée nationale a confirmé, en nouvelle lecture, son intransigeance à l’égard des propositions du Sénat » ;
  • « en balayant d’un revers de main ses principaux apports, l’Assemblée nationale a traité le travail sénatorial par le mépris » et « même la création du fonds d’indemnisation des victimes professionnelles des produits phytopharmaceutiques, mesure de justice votée à l’unanimité au Sénat qui transcende les clivages partisans, n’aura pas trouvé grâce à ses yeux » ;
  • « la nouvelle lecture à l’Assemblée a été l’occasion, pour la majorité gouvernementale, d’aggraver encore le déséquilibre d’un texte qui non seulement échouera à relever le prix payé aux agriculteurs, mais aura même l’effet inverse sur leurs revenus, par l’addition des charges nouvelles qu’il instaure ».

………………………………….

Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi aujourd’hui soumis à notre examen manque cruellement d’ambition : cela a déjà été dit et répété, tant dans cet hémicycle qu’en dehors, les syndicats agricoles et les ONG environnementales ayant affirmé leur déception devant ce texte.

En ce qui concerne la rémunération des agriculteurs, l’État refuse d’assumer le rôle de régulateur de la puissance publique. Il s’agit pourtant d’une impérieuse nécessité !

À l’heure où, force est de le constater, de nombreux agriculteurs se trouvent en situation de détresse, où la biodiversité s’effondre, où les études sur l’impact des pesticides sur la santé s’accumulent, ce texte ne trace aucune grande orientation, aucune ligne claire pour amorcer la transition de notre agriculture vers un système vertueux, propre à rémunérer les agriculteurs et à respecter les équilibres environnementaux.

Certes, il y a eu quelques avancées. On a longuement discuté dans cet hémicycle, il y a quelques mois, de l’introduction de 50 % de produits d’origine locale, dont 20 % de produits bio, dans les repas servis par la restauration collective. Cet objectif a été entériné, c’est un point important.

Par ailleurs, je me réjouis que les députés aient voté en faveur d’une obligation d’étiquetage des huîtres permettant de distinguer les huîtres naturelles de celles nées en écloserie. C’est un combat que je soutenais depuis des années dans cet hémicycle.

L’extension de l’interdiction des néonicotinoïdes est également un pas dans la bonne direction pour nos apiculteurs, dont la situation est périlleuse.

Cependant, en dépit de ces petits pas, ce projet de loi entérine des renoncements inadmissibles à nos yeux.

Le refus d’inscrire dans la loi l’interdiction du glyphosate ne nous convient pas. On ne sortira pas des pesticides en se contentant d’incantations.

Il en va de même du refus de définir une distance minimale par rapport aux habitations pour l’épandage de produits phytosanitaires.

Tout aussi incompréhensible est le recul concernant les préparations naturelles peu préoccupantes, l’autorisation de ces solutions alternatives naturelles et sans danger continuant d’être bloquée.

Malgré cette immense déception, refuser le débat en votant cette motion tendant à opposer la question préalable ne me paraît pas souhaitable : on gagne toujours à débattre,…

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Encore faut-il qu’il y ait un débat !

Joël Labbé. … d’autant que la pause estivale a apporté de nouveaux éléments, qui auraient mérité d’être discutés ici. Je pense bien sûr au procès perdu par cette société empoisonneuse qu’est Monsanto contre ce jardinier dont le cancer a été reconnu comme étant en lien avec l’utilisation du glyphosate.

À défaut de débat, j’espère que le projet de loi de finances nous permettra de corriger le tir et de nous orienter enfin de manière forte et déterminée vers une nécessaire et urgente transition. Cependant, les annonces que vous avez faites hier, monsieur le ministre, sont quelque peu inquiétantes : les financements des mesures agroenvironnementales et climatiques et de la conversion vers l’agriculture biologique seraient amenés à diminuer de près de 20 %. Si l’on ajoute à cela les retards de paiement des aides environnementales, l’annonce d’une baisse du budget de l’Agence Bio et la fin du financement des aides au maintien, on pourrait presque croire à une volonté de porter un coup d’arrêt au mouvement vers l’agriculture de demain, pourtant soutenu par de plus en plus d’agriculteurs et de consommateurs.

Enfin, monsieur le ministre, où en êtes-vous de la mise en place des paiements pour services environnementaux, tant attendus ? (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)

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