Proposition de loi portant diverses disposition relatives aux mentions et signes de la qualité et de l’origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires

Mercredi 3 avril 2019, dans le cadre d’un ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain, le Sénat a examiné en première lecture la proposition de loi n°322 portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l’origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires, présentée par Mme Marie-Pierre MONIER (Socialiste et républicain – Drôme) et plusieurs de ses collègues, et la proposition de loi n°231 tendant à abroger la loi n° 57-1286 du 20 décembre 1957 interdisant la fabrication de vins mousseux autres que la « Clairette de Die » à l’intérieur de l’aire délimitée ayant droit à cette appellation d’origine contrôlée, présentée par M. Gilbert BOUCHET (Les Républicains – Drôme) et plusieurs de ses collègues.

 L’article 2 de la proposition de loi n°322 est identique à l’article unique de la proposition de loi n°231 et vise à abroger la loi du 20 décembre 1957 protégeant les appellations « Clairette de Die » et « Crémant de Die » afin de pérenniser et adapter la production des vins bénéficiant de ces appellations aux attentes des consommateurs et au changement climatique.

 Les autres articles de la proposition de loi n°322 visent à :

  • préciser les conditions d’usage de la mention « fromage fermier » et les conditions d’étiquetage en cas d’affinage hors de l’exploitation (art. 1er) ;
  • assurer la transparence sur la provenance du miel, en prévoyant qu’en cas de mélange de miels en provenance de plusieurs pays, l’étiquette du miel indique la liste de l’ensemble des pays d’origine (art. 3) ;
  • renforcer l’obligation d’affichage du pays d’origine du vin (art. 4).

 Sur le rapport de M. Henri CABANEL (Socialiste et républicain – Hérault) et Mme Anne-Catherine LOISIER (Ratt. Union Centriste – Côte d’Or), la commission des affaires économiques n’a apporté qu’une clarification relative aux dates d’entrée en vigueur de la proposition de loi, afin de pouvoir laisser le débat en séance publique avoir lieu sur le contenu du texte souhaité initialement par le groupe socialiste et républicain.

 En séance publique, les sénateurs ont adopté des dispositions visant à :

  • renforcer davantage la transparence sur la provenance du miel en précisant que les pays de provenance doivent être indiqués en toutes lettres et par ordre décroissant d’importance de la part prise dans la composition du miel (amts 19 rect. bis et 38 – art. 3) ;
  • modifier la rédaction de l’article 4 de la proposition de loi en interdisant pour les produits viticoles toute dérogation à la règle selon laquelle il est interdit de laisser penser qu’un produit a une origine française alors que ce n’est pas le cas (amt 27 rect. – art. 4) ;
  • interdire l’utilisation de certaines dénominations commerciales associées aux produits d’origine animale pour des produits alimentaires contenant une part significative de matières d’origine végétale (amt 1 rect. – art. add. après art. 4) ;
  • prévoir que l’origine géographique des vins vendus par les professionnels de la restauration soit mentionnée de façon lisible sur les cartes présentées aux consommateurs (amt 2 rect – art. add. après art. 4).

Le Sénat a adopté l’ensemble de la proposition de loi n°322.

………………………..

Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le sujet abordé dans cette proposition de loi est essentiel.

La bonne information du consommateur est nécessaire, à la fois pour répondre à une demande légitime de transparence sur l’origine et la fabrication des produits, mais aussi parce qu’il s’agit d’un réel levier pour changer les modes de production et évoluer vers des pratiques plus vertueuses. Les consommateurs sont de plus en plus nombreux à souhaiter, par leur acte d’achat, valoriser les producteurs qui s’engagent pour la qualité et pour le respect de l’environnement et de la biodiversité, les deux étant très liés.

La nécessité d’informer le consommateur avait d’ailleurs été clairement établie lors des États généraux de l’alimentation. C’est pourquoi les parlementaires ont enrichi par voie d’amendements la loi Égalim, laquelle faisait suite à des mois de consultation, et y ont introduit plusieurs articles sur ce sujet.

Toutefois, comme cela a déjà été indiqué, le Conseil constitutionnel a estimé que ces articles ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte. J’ai été, pour ma part, sidéré – il n’y a pas d’autre mot – par cette décision. Comme je l’ai dit, la bonne information du consommateur et les mentions valorisantes sont des leviers indispensables de la transition de notre agriculture.

Je remercie donc Marie-Pierre Monier et le groupe socialiste et républicain de leur initiative, qui vise à réintroduire une partie des articles censurés par le Conseil constitutionnel, ceux qui portent sur les mentions et signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine valorisant les produits agricoles.

C’est d’autant plus nécessaire que certaines mesures me paraissent urgentes, notamment l’étiquetage de l’origine des miels. En effet, nous connaissons tous les difficultés de nos apiculteurs, affectés par les fortes mortalités de leurs colonies, mais aussi par une concurrence qui paraît à bien des égards extrêmement déloyale. En effet, la France importerait près des trois quarts des miels qu’elle consomme. Et, nous le savons, certains pays pratiquant des prix extrêmement bas sont trop souvent épinglés pour des fraudes, comme l’ajout de sirop de sucre.

Dans ce contexte, le consommateur ne dispose même pas de l’information minimale, la pratique des mélanges de miels permettant jusqu’à présent d’échapper à l’obligation de mentionner l’origine du produit. Pour ma part, je trouve que le mélange de miels d’importation devrait être remis en cause en lui-même, car cette pratique est propice à la fraude.

L’étiquetage des pays d’origine est donc un minimum. Pour aller plus loin, je défendrai des amendements visant à prévoir l’affichage des pourcentages pour chaque origine.

En commission, on nous a opposé le droit européen, qui nous empêcherait d’adopter l’affichage du pourcentage. Or il est déjà pratiqué par la Grèce depuis 2011 et les Espagnols se préparent à l’adopter !

Par ailleurs, je suis convaincu que voter cette mesure aujourd’hui ne pourra que contribuer à accélérer un changement à l’échelon européen. La France doit être leader pour faire bouger l’Europe, parce que l’Europe doit bouger. Nous verrons plus tard la question des surtranspositions, mais, au final, c’est nous qui aurons raison. Nous allons tirer l’Europe vers le haut.

Une autre question me paraît urgente – elle aussi a été victime de la censure du Conseil constitutionnel. Je pense, et cela ne vous surprendra pas de ma part, à l’étiquetage des huîtres, selon qu’elles soient nées en mer ou en écloserie.

Ce sujet n’a pas été repris dans la proposition de loi, et je le regrette. Je défendrai donc encore une fois, avec force, un amendement en faveur de cet étiquetage. Je sais qu’il ne sera pas adopté, mais sachez qu’il finira par l’être dans quelque temps – je pourrais prendre les paris –, tant la demande et les enjeux sont forts.

Je proposerai également un amendement visant à aller plus loin s’agissant de la protection de la mention « fromage fermier. » En effet, cette mention doit pour moi rester attachée, comme c’est le cas aujourd’hui, aux fromages affinés à la ferme. Il s’agit d’éviter une banalisation de cette mention valorisante.

En nous appuyant sur la position des producteurs de fromages fermiers, nous proposerons qu’elle soit autorisée pour l’affinage à l’extérieur de la ferme seulement pour les mentions liées à l’origine, qui garantissent un véritable lien au terroir, et à condition que le nom du producteur soit indiqué sur l’étiquette.

La rédaction actuelle pourrait entraîner des dérives. On sait déjà que l’industrie, dont Lactalis, a racheté des structures d’affinage, afin de récupérer cette mention valorisante.

Pour finir, cette proposition de loi, qui vise à renforcer l’information du consommateur, va dans le bon sens : promouvoir, via l’information du consommateur, la qualité et le lien au terroir est vertueux. Toutefois, un risque d’appropriation par l’industrie pèse sur ces mentions valorisantes. Comme pour l’agriculture biologique, il faut défendre une forte exigence des mentions valorisantes, sous peine de pénaliser l’ensemble des filières.

Comme les autres membres de mon groupe, je voterai cette proposition de loi, qui, je le répète, va dans le bon sens.

Il est urgent de répondre à toutes les questions liées à l’origine de notre consommation alimentaire. Or, à écouter les uns et les autres, on n’a pas l’impression que la situation est urgente ! Il y a pourtant urgence climatique, en raison du dérèglement climatique, et urgence « biodiversitaire », parce qu’il y a une perte considérable de la biodiversité.

Il est donc vital d’accélérer la transition vers un nouveau modèle agricole, respectueux de la biodiversité, et de relocaliser l’alimentation, afin d’assurer la souveraineté alimentaire à l’échelle de la planète.

La mondialisation de l’alimentation est un non-sens dans le contexte d’un nécessaire processus de résilience collective ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

 

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